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Les "Juifs d'Egypte" sur les écrans

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C'est une histoire égyptienne, contemporaine et méconnue. Une histoire anachronique pour les uns, prémonitoire pour les autres. Une histoire incompréhensible pour beaucoup car personne n'a pris la peine d'en parler: ni ceux qui sont partis, ni ceux qui sont restés. C'est l'histoire des juifs d'Egypte, magnifiquement racontée par le réalisateur égyptien Amir Ramsis dans son documentaire du même nom, et qui sort pour la première fois sur les écrans français.

Ce film est paru en Egypte en mars 2013, suite à une bataille juridique contre la censure. Celle-ci craignait que le mot "juif" dans le titre du film soit entendu comme "sioniste" et entraîne des manifestations ou des émeutes.

Pourtant, parmi les nombreux mérites de ce film, c'est bien la finesse et la sensibilité du propos qui le caractérisent le mieux. Nul amalgame ici: chaque personnage raconte son rapport affectif, politique, historique à ce pays qui l'a vu naître - et souvent ses parents et grands-parents. Le documentaire adopte une forme classique: un double récit entre les souvenirs et la mémoire de Juifs égyptiens et la perspective historique apportée par des historiens et des sociologues. Cet équilibre entre la rigueur historique d'une part et la richesse et l'émotion des témoignages d'autre part confère au documentaire sa cohérence et son sel. Les témoignages sont très majoritairement nostalgiques d'une époque radieuse. C'est ce qui surprendra certainement le spectateur français. Regarder cette histoire, pas si lointaine pourtant, avec des yeux contemporains serait une erreur. Ce sont les protagonistes du film qui en parlent le mieux - souvent en dialecte égyptien, d'ailleurs, malgré le manque de pratique de certains. Cette volonté de vouloir ressusciter les souvenirs au travers de la langue de cette époque est une preuve irréfutable de nostalgie.

"Tu seras obligé d'abandonner ce qui te sera le plus cher, c'est la première flèche que lance l'arc de l'exil. Tu apprendras combien le pain de l'étranger est amer et combien il est dur de monter et de descendre l'escalier d'autrui", écrit Dante.


Le sujet est sensible. Il touche à l'intime de chacun: l'identité, l'appartenance, la nation, la religion, le rapport à la terre qui l'a vu naître et qui l'a laissé partir. La salle "Les 3 Luxembourg" à Paris était bondée. De nombreuses personnes sont restées debout. Les rires et les soupirs étaient partagés. Les larmes aussi.

Une spectatrice égyptienne, Sally El Sawah, qui a assisté à la projection, parle de "douleur de se voir brutalement amputé un de ses organes" et de "gâchis de perdre une part de soi! Quel dommage pas seulement pour ceux qui ont été obligés de partir mais aussi pour ceux (les non juifs) qui sont restés. Quel dommage..." Des années 1930 à 1956, chaque secousse historique a vu le nombre des juifs d'Egypte diminuer. Les raisons des différentes vagues de départs sont évoquées: Sionisme, Shoah, bref... le sens de l'Histoire auquel il a été difficile de faire face.

Parler de cette somme de parcours individuels qui devaient rester individuels, mais que l'Histoire a transformé en destin commun, était nécessaire et salutaire. Il n'est pas concevable d'effacer d'un trait d'oubli les vies de centaines de milliers de personnes, et des siècles d'existence commune. Hier, les spectateurs des " Luxembourgs" ont donné raison à Faulkner : "Le passé n'est jamais mort. Il n'est même pas passé."

Une projection supplémentaire aura lieu le samedi 07/12/2013 à l'Iremmo


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