CONSOMMATION - La consommation de lait serait-elle une habitude alimentaire occidentale encouragée par le marketing de l'industrie laitière? La plupart des travaux scientifiques sont d'accord pour affirmer que la consommation de lait est ancienne. Selon les chercheurs, les débuts de l'exploitation laitière remontent au VIIIe millénaire avant notre ère.
Déjà, vers 500 ans avant notre ère, Charaka, médecin traditionnel indien, évoquait l'importance du lait et de ses produits dans la vie humaine. Au VIe siècle, le lait faisait partie de la pharmacopée traditionnelle chinoise. Au Japon, la trace écrite la plus ancienne du lait remonte à l'an 700. Le lait, là encore, y était utilisé comme médicament par la famille impériale.
Au fil du temps, l'homme a intégré le lait à sa culture. Ainsi, dans les vastes espaces désertiques et semi-désertiques du Sahara et du Sahel, où l'on pratique l'élevage extensif, les troupeaux se composent d'une majorité de femelles laitières et ceci afin de permettre aux familles d'avoir du lait la majeure partie de l'année. En Asie Centrale, le lait, qui est consommé sous forme fermentée, est associé à l'identité culturelle locale. On lui prête des vertus thérapeutiques ou prophylactiques largement utilisées dans la pratique médicale.
Toutefois, malgré l'ancienneté de leur utilisation des produits laitiers, l'Asie du Sud-Est et l'Afrique ne sont pas des grands consommateurs de lait et de produits laitiers à l'instar des pays développés (l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Australie) où la consommation de lait par habitant, selon la FAO, dépasse 150 kg par an. Au Vietnam ou au Sénégal, la consommation de lait par habitant est de moins de 30 kg de lait par an.
Du côté des pays en développement, la consommation progresse avec les changements d'habitudes alimentaires. Depuis les années 60, la consommation de lait par habitant dans ces pays a pratiquement doublé, d'après les données de la FAO.
Les questions qui se posent sont de savoir pourquoi est-il si avantageux de consommer du lait? Le lait est-il bénéfique pour la santé? Pourquoi recommande-t-on de consommer trois produits laitiers par jour, sachant que le breuvage blanc est accusé de causer des troubles de la digestion à cause de l'intolérance au lactose?
A consommer avec modération
Selon les géants de l'agroalimentaire, la galactothérapie (le soin par le lait) s'appuie sur de solides arguments: le lait est une source de protéines et de vitamines. Il est aussi riche en calcium, qui contribue à la solidité des os et des dents, etc. Pourtant, les vertus du lait sont régulièrement remises en question. En 2007, Thierry Souccar a fait grand bruit avec son livre Lait, mensonges et propagande dans lequel il remet en question les bienfaits des produits laitiers pour nos os.
En Inde, au Japon ou au Pérou, la prise de calcium journalière moyenne est de 300 mg par jour seulement. Pourtant, les fractures y sont moins courantes qu'en Europe. En 2014, une étude a toutefois montré qu'une forte consommation de lait pendant l'adolescence ne se traduisait pas par une baisse du nombre de fractures de la hanche. Selon les cancérologues, les molécules produites par la vache et qui favorisent la multiplication cellulaire pourraient avoir un impact délétère sur les adultes.
De son côté, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pointe du doigt les études selon lesquelles le lait pourrait protéger contre le cancer du colon et le cancer de la vessie. Selon l'agence nationale française de sécurité sanitaire, une consommation excessive des produits laitiers pourrait favoriser l'excès de cholestérol et les maladies cardiovasculaires. Or, près de 70% des graisses contenues dans le lait sont saturées.
Un autre aspect mérite qu'on s'y attarde: l'intolérance au lactose, ce sucre présent dans le lait. En fait, l'intolérance au lactose est un problème de digestion provoqué par une insuffisance de l'enzyme de digestion du lactose, la lactase et qui entraîne des symptômes gastrointestinaux inconfortables. Les ¾ de la population mondiale ont des difficultés à digérer le lait. Résultat: ils souffrent de diarrhées, ballonnements ou maux de ventre. Pire encore, une consommation de lait trop élevée est soupçonnée de favoriser certaines pathologies.
Notre tolérance au lactose est à son maximum au début de la vie, puis décroît avec l'âge. Toutefois, les populations adultes du nord de l'Europe possèdent la faculté de digérer le lactose à l'âge adulte et ceci grâce à un gène codant pour la persistance de la lactase à l'âge adulte qui permet de dégrader le lactose et donc de digérer le lait. Aujourd'hui, plus de 90% des populations adultes du nord de l'Europe possèdent ce gène. Selon l'archéozoologue et biologiste Jean-Denis Vigne, cette capacité génétique à pouvoir digérer le lait à l'âge adulte a très vraisemblablement augmenté avec le temps.
Qu'en est-il de la consommation du lait au Maroc?
Malgré le développement plus ou moins rapide des capacités de production de l'industrie laitière (1,2 million de vaches laitières et 2,6 milliards de litres en 2015), la consommation de lait au Maroc est de seulement 22 litres par an et par habitant ce qui est largement au-dessous de la recommandation de l'OMS, qui est de 90 litres par an et par habitant. Selon la Fédération interprofessionnelle marocaine du lait (Fimalait), depuis deux ans, la consommation du lait est en déclin au Maroc. Selon les professionnels du secteur laitier, ce fléchissement de la consommation est dû à la défiance des consommateurs vis-à-vis du lait et aussi à une campagne de dénigrement du lait quant à ses bénéfices et ses effets sur la santé. Pourquoi cette inquiétude des consommateurs vis-à-vis du lait?
L'enquête que nous avons menée en 2016 à Kénitra au Maroc a révélé que 73% des répondants sont intolérants au lactose avec apparition plus ou moins importante des symptômes pathologiques (ballonnements et diarrhée). Les répondants ont exprimé des douleurs abdominales, des crampes et de la diarrhée suite à la consommation du lait, mais aucun d'entre eux n'a avancé l'hypothèse d'une allergie au lait ou d'une intolérance au lactose. Cela reflète la méconnaissance totale des problèmes liés à l'intolérance au lactose. On pourra expliquer ceci, d'une part par le fait que le consommateur marocain a tendance à ignorer les malaises temporaires causés par le lait et d'autre part, la majorité des diagnostics médicaux penchent plutôt pour des gastroentérites.
Toutefois, les campagnes de sensibilisation aux problèmes liés à l'intolérance au lactose, les réseaux sociaux et la multiplication des sites web médicaux qui ont facilité l'accès aux informations concernant la santé, ont permis d'augmenter la prise de conscience des effets néfastes du lait. Cela a eu pour conséquence un changement des habitudes alimentaires des Marocains qui ont réduit leur consommation du lait ou du moins le consomment sans lactose. Il ressort de notre enquête que 82% des répondants sont en faveur d'une consommation du lait sans lactose.
Mais en fait, c'est quoi "l'intolérance au lactose"?
L'intolérance au lactose est un ensemble de symptômes gênants provoqués par la difficulté ou l'incapacité à digérer le lactose qui est un glucide (sucre de lait) présent dans le lait et les produits laitiers. Il est digéré grâce à la lactase, une enzyme digestive. Quand la lactase est absente, le lactose cause des troubles intestinaux: c'est l'intolérance au lactose.
La probabilité de développer une intolérance au lactose est plutôt faible en bas âge, mais elle augmente avec le temps. Elle touche rarement les nourrissons et les enfants de moins de 3 ans. Elle devient un peu plus courante à partir de l'âge de 5 ans.
Une chose est sûre, contrairement aux campagnes marketing des professionnels du secteur laitier louant les vertus et les bienfaits du lait sur la santé et encourageant sa consommation, les produits laitiers ne sont pas essentiels à un régime alimentaire équilibré surtout pour les adultes. Ils ne sont pas l'unique source de calcium. Il existe d'autres aliments riches en protéines (viande, œufs, poisson, légumineuses) ou en vitamines contenues dans les laitages. En tout cas, à travers cette contribution, nous souhaitons ouvrir le débat sur la question sans que cela attise les hostilités et les frictions entre professionnels du secteur agroalimentaire et la communauté scientifique.
Déjà, vers 500 ans avant notre ère, Charaka, médecin traditionnel indien, évoquait l'importance du lait et de ses produits dans la vie humaine. Au VIe siècle, le lait faisait partie de la pharmacopée traditionnelle chinoise. Au Japon, la trace écrite la plus ancienne du lait remonte à l'an 700. Le lait, là encore, y était utilisé comme médicament par la famille impériale.
Au fil du temps, l'homme a intégré le lait à sa culture. Ainsi, dans les vastes espaces désertiques et semi-désertiques du Sahara et du Sahel, où l'on pratique l'élevage extensif, les troupeaux se composent d'une majorité de femelles laitières et ceci afin de permettre aux familles d'avoir du lait la majeure partie de l'année. En Asie Centrale, le lait, qui est consommé sous forme fermentée, est associé à l'identité culturelle locale. On lui prête des vertus thérapeutiques ou prophylactiques largement utilisées dans la pratique médicale.
Toutefois, malgré l'ancienneté de leur utilisation des produits laitiers, l'Asie du Sud-Est et l'Afrique ne sont pas des grands consommateurs de lait et de produits laitiers à l'instar des pays développés (l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Australie) où la consommation de lait par habitant, selon la FAO, dépasse 150 kg par an. Au Vietnam ou au Sénégal, la consommation de lait par habitant est de moins de 30 kg de lait par an.
Du côté des pays en développement, la consommation progresse avec les changements d'habitudes alimentaires. Depuis les années 60, la consommation de lait par habitant dans ces pays a pratiquement doublé, d'après les données de la FAO.
Les questions qui se posent sont de savoir pourquoi est-il si avantageux de consommer du lait? Le lait est-il bénéfique pour la santé? Pourquoi recommande-t-on de consommer trois produits laitiers par jour, sachant que le breuvage blanc est accusé de causer des troubles de la digestion à cause de l'intolérance au lactose?
A consommer avec modération
Selon les géants de l'agroalimentaire, la galactothérapie (le soin par le lait) s'appuie sur de solides arguments: le lait est une source de protéines et de vitamines. Il est aussi riche en calcium, qui contribue à la solidité des os et des dents, etc. Pourtant, les vertus du lait sont régulièrement remises en question. En 2007, Thierry Souccar a fait grand bruit avec son livre Lait, mensonges et propagande dans lequel il remet en question les bienfaits des produits laitiers pour nos os.
En Inde, au Japon ou au Pérou, la prise de calcium journalière moyenne est de 300 mg par jour seulement. Pourtant, les fractures y sont moins courantes qu'en Europe. En 2014, une étude a toutefois montré qu'une forte consommation de lait pendant l'adolescence ne se traduisait pas par une baisse du nombre de fractures de la hanche. Selon les cancérologues, les molécules produites par la vache et qui favorisent la multiplication cellulaire pourraient avoir un impact délétère sur les adultes.
De son côté, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pointe du doigt les études selon lesquelles le lait pourrait protéger contre le cancer du colon et le cancer de la vessie. Selon l'agence nationale française de sécurité sanitaire, une consommation excessive des produits laitiers pourrait favoriser l'excès de cholestérol et les maladies cardiovasculaires. Or, près de 70% des graisses contenues dans le lait sont saturées.
Un autre aspect mérite qu'on s'y attarde: l'intolérance au lactose, ce sucre présent dans le lait. En fait, l'intolérance au lactose est un problème de digestion provoqué par une insuffisance de l'enzyme de digestion du lactose, la lactase et qui entraîne des symptômes gastrointestinaux inconfortables. Les ¾ de la population mondiale ont des difficultés à digérer le lait. Résultat: ils souffrent de diarrhées, ballonnements ou maux de ventre. Pire encore, une consommation de lait trop élevée est soupçonnée de favoriser certaines pathologies.
Notre tolérance au lactose est à son maximum au début de la vie, puis décroît avec l'âge. Toutefois, les populations adultes du nord de l'Europe possèdent la faculté de digérer le lactose à l'âge adulte et ceci grâce à un gène codant pour la persistance de la lactase à l'âge adulte qui permet de dégrader le lactose et donc de digérer le lait. Aujourd'hui, plus de 90% des populations adultes du nord de l'Europe possèdent ce gène. Selon l'archéozoologue et biologiste Jean-Denis Vigne, cette capacité génétique à pouvoir digérer le lait à l'âge adulte a très vraisemblablement augmenté avec le temps.
Qu'en est-il de la consommation du lait au Maroc?
Malgré le développement plus ou moins rapide des capacités de production de l'industrie laitière (1,2 million de vaches laitières et 2,6 milliards de litres en 2015), la consommation de lait au Maroc est de seulement 22 litres par an et par habitant ce qui est largement au-dessous de la recommandation de l'OMS, qui est de 90 litres par an et par habitant. Selon la Fédération interprofessionnelle marocaine du lait (Fimalait), depuis deux ans, la consommation du lait est en déclin au Maroc. Selon les professionnels du secteur laitier, ce fléchissement de la consommation est dû à la défiance des consommateurs vis-à-vis du lait et aussi à une campagne de dénigrement du lait quant à ses bénéfices et ses effets sur la santé. Pourquoi cette inquiétude des consommateurs vis-à-vis du lait?
L'enquête que nous avons menée en 2016 à Kénitra au Maroc a révélé que 73% des répondants sont intolérants au lactose avec apparition plus ou moins importante des symptômes pathologiques (ballonnements et diarrhée). Les répondants ont exprimé des douleurs abdominales, des crampes et de la diarrhée suite à la consommation du lait, mais aucun d'entre eux n'a avancé l'hypothèse d'une allergie au lait ou d'une intolérance au lactose. Cela reflète la méconnaissance totale des problèmes liés à l'intolérance au lactose. On pourra expliquer ceci, d'une part par le fait que le consommateur marocain a tendance à ignorer les malaises temporaires causés par le lait et d'autre part, la majorité des diagnostics médicaux penchent plutôt pour des gastroentérites.
Toutefois, les campagnes de sensibilisation aux problèmes liés à l'intolérance au lactose, les réseaux sociaux et la multiplication des sites web médicaux qui ont facilité l'accès aux informations concernant la santé, ont permis d'augmenter la prise de conscience des effets néfastes du lait. Cela a eu pour conséquence un changement des habitudes alimentaires des Marocains qui ont réduit leur consommation du lait ou du moins le consomment sans lactose. Il ressort de notre enquête que 82% des répondants sont en faveur d'une consommation du lait sans lactose.
Mais en fait, c'est quoi "l'intolérance au lactose"?
L'intolérance au lactose est un ensemble de symptômes gênants provoqués par la difficulté ou l'incapacité à digérer le lactose qui est un glucide (sucre de lait) présent dans le lait et les produits laitiers. Il est digéré grâce à la lactase, une enzyme digestive. Quand la lactase est absente, le lactose cause des troubles intestinaux: c'est l'intolérance au lactose.
La probabilité de développer une intolérance au lactose est plutôt faible en bas âge, mais elle augmente avec le temps. Elle touche rarement les nourrissons et les enfants de moins de 3 ans. Elle devient un peu plus courante à partir de l'âge de 5 ans.
Une chose est sûre, contrairement aux campagnes marketing des professionnels du secteur laitier louant les vertus et les bienfaits du lait sur la santé et encourageant sa consommation, les produits laitiers ne sont pas essentiels à un régime alimentaire équilibré surtout pour les adultes. Ils ne sont pas l'unique source de calcium. Il existe d'autres aliments riches en protéines (viande, œufs, poisson, légumineuses) ou en vitamines contenues dans les laitages. En tout cas, à travers cette contribution, nous souhaitons ouvrir le débat sur la question sans que cela attise les hostilités et les frictions entre professionnels du secteur agroalimentaire et la communauté scientifique.
LIRE AUSSI:
- Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost Maroc, cliquez ici
- Chaque jour, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost Maroc
- Retrouvez-nous sur notre page Facebook
- Suivez notre fil Twitter
-- This feed and its contents are the property of The Huffington Post, and use is subject to our terms. It may be used for personal consumption, but may not be distributed on a website.