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La frustration

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"Non"!

Entendez bien ce mot résonner dans votre tête.

Imaginez une explosion nucléaire. Visualisez le bouton rouge sur lequel on a appuyé pour enclencher l'explosion.

Le mot "non" ou le concept de refus catégorique est aussi un bouton rouge qui déclenche un bombardement. Mais les bombes que le mot "non" amorce ne sont pas toutes les mêmes.

On peut retrouver des bombes d'agressivité, de rébellion, de désespoir et bien d'autres types encore. Et bien sur, une bombe qui explose ne peut qu'engendrer une multitude d'autres.

Quand on nous refuse quelque chose les réactions sont diverses. Toutefois dans le cas général, on agit soit avec maturité en essayant de comprendre pourquoi on nous a dit non et comment y remédier ou on fait preuve d'impulsivité.

Cette impulsion résulte dans une grande partie des cas en de nouveaux "non". En se propageant et en créant de plus en plus de dialogues de sourds, on se retrouve dans une culture qui refuse catégoriquement tout et principalement la conversation.

On peut appeler ce processus, le processus de frustration.

Il commence quand l'individu n'arrive pas à ses fins à cause d'un facteur extérieur ou d'un facteur intérieur né de son inaptitude à réaliser ses objectifs.

Si nous prenons exclusivement le cas dans lequel le facteur est extérieur, nous pouvons en citer plusieurs. Cela peut être un parent trop strict, un professeur tyrannique, un gouvernement trop religieux ou globalement une société oppressive.

Ce facteur fait crépiter en l'individu un sentiment de frustration. Prenant en considération que nous ne sommes pas tous similaires, chaque personne exprime sa frustration d'une façon différente.

Certains la traduisent en une attitude de déprime. Ils deviennent passifs, parce qu'ils se sentent impuissants et écrasés.

D'autres, pour se faire entendre et faire changer les choses décident de commettre des abus, de casser, violenter, tuer... en bref la frustration fait monter en eux une rage monstrueuse qu'ils extériorisent avec de l'agressivité sous ses différentes formes.

Ensuite, on retrouve ceux qui se rebellent. Il y a les rebelles qui laissent leur crise d'adolescence prendre le dessus et essayent de briser les règles qu'on leur impose autant qu'ils peuvent. On distingue aussi les rebelles qui ont l'esprit d'Abu-El-Kacem El Chebbi ou de Franz Kafka qui traduisent leur frustration en art. On retrouve aussi ceux qui prennent le relais sur Ali Ben Ghdhahem et qui décident de passer vraiment à l'action. Sans oublier ces grands penseurs matures qui aiment décortiquer les raisons de leur frustration en essayant d'agir de façon diplomatique pour minimiser les dégâts, il reste encore mille et une façons dont les humains extériorisent leur frustration.

A présent, j'aimerais prendre l'exemple des Tunisiens. Nous l'aurons bien compris après trois mille ans de civilisation, le peuple tunisien est unique en son genre.

Ce que je conclus en observant les maux de notre peuple en l'année 2016, c'est qu'une grande partie de ces maux sont le résultat désastreux de la frustration.

Viols, agressions, délinquance, extrémisme, intolérance et j'en passe, tous sont les progénitures de générations qui n'ont pas su interagir avec leurs mœurs et s'adapter aux changements du monde qui les entoure.

Ne sachant pas faire la différence entre bonnes valeurs et discussion objective, entre éducation et tabou, entre évolution et impiété, entre attaque personnelle et liberté d'expression, une majorité de Tunisiens sont devenus hostiles à toute forme de conversation.

Si on essaye de comprendre pourquoi les citoyens d'aujourd'hui agissent de la sorte, on doit revenir à la source de leur frustration.

Pour ce faire, revenons à leur enfance.

Des parents qui n'expliquent pas la logique de la punition à leurs enfants, aux éducateurs trop complexés pour expliciter les sujets jugés tabous à leurs élèves, on retrouve d'innombrables sources de la frustration de la jeunesse d'hier. Cette même jeunesse qui a éduqué celle d'aujourd'hui.

On n'arrête pas de réprimander les nouveaux jeunes tunisiens pour son manque d'assiduité, sa criminalité et son ignorance et c'est pourtant ces mêmes critiques qui ont échoué à leur montrer le droit chemin.

Comme la principale source de bienséance des jeunes est leurs parents, on comprend tout de suite pourquoi on leur reproche la dégradation de leur attitude. Ces géniteurs disent non à à peu près tout, voulant faire de leurs enfants des créatures conformistes, sans expérience, sans liberté d'expression.

"Ne porte pas ça, ne les fréquente pas, ne sors pas, ne regarde pas ça ..." sont des phrases que l'on entend trop souvent, presque aussi souvent que les critiques de nos parents à propos de notre immaturité et nos problèmes d'assiduité. Ils espèrent que leurs enfants acquerront de la maturité sans expérimenter ni faire d'erreurs.

Les éducateurs et les parents ne sont pas les seuls exemples de l'oppression de la génération d'aujourd'hui.

On peut aussi citer l'exemple de nos lois qui sont très généralement basées sur des stéréotypes nés d'un manque de perspective tiré de la frustration.

Écrites sans études concrètes, elles jettent des jeunes, dont le potentiel est une ressource sacrée en ces temps de crise, dans des prisons avec des vrais criminels. Elle les prive d'être autonomes, leur dicte que ce sont des adultes, les traite comme des enfants, leur interdit toute expérience.

Sortons du cercle des jeunes pour parler plus généralement. En Tunisie, personne n'écoute personne.

Nous sommes tous frustrés de ne pas être écoutés alors on veut se faire entendre par force, ou on cherche à trouver une entité qui arrive à se faire écouter.

Je m'explique. Prenons l'exemple de l'extrémisme religieux. Ces individus frustrés par un entourage qui les opprime, ne leur explique rien et ne leur offre aucune opportunité, se tournent vers les groupes terroristes qui leurs donnent la possibilité de s'imposer.

Je vois la frustration comme le cœur battant de tous ces abus qui mènent le pays à la régression...

La frustration sous toutes ses formes donne à la vie quotidienne du tunisien un gout amer.

Nous devenons réticents l'un à l'autre car nous sommes frustrés de la différence.

La frustration sexuelle prend des ampleurs considérables quand les Tunisiennes ne peuvent plus circuler en sécurité. Elles sont agressées et menacées d'agressions car les Tunisiens ne voient plus en elles qu'une proie à dévorer.

La frustration qui engendre des complexes d'infériorité fait naitre un système rongé par la corruption. Citons ici l'exemple des administrations et de la police qui abuse de son pouvoir en se justifiant de défendre les bonnes mœurs.

Mais de quelles mœurs parlez-vous?

La frustration use de sa ruse pour nous faire voir en l'obscurantisme, la régression et l'hypocrisie les bonnes valeurs d'un peuple digne et pieux.

Ce que j'essaye de dire à travers tout ceci est que la solution radicale à une grande majorité de problèmes en Tunisie, notamment la mentalité, est l'ouverture.

La communication, la perspective, la tolérance... sont tous des antonymes de la frustration et les bases d'une société prospère.

Et il faut comprendre qu'oppresser les jeunes d'aujourd'hui revient à créer une génération future d'adultes qui essayent d'apaiser leurs frustrations passées plutôt que de travailler d'arrache-pied pour un futur meilleur.

Les individus commettent souvent l'erreur de créer un mur de blocage quand ils se retrouvent devant une situation frustrante, mais il faudrait aussi comprendre que l'échec est aussi le chemin de la réussite.

Ouvrez-vous.

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