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RSE: Et si les entreprises marocaines de textile-habillement se mettaient au vert?

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ENTREPRISES - Le 18 novembre dernier, la 22ème conférence des parties a refermé ses portes à Marrakech. Si la plupart des observateurs restent sur des résultats mitigés, tous s'accordent néanmoins pour reconnaître que la tenue de la COP22 a confirmé la marche environnementale dans le monde et en Afrique. Une situation à laquelle le Maroc, en tant que pays hôte de la conférence n'est pas étranger, mais qui lui confère également une grande responsabilité: celle d'accélérer sa transition interne à commencer par celle de ses entreprises.

Les entreprises marocaines sous contraintes

L'engagement du Maroc dans la lutte contre le changement climatique n'est plus à démontrer tant le royaume s'est montré particulièrement actif ces dernières années. L'organisation de la dernière COP, la déclaration de Marrakech ou encore le lancement du prix Mohammed VI pour le climat et le développement durable sont quelques uns des nombreux exemples de la volonté politique du royaume. Mais ils ne doivent pas faire oublier la transformation intérieure qui s'organise dans le pays, à l'image de la dernière loi sur les déchets plastiques, de la construction de la station solaire Noor à Ouarzazate ou encore de la transition énergétique des hammams.

Une transformation qui s'adresse aux populations mais aussi et surtout aux entreprises qui sont , comme l'a rappelé Hakima El Haité à l'université internationale de Rabat ce mardi 6 décembre, d'importants créateurs de richesses. Des créateurs de richesse pour lesquels le dilemme est grand car il faut d'un côté respecter l'environnement et de l'autre être rentable, ce qui semble à priori difficile. Et ce ne sont pas les industriels du secteur textile-habillement qui pourront dire le contraire.

Le secteur textile-habillement: entre le marteau et l'enclume?

Premier pourvoyeur d'emplois industriels du royaume, avec 27% des emplois industriels, le secteur textile-habillement contribue également à hauteur de 24% des exportations marocaines de biens et à hauteur de 7% de la VA industrielle, 5% de la production industrielle et 5% du chiffre d'affaires industriel. Son statut de secteur essentiel de l'économie marocaine n'est plus à prouver mais ce qui est indéniable également, c'est que le secteur connaît depuis quelques années des difficultés.

En effet, selon les derniers chiffres révélés par M. Jean-François Limantour, président du Cercle euro-méditerranéen des dirigeants textile-habillement (CEDITH) et de l'Association sectorielle Evalliance, et relayés dans un article du site Le magazine du manager en date du 22 février 2016, le Maroc s'est retrouvé au 7ème rang des fournisseurs de l'Union Européenne en 2015 alors qu'il pointait encore à la 5ème place en 2014.

Toujours selon les statistiques, le Maroc a du mal à défendre sa position dans le secteur depuis 2007, année à partir de laquelle ses ventes se sont repliées en rythme annuel de 1.1%. Cette situation est généralement expliquée, à raison, par l'élargissement des relations commerciales aux pays asiatiques et aux anciens pays du bloc soviétique et par les transformations profondes subies par le secteur au niveau mondial. Mais elle risque de s'accentuer dans les années à venir en raison des exigences environnementales de plus en plus marquées des donneurs d'ordre.

Ainsi, en moins d'une décennie, le secteur a vu se succéder les réglementations et les labels: de la loi REACH aux nouveaux référentiels en passant par les nombreux labels qui fleurissent dans les différents pays occidentaux. Contrairement à ce que l'on pourrait penser,l'exigence environnementale des donneurs d'ordre occidentaux n'est pas une contrainte négligeable car la sensibilité des consommateurs sur cette question est de plus en plus prononcée: le scandale qu'avait dû affronter la marque suédoise H&M il y a quelques années à cause de l'utilisation du coton transgénique en est une preuve palpable.

Et le fait que de nombreuses grandes marques de modes, telles qu'H&M avec sa collection Consiencious ou encore Puma avec sa collection Incycle, montre bien que la tendance s'installe. Pour les entreprises marocaines, il s'agit donc de s'adapter et d'anticiper les nouvelles exigences en proposant des produits entièrement "verts", en travaillant sur des matières premières recyclées ou encore en travaillant sur des méthodes de production moins polluantes. Mais encore faut-t-il savoir comment le faire.

Le Danemark, ce repère

Il serait faux de dire que le secteur textile-habillement marocain est resté attentiste devant la nouvelle tendance environnementale mondiale. Loin de là. L'AMITH (Association marocaine des industries du textile-habillement) a en effet mis en place le label écologique et social "Fibre Citoyenne" pour soutenir les entreprises dans leur mise à niveau sociale conformément aux exigences des marchés cibles depuis maintenant plus de 5 ans.

Toutefois, les effets concrets de ce label sur la compétitivité des entreprises du secteur restent encore mitigés. D'abord parce que ce label reste encore peu connu au niveau international et qu'il est difficile pour les donneurs d'ordre d'évaluer sa pertinence face à des labels et certifications internationales de référence tels que l'ISO. Et ensuite, parce que l'adoption de ce label au niveau national reste encore insuffisante: sur 1.600 entreprises que comptent le secteur, seules 26 sont en effet labellisées (selon les derniers chiffres de 2013).

La plupart des entreprises du secteur textile-habillement marocain restent donc désorientées face à cette tendance, qui tend à devenir une réalité, et ne savent pas comment la gérer. Elles vivent la même situation que celles qu'ont vécu les entreprises du secteur textile-habillement danois à partir des années 70 et qui a été décrite par Sondergard et al. dans un article en date de 2001.

Dans ce pays qui est aujourd'hui l'un des plus avancés en matière environnementale, les entreprises ont en effet été confrontées du jour au lendemain à un durcissement de la politique environnementale nationale qui s'est déclinée en quatre étapes principales. Au niveau de la première étape, qui a consisté dans la mise en place de règles strictes sur la pollution et de permis, très peu d'acteurs ont suivi le mouvement car pour la majorité des entreprises, le respect de l'environnement était analysé comme un coût considérable.

La deuxième qui a démarré dans les années 90 a consisté à mettre en place des technologies propres afin de combiner les réductions de coûts et les gains environnementaux. Dans cette phase, si les entreprises ont été réceptives aux bénéfices éventuels, elles ont été néanmoins freinées par la difficulté d'appropriation des technologies et par le manque de formation du personnel à leur manipulation.

La troisième étape privilégiée par le gouvernement dès les années 95 a consisté à désigner une liste de cabinets de conseil spécialisés pour assister les entreprises dans la mise en place de systèmes de management environnemental (SME). Ce système a permis aux entreprises qui l'ont adopté de progresser. Malheureusement, elles ont été minoritaires en raison du coût exorbitant des cabinets de conseil. La plupart des entreprises ont donc renoncé à cette option.

C'est certainement la quatrième étape, mise en place pendant les années 97, qui a réellement changé la donne. Le lancement d'un achat public vert, et donc la création d'un véritable marché écologique national, a incité la plupart des entreprises à sauter le pas. Bien entendu, les entreprises qui avaient suivi les différents processus ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à devenir des leaders. Mais pour les autres, et c'est là que réside l'exemple à imiter pour le Maroc, la naissance du marché vert a été l'élément déclencheur de la transformation environnementale des entreprises.

Mais attention et ne nous y trompons pas. Si le gouvernement marocain mettait en place un achat public vert dès demain, la question ne serait pas résolue pour autant. Il faudrait encore, et l'exemple danois l'a montré, que le dispositif technologique, financier et bien entendu l'accompagnement soient en place. Cela signifierait donc que le personnel puisse être formé, que des ingénieurs puissent sortir des écoles avec les compétences nécessaires. Et bien entendu que les moyens financiers soient mis en place pour permettre aux entreprises de s'adjoindre les services de cabinet de conseil et même au delà de prétendre à des labels et à des certifications internationales.

En conclusion, ce que nous pouvons retenir, c'est que devant la transformation à laquelle il prend une part active sur le plan international, le Maroc a l'obligation de lancer sa transformation nationale. Dans le cas des entreprises, cette transformation ne peut être assurée par une main invisible mais bien par une impulsion qui doit venir du haut. Ainsi, et comme le Danemark l'a démontré, le Maroc pourra prétendre à occuper une place de choix dans le marché écologique qui se dessine sous nos yeux.

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