MUSIQUE - Les débats en France, comme au Royaume, autour de la propriété intellectuelle et de son adaptation à la société musicale marocaine, ne doivent pas occulter une réalité. Le pays hôte, en avril 1994, du GATT et de la négociation de l'exception culturelle, est-il entré dans la civilisation des droits d'auteur? A l'heure de l'ouverture du mythique Festival des Musiques Sacrées de Fès, la question mérite d'être posée.
Aussi nobles soient-ils, les débats politiques actuels autour d'une mise en place d'un droit d'auteur à la hauteur de la vitalité de la vie musicale du Royaume ne semblent pas encore en mesure d'offrir un cadre professionnel structuré pour les créateurs marocains et les résidents. Pour exemple, comparons deux cas de litige autour d'une œuvre musicale.
Il y a trois ans, une compositrice française s'est vue assignée en procès pour avoir plagié un extrait d'une œuvre de Serge Prokofiev qui devait être montée à Dubai. Il y a un an, un artiste marocain s'est aperçu qu'une de ses œuvres a été utilisée par une star de l'humour en France. La différence entre les deux cas est que les ayants droit de Prokofiev ont pu s'appuyer sur l'éditeur de leur héritage immatériel: les éditions Le Chant du Monde, alors que le chanteur marocain Said Mouskir est tout seul, avec l'aide d'avocats, à défendre son œuvre face au très médiatique Gad Elmaleh.
Cette absence de l'éditeur, ce professionnel de l'édition à la fois manager et commerçant de l'œuvre, dans la vie artistique marocaine fragilise considérablement les auteurs et compositeurs du Royaume. Longtemps, comme dans d'autres pays du Maghreb et d'Afrique subsaharienne, une confusion a perduré, celle de croire que le producteur phonographique, celui à qui revient d'accompagner un interprète dans l'enregistrement, la production sonore et la commercialisation d'une œuvre, pouvait de facto être son éditeur.
Une confusion, dont une toute dernière actualité donne toute la mesure. Les Marocains viennent de découvrir agréablement sur Internet la reprise, à Londres, d'une chanson emblématique du maître de la musique amazigh, Mohamed Rouicha, par l'Egyptien Hamza Namira. Il s'agit de l'émouvant titre "Inas, inas", et il est dommageable pour le répertoire amazigh que ce titre n'ait pas d'éditeur, celui qui devrait accompagner commercialement l'œuvre composée et écrite par feu Mohamed Rouicha.
Car négocier, surveiller les droits et susciter des diffusions à l'intérieur du pays comme à l'international, c'est un métier, une vocation qui n'est pas accessible à tout un chacun. Pour les auteurs-compositeurs, c'est même éprouvant d'être marchand de ses propres œuvres de l'esprit. Il y a déjà presqu'un siècle, le géant de la musique amazigh du Souss, El Hadj Belaid, avait lancé au maréchal Lyautey, "je veux vivre de ma musique".
Nous sommes aujourd'hui à l'ère du numérique et les chansons de Hadj Belaid sont écoutées au même moment aux Etats-Unis, au Danemark comme au Moyen-Orient. Et pourtant, le cri du cœur du maître soussi ne semble pas avoir provoqué une prise de conscience. Les rencontres actuelles autour de la propriété intellectuelle au Maroc ont tendance à cloisonner ce sujet en le livrant à la seule sphère des juristes et des avocats spécialisés.
Une telle volonté de réduire la gestion des droits d'auteur en la ramenant à une question d'expertise et de lecture de la loi, peut dériver vers une judiciarisation de la vie artistique marocaine. Dommage, car par sa diversité et sa richesse musicale, le Royaume chérifien mérite un droit d'auteur digne de ce nom.
A cheval sur le XVIIIème et le XIXème siècle, vivaient, au même moment, en Italie et au Maroc, deux poètes qui ont marqué l'un, la musique européenne et l'autre, la maghrébine. Pourtant, leurs œuvres ne sont pas traitées aujourd'hui à égalité. Le premier, le librettiste Lorenzo da Ponte a écrit la plupart des opéras de Mozart, et ses livrets sont toujours édités avec attention à travers le monde.
Le deuxième concerne le meknessi Sidi Kaddour El Alami. Ses œuvres génèrent chaque jour des droits, car diffusées par tous les canaux, en Europe comme au Maghreb, mais sa quacida El Meknassia n'est pas inscrite à son nom dans les bases de données des sociétés d'auteur.
Aussi nobles soient-ils, les débats politiques actuels autour d'une mise en place d'un droit d'auteur à la hauteur de la vitalité de la vie musicale du Royaume ne semblent pas encore en mesure d'offrir un cadre professionnel structuré pour les créateurs marocains et les résidents. Pour exemple, comparons deux cas de litige autour d'une œuvre musicale.
Il y a trois ans, une compositrice française s'est vue assignée en procès pour avoir plagié un extrait d'une œuvre de Serge Prokofiev qui devait être montée à Dubai. Il y a un an, un artiste marocain s'est aperçu qu'une de ses œuvres a été utilisée par une star de l'humour en France. La différence entre les deux cas est que les ayants droit de Prokofiev ont pu s'appuyer sur l'éditeur de leur héritage immatériel: les éditions Le Chant du Monde, alors que le chanteur marocain Said Mouskir est tout seul, avec l'aide d'avocats, à défendre son œuvre face au très médiatique Gad Elmaleh.
Cette absence de l'éditeur, ce professionnel de l'édition à la fois manager et commerçant de l'œuvre, dans la vie artistique marocaine fragilise considérablement les auteurs et compositeurs du Royaume. Longtemps, comme dans d'autres pays du Maghreb et d'Afrique subsaharienne, une confusion a perduré, celle de croire que le producteur phonographique, celui à qui revient d'accompagner un interprète dans l'enregistrement, la production sonore et la commercialisation d'une œuvre, pouvait de facto être son éditeur.
Une confusion, dont une toute dernière actualité donne toute la mesure. Les Marocains viennent de découvrir agréablement sur Internet la reprise, à Londres, d'une chanson emblématique du maître de la musique amazigh, Mohamed Rouicha, par l'Egyptien Hamza Namira. Il s'agit de l'émouvant titre "Inas, inas", et il est dommageable pour le répertoire amazigh que ce titre n'ait pas d'éditeur, celui qui devrait accompagner commercialement l'œuvre composée et écrite par feu Mohamed Rouicha.
Car négocier, surveiller les droits et susciter des diffusions à l'intérieur du pays comme à l'international, c'est un métier, une vocation qui n'est pas accessible à tout un chacun. Pour les auteurs-compositeurs, c'est même éprouvant d'être marchand de ses propres œuvres de l'esprit. Il y a déjà presqu'un siècle, le géant de la musique amazigh du Souss, El Hadj Belaid, avait lancé au maréchal Lyautey, "je veux vivre de ma musique".
Nous sommes aujourd'hui à l'ère du numérique et les chansons de Hadj Belaid sont écoutées au même moment aux Etats-Unis, au Danemark comme au Moyen-Orient. Et pourtant, le cri du cœur du maître soussi ne semble pas avoir provoqué une prise de conscience. Les rencontres actuelles autour de la propriété intellectuelle au Maroc ont tendance à cloisonner ce sujet en le livrant à la seule sphère des juristes et des avocats spécialisés.
Une telle volonté de réduire la gestion des droits d'auteur en la ramenant à une question d'expertise et de lecture de la loi, peut dériver vers une judiciarisation de la vie artistique marocaine. Dommage, car par sa diversité et sa richesse musicale, le Royaume chérifien mérite un droit d'auteur digne de ce nom.
A cheval sur le XVIIIème et le XIXème siècle, vivaient, au même moment, en Italie et au Maroc, deux poètes qui ont marqué l'un, la musique européenne et l'autre, la maghrébine. Pourtant, leurs œuvres ne sont pas traitées aujourd'hui à égalité. Le premier, le librettiste Lorenzo da Ponte a écrit la plupart des opéras de Mozart, et ses livrets sont toujours édités avec attention à travers le monde.
Le deuxième concerne le meknessi Sidi Kaddour El Alami. Ses œuvres génèrent chaque jour des droits, car diffusées par tous les canaux, en Europe comme au Maghreb, mais sa quacida El Meknassia n'est pas inscrite à son nom dans les bases de données des sociétés d'auteur.
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