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Les Medrassas; des entreprises sociales du passé

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Grâce aux volontaires qui ont contribué au projet MedinaPedia, projet initié par l'association Carthagina et l'ASM de Tunis pour enrichir l'encyclopédie en ligne Wikipédia avec des articles sur les sites historiques de la Médina de Tunis, j'ai réalisé que la vieille ville regroupe 28 Medrassas. Alors que certaines ont disparu, les autres sont soit fermées soit sous tutelle de l'administration publique et peu actives.

La plus vieille Medrassa date du 13ème siècle alors que la plus récente a été construite au 18ème siècle, mais toutes reflètent à travers la richesse de leur architecture la grandeur des artisans qui jadis les construisirent. En effet, chacune d'entre eux est un bijou unique, mais elles ne malheureusement sont pas incluses dans les circuits touristiques puisqu'elles nécessitent un travail de restauration.

A vrai dire, je ne suis pas experte en la matière; je ne suis ni historienne, ni architecte, je ne suis pas non plus une théologienne; je suis un être humain qui est conscient de l'héritage légué par les gens du passé. Je ne peux que m'incliner humblement devant ces gens dont l'histoire est intimement liée à celle de ces Medrassas.

Ces gens-là, de par le passé, construisirent des bâtiments magnifiques avec leur propre argent. Ils ont offert l'hospitalité à des étudiants désireux de poursuivre leurs études supérieures à l'université Zitouna. Ces espaces servaient de dortoirs pour les étudiants qui venaient d'autres villes et qui n'avaient pas de famille à Tunis. Ces gens là construisirent également des Foundouk, l'équivalent de nos hôtels actuels, dont les recettes servaient à payer les enseignants et le personnel travaillant dans les Medrassas, à financer les études des jeunes et pour la maintenance du bâtiment.

Ces gens là, en ayant construit des Medrassas, ont certes fait des sacrifices financiers, mais leur impact sur la société est significatif. Je parie qu'ils sont soit des entrepreneurs sociaux soit des philanthropes avant-gardistes!

Au 7ème siècle, Omar Ibn El-Khattab s'est assis près du prophète Mohamed - Que la paix soit sur lui - et lui a dit qu'il avait un verger dont il donnera les fruits aux pauvres. Le prophète lui a alors suggéré de transformer ce verger en 'Waqf'. Ainsi, sa famille et les gens pauvres peuvent bénéficier des fruits de ses arbres. Ceci fût l'histoire du tout premier Waqf en Islam.

Le Waqf, communément appelé Habous en Tunisie, est une dotation religieuse similaire aux "trusts". Il contribue au développement social, culturel, économique ou environnemental du pays.

Auparavant, le Waqf était un moyen pour la société civile de réduire l'écart entre les différentes franges de la population. Il est important de rappeler que l'Islam accorde une grande importante à la charité, surtout si elle est durable. Le Waqf était certainement l'une des premières formes de philanthropie stratégique, et son impact est incontestablement durable.

Le Waqf n'est pas limité à certains secteurs; un hôpital, une bourse d'études, une terre ou une maison peuvent être inscrits en tant que Waqf, bien évidemment avec des fonctions différentes. Il est à titre d'exemple possible de transformer une maison en Waqf pour les personnes âgées, une sorte de maison de convalescence, ou bien pour les veuves et les femmes abandonnées. La plupart des gens pensent que le Waqf ne concerne que les mosquées et les cimetières; mais tout comme l'entrepreneuriat social, il regroupe toute idée qui peut contribuer à avoir un impact positif sur la société.

Ces génies qui ont construit les Medrassas opéraient selon un système bien clair; ils léguaient leur bien à la société à partir de l'année de leur mort. Par contre, par la suite, d'autres personnes qui ne sont pas autant passionnées, qui peuvent être cupides ou avoir de mauvaises intentions, peuvent assurer la gestion du Waqf. Par conséquent, le bien n'est plus bénéfique à la société, et il perd de son intérêt de par le temps. Actuellement, le gouvernement gère les 28 Medrassas situées dans la Médina de Tunis, et on a besoin de donner un nouveau souffle à ces bâtiments bâtis par des personnes passionnées. Il est impératif que ces Medrassas renaissent de leurs cendres et soient adaptées aux exigences de notre mode de vie moderne.

Certes, l'entrepreneuriat social et la philanthropie stratégique sont certainement des concepts qui ont fait leurs preuves auparavant, ils faisaient partie de l'aspect économique et financier de l'Islam avant même que la notion de finance moderne n'apparaisse. Néanmoins, cet aspect capital de l'Islam est laissé de côté et on se focalise plus sur les actes d'une minorité qui propage la violence au nom de cette religion de paix.

Le Waqf est une sorte de secteur tertiaire de la société, une forme d'activisme de la société civile qui doit travailler conjointement avec les autorités pour réduire l'écart entre les différentes franges de la population. Les Waqf doivent être gérés dans un esprit entrepreneurial et doivent être préservés et restaurés pour retrouver leur gloire d'antan et avoir un impact réel sur les populations d'aujourd'hui.

A chaque fois que je visite une de ces Medrassas ou que je passe devant, je me sens coupable de voir ces bâtiments laissés à l'abandon, je pense à ces gens extraordinaires qui ont travaillé dur pour laisser ce lègue à la société entière. Il est vraiment dommage de sacrifier ces bijoux qui ornent notre chère Médina, et il est de notre devoir de poursuivre le travail fastidieux commencé par ces génies qui nous ont confié ces espaces qui peuvent assurer le bien-être des populations locales. Les Medrassas demeurent solides à l'épreuve du temps, elles résistent contre vents et marées pour préserver le lègue de ces génies du passé.

Justement, ces âmes bienfaisantes étaient des entrepreneurs innés, et c'est pour cela qu'ils ont pu développer un modèle économique qui se base sur les besoins des populations. De nos jours, je suis convaincue que les entrepreneurs sociaux sont les mieux à même de reprendre le flambeau en créant de nouveaux modèles économiques inspirées du passé et orientés vers le futur. Il est important que ces modèles satisfassent les besoins des populations locales tout en respectant l'aspect originel de ces bâtiments historiques et le cadre dans lequel ils ont été créés.

Je terminerai mes dires en remerciant ces âmes passionnées, nous honorerons votre mémoire et assurerons la pérennité de vos Waqf!

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