Qu'elle soit blanche, grise ou noire, la désinformation est ce phénomène où, afin de tromper l'opinion, on mélange délibérément des mensonges à des vérités, on invente des informations pour jeter le trouble dans les esprits et où on dissimule des faits réels dans le but de modifier le crédit ou la portée d'un événement.
Comme l'a déjà affirmé Roger Mucchielli, la stratégie de désinformation s'est développée au point que l'objectif est maintenant de conquérir un pays sans même l'attaquer physiquement, en particulier en recourant à des agents d'influence à l'intérieur.
Mucchielli fut également l'un des premiers théoriciens du recours à de fausses ONG ou "organisations de façade" pour provoquer un changement politique interne dans un autre pays. Le rôle des ONG étrangères, leurs sources de financement et leur lien avec les stratégies politiques et la propagation de l'idéal démocratique ne cesse en effet de constituer un sujet de grande controverse dans les pays du printemps arabe, dont la Tunisie.
Selon le même auteur, ce ne sont pas les circonstances objectives qui produisent le succès ou l'échec d'une révolution mais la perception de ces circonstances créée par la désinformation et toute autre pratique d'influence. Mucchielli insiste même sur le fait que la majorité silencieuse soit totalement exclue du processus de changement politique.
Pour Curzio Malaparte, auteur du livre Technique du coup d'Etat, on peut provoquer un changement de régime dans n'importe quel pays, y compris dans les démocraties stables, à condition qu'il y ait un groupe d'homme suffisamment déterminés à l'effectuer.
Manipulation et crédulité
L'opinion, qui est la principale cible de tout acte de subversion politique, est habituellement touchée à travers les mass-médias, souvent utilisés pour créer une psychose collective et parfois la démoralisation de toute une société.
Mais ce qui arrive souvent est que les gens éprouvent un fort refus de l'idée qu'ils soient l'objet d'une manipulation délibérée les amenant à décrier un régime et à exprimer la demande de le remplacer par un autre mais souvent sans même se soucier de qui sera cet autre qui prendra la relève.
A l' "âge Informationnel", cette répugnance est due au fait que ces mêmes médias, pour façonner l'opinion, flattent la vanité des gens et leurs font croire qu'ils ont accès à une quantité démesurée d'informations. Mais la réalité n'est pas tout à fait celle à laquelle on veut leur faire croire car souvent ces flux d'informations proviennent des mêmes agences qui diffusent la même information à l'ensemble des médias qui se l'approprient en créant le leurre de la diversité des sources.
En plus, discréditer les médias de masse revient presque à traiter les gens de crédules et de proie facile aux différentes techniques de manipulation utilisées afin de donner l'orientation qu'ils souhaitent à l'opinion, ce sentiment est difficilement acceptable en ce sens où il touche les gens dans leur amour propre et altère leur estime de soi .
Mais l'influence médiatique s'inscrit sur une durée suffisamment longue pour produire ses effets ultimes, car c'est dans une majorité d'actions objectives et respectueuses de l'éthique du métier que vient, sporadiquement et régulièrement, se glisser une minorité de désinformations "polluantes".
Dans La psychologie des foules, en parlant des moyens d'action dont disposent les meneurs pour influencer les masses, et étant donné le fait qu'on puisse se permettre de qualifier les médias de masses comme des meneurs potentiels de l'opinion, Gustave le Bon cite l'affirmation, la répétition et la contagion:
Il rajoute que l'affirmation pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, constitue un sûr moyen de faire pénétrer une idée dans l'esprit des foules. Plus l'affirmation est concise, dépourvue de preuves et de démonstration, plus elle a d'autorité. Il explique également qu'une affirmation n'acquiert d'influence réelle qu'à la condition d'être constamment répétée, et le plus possible dans les mêmes termes. La chose répétée fini en effet par s'incruster dans ces régions profondes de l'inconscient ou s'élaborent les motifs de nos actions.
La responsabilité politique des réseaux numériques
Ainsi - et en empruntant des pistes de raisonnement qui reposent sur la compréhension de l'aspect psychologique des processus d'influence - on peut mieux mesurer les marges de manœuvre dont disposent les médias de masses pour manipuler sur la durée et par l'effet de la répétition l'opinion.
A coté du rôle des médias de masse "classiques", on s'est interrogé dans ce travail sur l'effet qu'avait eue le formidable essor des réseaux numériques sur les révolutions arabes en générale et sur la révolution tunisienne en particulier. Ceci nous mène à conclure que les acteurs de l'univers numérique globalisé ne peuvent plus échapper à leur responsabilité politique.
La portée libératrice des technologies utilisées pendant la "révolution du jasmin", appellation déjà donnée au "coup d'Etat médical" qu'avait organisé Ben Ali en 1987 pour mettre fin à l'époque bourguibienne que vivait la Tunisie depuis son indépendance, était rarement contestée, à en croire les consécrations internationales accordées à plusieurs cyber-activistes, dont le Tunisien Sami Ben Gharbia, classé en 2011 parmi les "penseurs les plus influents" par Foreign Policy, où l'on trouve a contrario de nombreux cyberactivistes arabes aux côtés des théoriciens nord-americains. Ou encore Lina Ben M'henni la cyberactiviste tunisienne dont le blog "A Tunisian Girl" a reçu le prix du meilleur blog 2011 dans le cadre du concours international THE BOBs organisé par la Deutsche Welle. Lina Ben M'henni était également parmi les nominés aux prix Nobel de la paix de 2011.
Dans "Arabités numériques", Y.G.Quijano dit qu'avec le recul que nous avons aujourd'hui, il devient davantage possible de tenter une évaluation de ces réseaux sociaux et de leur influence sur des évènements qui, s'ils ne constituent pas forcement les premières "révolutions numériques", n'en sont pas moins, sans l'ombre d'un doute, les premières révolutions au temps du numérique.
Abdelaziz Belkhodja, dans son livre 14 janvier, l'enquête, insiste sur le fait que la révolution tunisienne est la résultante de plusieurs facteurs, qu'elle n'est pas le fait d'une partie ni le fruit d'un stratagème unique. Personne, selon lui, ne peut avoir la prétention de l'avoir façonnée ni même de l'avoir prédit dans ses détails et ses spécificités, car dans l'enchainement des événements qui ont conduit aux ruptures d'allégeance et à la chute du régime, la part du hasard n'était pas négligeable .
Le retour du mot "arabe"
Mais l'expression "Printemps arabe" en elle-même n'est-elle pas un abus de langage qui ignore les particularités de chaque pays théâtre d'évènements variables ayant abouti à la chute du régime en place, loin d'être suffisant comme fait pour parler d'une quelconque démocratisation de la vie politique? Certains parlent alors de "révolution", d'autres de "conspiration".
Y.G.Quijano explique à ce sujet que l'un des effets de ce printemps serait précisément de mettre au goût du jour une dénomination mise de côté depuis des décennies au profit d'appellations telles que "monde musulman" ou "Grand Moyen-Orient".
Il rajoute que, quelles que soient les lectures de ces phénomènes, elles ont pour caractéristique d'adopter une même focale, exclusivement arabe.
Comment expliquer cet accord presque toujours implicite chez les commentateurs et les analystes sur la dimension arabe de ce printemps? Pourquoi le retour de cet adjectif après des années, non seulement d'oubli mais de discrédit? Quels éléments dans l'actualité sont assez forts pour remettre à la mode un concept géopolitique que beaucoup considéraient comme tombé en désuétude?
Il est temps peut-être de répondre à ces questions afin de comprendre si les changements engendrés par les soulèvements arabes ne seraient pas simplement cosmétiques, sans grandes ambitions de répondre aux vraies attentes populaires ayant objectivement abouti à l'avènement des différentes situations révolutionnaires.
Rappelons enfin ce qu'avait dit Timothy Hackett à propos de 1789:
Comme l'a déjà affirmé Roger Mucchielli, la stratégie de désinformation s'est développée au point que l'objectif est maintenant de conquérir un pays sans même l'attaquer physiquement, en particulier en recourant à des agents d'influence à l'intérieur.
Mucchielli fut également l'un des premiers théoriciens du recours à de fausses ONG ou "organisations de façade" pour provoquer un changement politique interne dans un autre pays. Le rôle des ONG étrangères, leurs sources de financement et leur lien avec les stratégies politiques et la propagation de l'idéal démocratique ne cesse en effet de constituer un sujet de grande controverse dans les pays du printemps arabe, dont la Tunisie.
Selon le même auteur, ce ne sont pas les circonstances objectives qui produisent le succès ou l'échec d'une révolution mais la perception de ces circonstances créée par la désinformation et toute autre pratique d'influence. Mucchielli insiste même sur le fait que la majorité silencieuse soit totalement exclue du processus de changement politique.
Pour Curzio Malaparte, auteur du livre Technique du coup d'Etat, on peut provoquer un changement de régime dans n'importe quel pays, y compris dans les démocraties stables, à condition qu'il y ait un groupe d'homme suffisamment déterminés à l'effectuer.
Manipulation et crédulité
L'opinion, qui est la principale cible de tout acte de subversion politique, est habituellement touchée à travers les mass-médias, souvent utilisés pour créer une psychose collective et parfois la démoralisation de toute une société.
Mais ce qui arrive souvent est que les gens éprouvent un fort refus de l'idée qu'ils soient l'objet d'une manipulation délibérée les amenant à décrier un régime et à exprimer la demande de le remplacer par un autre mais souvent sans même se soucier de qui sera cet autre qui prendra la relève.
A l' "âge Informationnel", cette répugnance est due au fait que ces mêmes médias, pour façonner l'opinion, flattent la vanité des gens et leurs font croire qu'ils ont accès à une quantité démesurée d'informations. Mais la réalité n'est pas tout à fait celle à laquelle on veut leur faire croire car souvent ces flux d'informations proviennent des mêmes agences qui diffusent la même information à l'ensemble des médias qui se l'approprient en créant le leurre de la diversité des sources.
En plus, discréditer les médias de masse revient presque à traiter les gens de crédules et de proie facile aux différentes techniques de manipulation utilisées afin de donner l'orientation qu'ils souhaitent à l'opinion, ce sentiment est difficilement acceptable en ce sens où il touche les gens dans leur amour propre et altère leur estime de soi .
Mais l'influence médiatique s'inscrit sur une durée suffisamment longue pour produire ses effets ultimes, car c'est dans une majorité d'actions objectives et respectueuses de l'éthique du métier que vient, sporadiquement et régulièrement, se glisser une minorité de désinformations "polluantes".
Dans La psychologie des foules, en parlant des moyens d'action dont disposent les meneurs pour influencer les masses, et étant donné le fait qu'on puisse se permettre de qualifier les médias de masses comme des meneurs potentiels de l'opinion, Gustave le Bon cite l'affirmation, la répétition et la contagion:
"Quand il s'agit de faire pénétrer lentement des idées et des croyances dans l'esprit des foules (...), les méthodes des meneurs sont différentes. Ils ont principalement recours aux trois procédés : l'affirmation, la répétition, la contagion. L'action en est assez lente, mais les effets durables".
Il rajoute que l'affirmation pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, constitue un sûr moyen de faire pénétrer une idée dans l'esprit des foules. Plus l'affirmation est concise, dépourvue de preuves et de démonstration, plus elle a d'autorité. Il explique également qu'une affirmation n'acquiert d'influence réelle qu'à la condition d'être constamment répétée, et le plus possible dans les mêmes termes. La chose répétée fini en effet par s'incruster dans ces régions profondes de l'inconscient ou s'élaborent les motifs de nos actions.
La responsabilité politique des réseaux numériques
Ainsi - et en empruntant des pistes de raisonnement qui reposent sur la compréhension de l'aspect psychologique des processus d'influence - on peut mieux mesurer les marges de manœuvre dont disposent les médias de masses pour manipuler sur la durée et par l'effet de la répétition l'opinion.
A coté du rôle des médias de masse "classiques", on s'est interrogé dans ce travail sur l'effet qu'avait eue le formidable essor des réseaux numériques sur les révolutions arabes en générale et sur la révolution tunisienne en particulier. Ceci nous mène à conclure que les acteurs de l'univers numérique globalisé ne peuvent plus échapper à leur responsabilité politique.
La portée libératrice des technologies utilisées pendant la "révolution du jasmin", appellation déjà donnée au "coup d'Etat médical" qu'avait organisé Ben Ali en 1987 pour mettre fin à l'époque bourguibienne que vivait la Tunisie depuis son indépendance, était rarement contestée, à en croire les consécrations internationales accordées à plusieurs cyber-activistes, dont le Tunisien Sami Ben Gharbia, classé en 2011 parmi les "penseurs les plus influents" par Foreign Policy, où l'on trouve a contrario de nombreux cyberactivistes arabes aux côtés des théoriciens nord-americains. Ou encore Lina Ben M'henni la cyberactiviste tunisienne dont le blog "A Tunisian Girl" a reçu le prix du meilleur blog 2011 dans le cadre du concours international THE BOBs organisé par la Deutsche Welle. Lina Ben M'henni était également parmi les nominés aux prix Nobel de la paix de 2011.
Dans "Arabités numériques", Y.G.Quijano dit qu'avec le recul que nous avons aujourd'hui, il devient davantage possible de tenter une évaluation de ces réseaux sociaux et de leur influence sur des évènements qui, s'ils ne constituent pas forcement les premières "révolutions numériques", n'en sont pas moins, sans l'ombre d'un doute, les premières révolutions au temps du numérique.
Abdelaziz Belkhodja, dans son livre 14 janvier, l'enquête, insiste sur le fait que la révolution tunisienne est la résultante de plusieurs facteurs, qu'elle n'est pas le fait d'une partie ni le fruit d'un stratagème unique. Personne, selon lui, ne peut avoir la prétention de l'avoir façonnée ni même de l'avoir prédit dans ses détails et ses spécificités, car dans l'enchainement des événements qui ont conduit aux ruptures d'allégeance et à la chute du régime, la part du hasard n'était pas négligeable .
Le retour du mot "arabe"
Mais l'expression "Printemps arabe" en elle-même n'est-elle pas un abus de langage qui ignore les particularités de chaque pays théâtre d'évènements variables ayant abouti à la chute du régime en place, loin d'être suffisant comme fait pour parler d'une quelconque démocratisation de la vie politique? Certains parlent alors de "révolution", d'autres de "conspiration".
Y.G.Quijano explique à ce sujet que l'un des effets de ce printemps serait précisément de mettre au goût du jour une dénomination mise de côté depuis des décennies au profit d'appellations telles que "monde musulman" ou "Grand Moyen-Orient".
Il rajoute que, quelles que soient les lectures de ces phénomènes, elles ont pour caractéristique d'adopter une même focale, exclusivement arabe.
Comment expliquer cet accord presque toujours implicite chez les commentateurs et les analystes sur la dimension arabe de ce printemps? Pourquoi le retour de cet adjectif après des années, non seulement d'oubli mais de discrédit? Quels éléments dans l'actualité sont assez forts pour remettre à la mode un concept géopolitique que beaucoup considéraient comme tombé en désuétude?
Il est temps peut-être de répondre à ces questions afin de comprendre si les changements engendrés par les soulèvements arabes ne seraient pas simplement cosmétiques, sans grandes ambitions de répondre aux vraies attentes populaires ayant objectivement abouti à l'avènement des différentes situations révolutionnaires.
Rappelons enfin ce qu'avait dit Timothy Hackett à propos de 1789:
"Il est peut être utile de cesser de rechercher les origines de la révolution (...) au moyen d'analyses générales, pour s'intéresser plutôt à l'expérience révolutionnaire des individus qui ont pris part aux évènements et ont incarné cette révolution".
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