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Ce que les leaders du PJD doivent dire aux militants et aux Marocains

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POLITIQUE - Il règne une ambiance malsaine sur les réseaux sociaux autour de la formation du gouvernement de M. El Othmani. Des militants du PJD et des citoyens déchaînés dénoncent ce qu'ils perçoivent comme un complot contre le parti arrivé en tête des élections d'octobre, voire contre la démocratie. Pour certains, le nouveau Premier ministre a trahi les idéaux de son parti. Pour d'autres, il est victime de pressions exercées par on ne sait qui (c'est un euphémisme).

Quand les uns le diabolisent, les autres souffrent à sa place. Les deux attitudes sont basées sur un faux postulat que les leaders du PJD, MM. Benkirane et El Othmani en tête, ont l'obligation morale et politique de déconstruire, publiquement. Les leaders du PJD doivent rappeler aux militants du parti et aux citoyens marocains qu'arriver en tête aux élections législatives ne signifie pas disposer d'une majorité suffisante pour former un gouvernement.

Ils doivent aussi rappeler que le premier parti est celui de l'abstention qui a pesé 58% et accepter leur part de responsabilité dans le peu d'intérêt montré par les Marocains pour le scrutin législatif. Un parti qui obtient un million six cent dix-huit mille voix sur un total de quinze millions sept cent mille inscrits, soit 10,7% du corps électoral, ne peut pas se déclarer vainqueur et revendiquer la main haute dans la formation du gouvernement et la conduite du pays.

Certains contributeurs au débat sur les réseaux sociaux soutiennent que les résultats des élections ne sont pas conformes au poids politique réel des partis. Ils oublient que les leaders du PJD, à l'instar du CNDH et des 4681 observateurs nationaux et internationaux, ont déclaré que les élections se sont déroulées dans des conditions correctes. Les leaders du PJD, M. Benkirane en tête, n'étaient pas obligés d'accepter le résultat s'ils avaient eu des doutes sérieux sur les conditions de déroulement du scrutin.

Puisqu'ils ont accepté ce résultat, ils devaient se préparer à ses conséquences, à savoir un fort pouvoir de négociation des "petits partis" et des manœuvres visant à réduire le pouvoir du PJD. Quiconque est familier avec la théorie des jeux verrait à l'œil nu la rationalité des stratégies des acteurs dans la configuration politique sortie des urnes.

Au lieu de décrire ou de laisser croire que les leaders des petits partis sont des imposteurs, des représentants de je ne sais qui ou des usurpateurs, les leaders du PJD devraient expliquer aux militants du parti et au peuple marocain que la formation d'un gouvernement est un exercice très compliqué quand le champ politique est hautement fragmenté. A ceux qui s'étonnent de voir de petits partis obtenir un nombre de sièges supérieur à leur représentation parlementaire, il faut dire que cela est très courant dans les démocraties modernes. C'est le prix à payer pour former une majorité.

Les leaders du PJD doivent avoir le courage d'expliquer que le Maroc n'est pas encore une démocratie, au sens athénien du terme, mais un pays et un peuple en apprentissage de la démocratie. Dans cette phase de transition, la "monarchie exécutive", qui semble aujourd'hui la seule institution porteuse et garante d'un projet à long terme pour le pays, pèse forcément dans la conduite des affaires du pays.

Enfin, les leaders du PJD doivent aussi expliquer qu'ils ne discutent pas et ne gouvernent pas avec de vrais partis mais avec des gérants de boutiques politiques qui n'ont pas ou plus de projet idéologique et de réalité organisationnelle. Cela ne fait pas plaisir de le reconnaître mais la politique est un art réaliste. Il m'avait semblé que les leaders du PJD avaient compris à quel jeu ils ont accepté de participer en 2011 et en 2016.

S'ils sont toujours partie prenante à la démocratisation, forcément lente et progressive du pays, ils doivent l'assumer et le dire publiquement. A présent, les leaders du PJD laissent prospérer la théorie du complot et font croire, peut-être sans le vouloir, aux militants et aux Marocains qu'on leur a volé une victoire qui n'eut ni la réalité, ni l'éclat que beaucoup veulent bien lui prêter.

La démocratisation du Maroc, comme je l'ai écrit ici plus d'une fois, passera par la réduction de la fragmentation du champ politique et l'émergence de partis politiques (2.0) dotés d'une vraie identité politique et d'une gouvernance interne démocratique. Il serait dommage que les remous internes provoqués par les circonstances difficiles de formation du gouvernement affaiblissent le seul mouvement au Maroc, dont je ne partage pas les options, qui répond aux critères d'un "vrai" parti politique.

La démocratisation du Maroc aura besoin de plus, pas moins, de partis bâtis sur un projet politique distinctif et doté d'une gouvernance interne démocratique.

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