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Maroc: La privatisation est-elle responsable de la faillite de la Samir?

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RAFFINERIE - Le 21 mars 2016, le Tribunal de Commerce de Casablanca a annoncé la mise en liquidation judiciaire de la Samir, seule et unique raffinerie du pays, avec en perspective, si rien ne change, des conséquences socio-économiques négatives non négligeables (créances perdues pour les banques, chômage, précarité, et tensions sociales).

Pour le chef du gouvernement actuel et pas mal de responsables et d'observateurs, la privatisation de la raffinerie nationale, en 1997, était une grande erreur laquelle explique la débâcle actuelle. Mais, peut-on vraiment mettre ce mélodrame sur le compte de la privatisation? Sérieusement je ne pense pas, car pour incriminer la privatisation en soi, encore faut-il que cette opération ait été faite dans les règles de l'art.

Malheureusement non, comme bien d'autres entreprises publiques marocaines d'ailleurs. En effet, déjà lors de la cession, des irrégularités ont été relevées. D'abord, la Samir a été bradée. Déjà à l'époque, on contestait le prix de cession (3,5 milliards dirhams), en-dessous de la valeur réelle du marché. Les responsables n'ont pas assez fait joué la concurrence entre les différents candidats, puisque la cession a été menée de gré à gré avec le groupe saoudien, Corral Petroleum propriété du Saoudien Hussein Al-Amoudi.

Ensuite, le Ministre chargé des privatisations à l'époque, Essaidi, s'est dépêché de faire un contrat de réalisation de la transaction qui ne contient pas les mêmes conditions techniques que celles qui avaient été définies dans l'appel d'offres. Enfin, les différentes opérations de privatisation devaient faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation rigoureuse des engagements contractuels notamment, en matière d'emploi et d'investissement. Chose qui a été rarement pratiquée, en l'occurrence dans le cas de la Samir.

Circulez, il n'y a rien à voir

Mais cerise sur le gâteau, comment se fait-il que le ministre des privatisations à l'époque, qui eut à négocier les conditions de la cession de la Samir avec le repreneur saoudien, et qui est le représentant des intérêts de l'Etat, se retrouva propulsé du jour au lendemain directeur général de la Samir? Que fait-on du conflit d'intérêt? Du délit d'initié? Eh bien circulez, il n'y a rien à voir.

Ainsi, l'on voit déjà que le mode de cession est truffé d'intrigues, de malversations et d'irrégularités, qui tuent dans l'œuf l'opération de privatisation car le souci des responsables à cette époque était de ramener du cash pour soulager le budget. Un acharnement comptable qui a fait oublier aussi à nos responsables d'observer les préalables requis pour toute opération de privatisation qui veut réussir.

Le premier est de disposer d'un état de droit garantissant le respect des dispositions légales et éthiques dans l'opération de cession pour ne léser personne: ni les intérêts du pays, ni ceux des candidats à la reprise. Malheureusement, l'état de corruption endémique que ce soit à l'époque ou aujourd'hui-même, le mélange incestueux entre le politique et le business, le flou juridique entourant les responsabilités des uns et des autres, l'opacité, et l'absence de contre-pouvoir du moins leur silence, ont favorisé la conclusion de transactions douteuses où les intérêts particuliers ont damé le pion à l'intérêt général.

En offrant la sécurité juridique, l'état de droit est primordial pour réussir la privatisation car il garantit l'égalité des chances de tous, faute de quoi on ne fait que substituer un monopole privé ou une oligarchie à un monopole public. Entre le choléra et la peste, difficile de choisir.

Le deuxième prérequis, est la liberté des prix. A l'époque et jusqu'à 2012, introduction de l'indexation partielle, les prix étaient fixés par l'administration. L'absence de flexibilité des prix a créé une incertitude sur les droits d'usufruit sur les biens et services produits. Ceci explique sa faible incitation à investir dans la raffinerie, ou du moins à partir de ses propres capitaux. Enfin, le troisième prérequis est la garantie d'unue libre concurrence.

Mais dans le deal initial, le gouvernement marocain avait accordé à Al-AMoudi le monopole de livraison des produits pétroliers raffinés. Drôle de privatisation à la marocaine qui remplace un monopole public par un monopole privé. D'aucuns diront que c'était nécessaire pour pouvoir amortir les coûts fixes. Soit, mais pas un monopole pendant 15 ans quand même. L'absence de concurrence a un effet néfaste sur le marché puisque les biens seront de moindre qualité et plus chers.

Exactement ce qui s'est passé avec la Samir, puisque les distributeurs locaux se plaignaient toujours de la cherté et la mauvaise qualité de ses produits raffinés. Pour rappel, dans tous les pays qui ont réussi leurs privatisations, l'on note l'existence d'un cadre favorable à une concurrence ouverte et saine qui sanctionne la création de cartels, d'ententes ou de monopoles, ainsi que les autres pratiques commerciales restrictives.

Signes annonciateurs

Dès lors, la faillite de la Samir n'est pas celle de la privatisation, mais de tout un ensemble d'acteurs car l'on ne peut pas s'endetter de 43 milliards de dirhams sans pour autant remarquer certains signes annonciateurs.

Où était l'Etat qui a laissé le groupe saoudien accumuler une dette de 13 milliards de dirhams, qui plus est sous forme de taxes non payées? Où étaient les banques qui lui ont prêté 8 milliards de dirhams, souvent sans prendre même des hypothèques? Où étaient les institutionnels qui ont souscrit les titres de la Samir? Où étaient les commissaires aux comptes et la Banque Centrale pour tirer la sonnette d'alarme et prévenir les banques sur le risque encouru?

L'alibi de la privatisation ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt de manquements publics et privés depuis 1997. Il ne faudrait pas se tromper de combat: les privatisations est un simple outil qui, pour donner de bons résultats, a besoin que l'on en fasse un bon usage. Quand le menuisier est maladroit, on ne se retourne pas contre le marteau.

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