En accueillant la COP 22, dont les travaux se terminent ce vendredi 18 novembre à Marrakech, le Maroc s'offre une occasion de plus de mettre sa transition énergétique, en cours, sous les projecteurs et de montrer que l'État peut, parfois, agir comme un entrepreneur et réussir.
Le développement en cours des énergies renouvelables au Maroc montre comment un état, à l'instar de beaucoup d'entrepreneurs, peut transformer une contrainte en une opportunité.
La contrainte est très vite résumée. Le Maroc doit importer 95% de sa consommation énergétique et ces importations pèsent lourd sur les comptes extérieurs du pays. Les besoins en énergie continueront à croître sous le double effet du développement industriel du pays et de l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages.
Cette situation objective a longtemps entretenu un regard pessimiste des Marocains et des observateurs extérieurs sur les chances de développement du pays. Deux facteurs, l'un exogène et l'autre endogène, ont radicalement changé la donne. Au pessimisme d'hier, a succédé une conviction, au Maroc et au-delà des frontières, que le Maroc peut devenir un champion énergétique, atteindre une auto-suffisance dans ce domaine, voire exporter de l'énergie verte.
Commençons par le facteur exogène. La prise de conscience planétaire des externalités négatives des énergies fossiles et les progrès technologiques, parallèles, dans les énergies renouvelables ont créé un environnement favorable à la formulation, aux quatre coins de la planète, de stratégies nationales visant à réduire les émissions de CO2 par l'augmentation de sources propres dans le panier énergétique.
Vu ainsi, ce qui se passe au Maroc n'aurait rien de nouveau et ferait partie d'un mouvement mondial. Cette lecture ne manquerait pas de vérité mais elle n'en capterait qu'une partie et devrait être complétée par une explication endogène. Le Maroc fait partie, aujourd'hui, d'un petit groupe de pays qui ont formulé une vision à long terme où les énergies renouvelables devraient fournir la plus grosse part de sa consommation future (52% en 2030).
La stratégie énergétique nationale dont la première mouture a été annoncée en 2009 illustre la capacité d'un État, dont l'inefficacité est patente dans d'autres domaines, d'engager une aventure entrepreneuriale dans un secteur stratégique et se donner les moyens de la réussir.
Comment expliquer la réussite, en bonne voie, du Maroc dans le développement des énergies renouvelables?
1) Une première réponse est à chercher, à mon avis, dans la confiance en soi indispensable chez tout entrepreneur ambitieux. Cette confiance dans le potentiel et les atouts du pays est incarnée et signifiée, régulièrement, par le plus haut sommet de l'État. A sa manière, Mohammed VI dit "Yes we can" et je sens bien que cette posture se propage parmi les Marocains qui ont longtemps souffert d'un complexe d'infériorité (au point que certains Marocains basculent dans un complexe de supériorité?).
2) Le deuxième facteur à souligner est la formulation d'un objectif simple, mesurable, et mobilisateur. En management, on parle d'objectifs SMART. Je ne suis pas au courant des calculs, plus ou moins savants, qui ont pu être à l'origine de l'objectif de 52% d'énergies à partir de sources renouvelables en 2030. A la limite, la rationalité des calculs importe moins que le caractère mobilisateur de l'objectif.
3) Le troisième ingrédient de la stratégie marocaine est la constitution, autour du roi, d'un petit groupe de technocrates, agissant dans le public et le privé, partageant la même vision stratégique et engagés dans sa mise en oeuvre. Ce groupe agit du dehors de la bureaucratie administrative et peut ainsi échapper aux lourdeurs classiques. On retrouve ici une pratique courante dans les grandes entreprises qui ont, très souvent, besoin de mettre des intrapreneurs à l'abri des pesanteurs bureaucratiques pour permettre l'éclosion de projets innovants.
4) Le Maroc a mis en place un cadre réglementaire et institutionnel susceptible d'encourager l'émergence d'opérateurs nationaux et d'attirer des opérateurs et des investisseurs internationaux. L'arsenal réglementaire consiste en une série de lois et décrets portant sur le développement des énergies renouvelables. La création d'une agence publique (Masen) investie d'un rôle de chef d'orchestre permet un pilotage opérationnel de la mise en oeuvre de la stratégie. La redistribution des cartes, en cours, entre Masen et les autres organismes publics est le signe d'une capacité d'apprentissage et d'adaptation de l'État entrepreneur.
5) Les promoteurs de la stratégie nationale ont traduit la vision stratégique en un portefeuille précis de projets à développer, répartis à travers le pays, et dont la somme des capacités installées correspond à l'objectif de 52%. Par ce procédé, l'État entrepreneur décompose une ambition stratégique lointaine en une série de projets faisables autour desquels des partenariats public-privé peuvent être constitués pour concevoir, réaliser, financer et exploiter des installations de production d'électricité.
6) Comme dans toute aventure entrepreneuriale, l'argent est le nerf de la guerre. Les grands projets énergétiques ont des horizons particulièrement longs et l'électricité produite à partir de sources renouvelables reste, encore en moyenne, plus chère que celle produite à partir de sources fossiles (ceci ne semble plus vrai pour l'éolien). Les porteurs de la stratégie énergétique marocaine ont, jusqu'à présent, fait preuve d'une remarquable capacité en matière d'ingénierie financière et de levée de fonds auprès de donateurs et d'investisseurs internationaux à des taux suffisamment avantageux pour équilibrer l'équation économique des énergies renouvelables.
7) Le partage de rôles entre l'État entrepreneur et les opérateurs privés est un autre facteur de succès. L'état pilote la stratégie, met en place un cadre d'action incitatif, réalise les travaux d'infrastructure et mobilise les acteurs privés sur les parties de la chaîne de valeur (réalisation et exploitation) où ils ont une incitation à s'engager et des capacités d'exécution.
Le tableau, résolument positif, qui vient d'être dressé signifie que le Maroc est bien parti pour accomplir sa transition énergétique mais il est encore tôt pour crier victoire. Nous ne sommes pas encore en 2030. La première mouture de la stratégie prévoyait 42% d'énergies renouvelables pour 2020, objectif qui s'est avéré trop ambitieux et qui a été reformulé en 52% pour 2030. Les sources fossiles constituaient encore, en 2013, 84% du mix électrique. A lui seul, le charbon représente 43% et on continue à investir dans des centrales propres à charbon. Les nombreux permis de prospection délivrés suggèrent que l'État marocain n'a pas non plus abandonné tout espoir de découvrir des gisements de pétrole et de gaz.
Ces bémols bien réels ne doivent pas empêcher d'apprécier, à sa juste valeur, l'action entrepreneuriale mobilisatrice de l'État dans le secteur de l'énergie et souhaiter que ce mode d'action soit étendu à d'autres champs comme l'éducation, pour ne citer que ce secteur crucial au développement du pays.
Le développement en cours des énergies renouvelables au Maroc montre comment un état, à l'instar de beaucoup d'entrepreneurs, peut transformer une contrainte en une opportunité.
La contrainte est très vite résumée. Le Maroc doit importer 95% de sa consommation énergétique et ces importations pèsent lourd sur les comptes extérieurs du pays. Les besoins en énergie continueront à croître sous le double effet du développement industriel du pays et de l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages.
Cette situation objective a longtemps entretenu un regard pessimiste des Marocains et des observateurs extérieurs sur les chances de développement du pays. Deux facteurs, l'un exogène et l'autre endogène, ont radicalement changé la donne. Au pessimisme d'hier, a succédé une conviction, au Maroc et au-delà des frontières, que le Maroc peut devenir un champion énergétique, atteindre une auto-suffisance dans ce domaine, voire exporter de l'énergie verte.
Commençons par le facteur exogène. La prise de conscience planétaire des externalités négatives des énergies fossiles et les progrès technologiques, parallèles, dans les énergies renouvelables ont créé un environnement favorable à la formulation, aux quatre coins de la planète, de stratégies nationales visant à réduire les émissions de CO2 par l'augmentation de sources propres dans le panier énergétique.
Vu ainsi, ce qui se passe au Maroc n'aurait rien de nouveau et ferait partie d'un mouvement mondial. Cette lecture ne manquerait pas de vérité mais elle n'en capterait qu'une partie et devrait être complétée par une explication endogène. Le Maroc fait partie, aujourd'hui, d'un petit groupe de pays qui ont formulé une vision à long terme où les énergies renouvelables devraient fournir la plus grosse part de sa consommation future (52% en 2030).
La stratégie énergétique nationale dont la première mouture a été annoncée en 2009 illustre la capacité d'un État, dont l'inefficacité est patente dans d'autres domaines, d'engager une aventure entrepreneuriale dans un secteur stratégique et se donner les moyens de la réussir.
Comment expliquer la réussite, en bonne voie, du Maroc dans le développement des énergies renouvelables?
1) Une première réponse est à chercher, à mon avis, dans la confiance en soi indispensable chez tout entrepreneur ambitieux. Cette confiance dans le potentiel et les atouts du pays est incarnée et signifiée, régulièrement, par le plus haut sommet de l'État. A sa manière, Mohammed VI dit "Yes we can" et je sens bien que cette posture se propage parmi les Marocains qui ont longtemps souffert d'un complexe d'infériorité (au point que certains Marocains basculent dans un complexe de supériorité?).
2) Le deuxième facteur à souligner est la formulation d'un objectif simple, mesurable, et mobilisateur. En management, on parle d'objectifs SMART. Je ne suis pas au courant des calculs, plus ou moins savants, qui ont pu être à l'origine de l'objectif de 52% d'énergies à partir de sources renouvelables en 2030. A la limite, la rationalité des calculs importe moins que le caractère mobilisateur de l'objectif.
3) Le troisième ingrédient de la stratégie marocaine est la constitution, autour du roi, d'un petit groupe de technocrates, agissant dans le public et le privé, partageant la même vision stratégique et engagés dans sa mise en oeuvre. Ce groupe agit du dehors de la bureaucratie administrative et peut ainsi échapper aux lourdeurs classiques. On retrouve ici une pratique courante dans les grandes entreprises qui ont, très souvent, besoin de mettre des intrapreneurs à l'abri des pesanteurs bureaucratiques pour permettre l'éclosion de projets innovants.
4) Le Maroc a mis en place un cadre réglementaire et institutionnel susceptible d'encourager l'émergence d'opérateurs nationaux et d'attirer des opérateurs et des investisseurs internationaux. L'arsenal réglementaire consiste en une série de lois et décrets portant sur le développement des énergies renouvelables. La création d'une agence publique (Masen) investie d'un rôle de chef d'orchestre permet un pilotage opérationnel de la mise en oeuvre de la stratégie. La redistribution des cartes, en cours, entre Masen et les autres organismes publics est le signe d'une capacité d'apprentissage et d'adaptation de l'État entrepreneur.
5) Les promoteurs de la stratégie nationale ont traduit la vision stratégique en un portefeuille précis de projets à développer, répartis à travers le pays, et dont la somme des capacités installées correspond à l'objectif de 52%. Par ce procédé, l'État entrepreneur décompose une ambition stratégique lointaine en une série de projets faisables autour desquels des partenariats public-privé peuvent être constitués pour concevoir, réaliser, financer et exploiter des installations de production d'électricité.
6) Comme dans toute aventure entrepreneuriale, l'argent est le nerf de la guerre. Les grands projets énergétiques ont des horizons particulièrement longs et l'électricité produite à partir de sources renouvelables reste, encore en moyenne, plus chère que celle produite à partir de sources fossiles (ceci ne semble plus vrai pour l'éolien). Les porteurs de la stratégie énergétique marocaine ont, jusqu'à présent, fait preuve d'une remarquable capacité en matière d'ingénierie financière et de levée de fonds auprès de donateurs et d'investisseurs internationaux à des taux suffisamment avantageux pour équilibrer l'équation économique des énergies renouvelables.
7) Le partage de rôles entre l'État entrepreneur et les opérateurs privés est un autre facteur de succès. L'état pilote la stratégie, met en place un cadre d'action incitatif, réalise les travaux d'infrastructure et mobilise les acteurs privés sur les parties de la chaîne de valeur (réalisation et exploitation) où ils ont une incitation à s'engager et des capacités d'exécution.
Le tableau, résolument positif, qui vient d'être dressé signifie que le Maroc est bien parti pour accomplir sa transition énergétique mais il est encore tôt pour crier victoire. Nous ne sommes pas encore en 2030. La première mouture de la stratégie prévoyait 42% d'énergies renouvelables pour 2020, objectif qui s'est avéré trop ambitieux et qui a été reformulé en 52% pour 2030. Les sources fossiles constituaient encore, en 2013, 84% du mix électrique. A lui seul, le charbon représente 43% et on continue à investir dans des centrales propres à charbon. Les nombreux permis de prospection délivrés suggèrent que l'État marocain n'a pas non plus abandonné tout espoir de découvrir des gisements de pétrole et de gaz.
Ces bémols bien réels ne doivent pas empêcher d'apprécier, à sa juste valeur, l'action entrepreneuriale mobilisatrice de l'État dans le secteur de l'énergie et souhaiter que ce mode d'action soit étendu à d'autres champs comme l'éducation, pour ne citer que ce secteur crucial au développement du pays.
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