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Boubaker Al-Hakim, le jihadiste qui veut mettre la France à feu et à sang

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Boubaker al-Hakim est un des terroristes les plus dangereux du monde. Né le 1er août 1983 à Paris, dans une famille tunisienne de cinq enfants, il porte la double nationalité française et tunisienne. Il a aujourd'hui abandonné son patronyme pour intervenir sous son "nom de guerre" d'Abou Muqatil.

Mentor des frères Kouachi, les assassins de 12 personnes au siège de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, il est aussi l'inspirateur de la tuerie du Bardo, qui a fait 22 morts, dont quatre touristes français, le 18 mars suivant.

Il menace aujourd'hui publiquement de mettre la France à feu et à sang, avant d'en "vendre les femmes et les enfants sur les marchés de l'Etat islamique", désigné par son acronyme arabe de Daech.


Hakim a une longue histoire avec la Syrie. Il se rend à Damas dès juillet 2002, officiellement pour y étudier l'arabe. En fait, il est pris en mains par les services de "renseignement" de Bachar al-Assad, les très redoutés moukhabarates, qui contrôlent les infiltrations de militants étrangers dans l'Irak voisin. La coopération est alors étroite entre les polices politiques d'Assad et de Saddam Hussein, tant les deux dictatures sont inquiètes des projets d'invasion de l'Irak par les Etats-Unis. Hakim séjourne clandestinement en Irak, avant de rentrer en France en janvier 2003.

Lorsque l'administration Bush déclenche en mars 2003 sa campagne contre Saddam Hussein, Hakim est de retour en Irak. Il profite même d'interviews avec RTL et LCI pour inviter ses "potes du 19ème arrondissement" à venir le rejoindre sur place pour mener le jihad contre l'Amérique. Il s'enrôle dans la "légion" que le despote irakien a mobilisée pour faire face aux envahisseurs. Mais le régime de Saddam s'effondre rapidement sous les coups des Etats-Unis. Hakim, toujours épaulé par les moukhabarates syriens et irakiens, passe dans la clandestinité, retourne en Syrie, et de là s'envole vers Paris en mai 2003.

L'aura militaire du jeune activiste subjugue les membres de ce qui va bientôt devenir "la filière des Buttes Chaumont". Autour de Farid Benyettou, imam auto-proclamé, du même âge que Hakim, ce groupe organise des transferts de "volontaires" du quartier vers les bastions jihadistes d'Irak. De mars à août 2004, Boubaker al-Hakim séjourne à Fallouja, le fief d'Abou Moussab Zarqaoui, chef de la branche irakienne d'Al-Qaida. Les combats avec les troupes américaines sont acharnés et les activistes français, peu aguerris, essuient de lourdes pertes (le propre frère de Boubaker al-Hakim, Redouane, est tué dans un bombardement américain, en juillet 2004).

Hakim est arrêté par les moukhabarates syriens à son retour de Fallouja à Damas, sans doute parce qu'il n'a pas payé le pot-de-vin de rigueur à ses officiers traitants. Il est expulsé vers la France, où il rejoint, en détention préventive, Farid Benyettou et Chérif Kouachi, interpellés en janvier 2005, à la veille de leur départ pour Damas.


En mars 2008, Hakim est condamné à sept ans de prison contre six pour Benyettou et trois pour Kouachi. Libéré en janvier 2011, il quitte la France pour la Tunisie, où un soulèvement populaire vient de balayer la dictature de Ben Ali. L'amnistie générale entraîne l'élargissement de Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyad, ancien responsable des "volontaires" tunisiens au sein d'Al-Qaida.

Hakim se met au service d'Abou Iyad: il organise la branche armée et clandestine de ses "Partisans de la Charia" (Ansar al-Charia), largement responsables de l'attaque contre l'ambassade des Etats-Unis à Tunis, le 14 septembre 2012, où quatre émeutiers trouvent la mort. C'est pourtant la transition démocratique elle-même, menée sous l'égide d'un gouvernement majoritairement islamiste, que Hakim et ses séides veulent saboter.

Le 6 février 2013, ils assassinent l'avocat progressiste Chokri Belaïd. Le 25 juillet suivant, c'est Hakim lui-même qui vide le chargeur de son arme sur le député Mohammed Brahmi, élu de gauche à l'Assemblée constituante.

Ces deux meurtres creusent le fossé entre islamistes et progressistes, mais la médiation du principal syndicat permet de renouer un "dialogue national" qui se conclut par l'adoption d'une nouvelle constitution en janvier 2014 et la formation d'un gouvernement technocratique.

Boubaker al-Hakim, frustré par son échec à déstabiliser la jeune démocratie tunisienne, rejoint la Syrie pour contribuer, selon ses propres termes, au "renouveau du califat". Il devient pour Abou Bakr al-Baghdadi, qui se proclame "calife Ibrahim" à Mossoul en juillet 2014, un homme-clef dans la propagande et le recrutement en Europe comme en Afrique du Nord.

En décembre suivant, il revendique au nom de Daech les assassinats de Belaïd et Brahmi. Il est aujourd'hui à la pointe d'une campagne terroriste coordonnée entre l'Europe et l'Afrique du Nord, de Charlie Hebdo au Bardo.


Les autorités tunisiennes ont frappé un grand coup contre une unité d'Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), le 28 mars 2015: neuf jihadistes, dont leur chef, de nationalité algérienne, Lokman Abou Sakhr, sont tués dans une embuscade tendue par les forces armées, dans le gouvernorat de Gafsa. Le président et le gouvernement tunisiens, soucieux de rassurer leur opinion et leurs partenaires étrangers, à la veille d'une grande marche contre le terrorisme, affirment que le commando jihadiste éliminé était responsable de l'attaque du Bardo.

Ce n'est pourtant qu'un pieux mensonge. Dans le bras de fer entre Al-Qaida et Daech sur toutes les "terres de jihad", c'est bel et bien Daech qui a entraîné, dans ses camps de Libye, les deux tueurs de Bardo, avant de leur assigner cible et mission. Au-delà de ces querelles d'organisation, l'important est de comprendre que les assassins de la liberté sont les mêmes à Paris comme à Tunis, et que la réponse à cette menace sans précédent doit être coordonnée entre les deux rives de la Méditerranée.

Daech vient de consacrer le dernier numéro de son magazine en ligne, Dabiq, à son expansion en Afrique, avec la mosquée tunisienne de Kairouan en couverture. Boubaker al-Hakim accorde à cette occasion un entretien centré sur la notion de tawahhush, que l'on peut traduire par "sauvagerie" ou "barbarie". Toute une littérature jihadiste existe déjà sur la "gestion de la sauvagerie", qui entend semer la terreur dans le camp ennemi par des actes d'une barbarie littéralement sidérante.

Hakim explique que les assassinats de Belaïd et de Brahmi visaient précisément ce but, également poursuivi dans la tuerie du Bardo. Mais c'est la France que Hakim attaque avec violence, recommandant à ses partisans de s'inspirer des frères Kouachi et de profiter de la facilité d'acquisition d'armes en Europe: "Tuez n'importe qui. Tous les infidèles là-bas sont des cibles. Ne vous fatiguez pas à chercher des cibles difficiles. Tuez qui vous pouvez parmi les infidèles".

Ces menaces abjectes ont été proférées depuis le nord-est de la Syrie, où Hakim ne se cache pas d'être un des responsables opérationnels de la campagne terroriste de Daech, bien au-delà des frontières de son "califat". Hakim n'a pas proféré ces menaces depuis une banlieue française, depuis une prison européenne ou dans un quelconque lieu de culte.

Il est certes légitime d'investir dans l'intégration, dans la déradicalisation et dans la consolidation d'un Islam de France. Mais aucun de ces processus de long terme ne nous protègera de Boubaker al-Hakim et de ses disciples.


C'est à partir de la Syrie que le monstre jihadiste prolifère, c'est en Syrie qu'il peut être terrassé avant qu'il ne soit trop tard. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre le prochain attentat, puis de défiler en protestation contre le terrorisme.

Boubaker al-Hakim et ses semblables nous croient incapables de reprendre l'initiative et de venir traiter la menace jihadiste à la source, c'est à dire en Syrie, en collaboration avec les révolutionnaires qui combattent Daech avec constance. Espérons que Hakim se trompe, car, dans le cas contraire, de nouveaux attentats sont inévitables.



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