C'est à peine une semaine après l'approbation du cabinet remanié Habib Essid par l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), que la terre a tremblé sous les pieds de ce huitième gouvernement avant même qu'il ne nous dévoile ses intentions. Désarçonné par l'ampleur des protestations sociales, il n'a trouvé de mieux que la tactique du lâcher de pillards et de brigands relayée et amplifiée médiatiquement pour maculer les actes des jeunes et moins jeunes en quête de dignité et de droits sociaux inscrits dans la Constitution.
Ne pouvant maitriser la situation par la chevrotine comme l'enseignement en a été tiré lors de la révolte de Siliana, le lancement des hordes de repris de justice dans le sillage des manifestations pacifiques est une tactique plus efficace pour mater la rébellion des chômeurs chroniques. Tous les gouvernements post-révolution ont d'ailleurs usé sans modération de cette tactique payante qui permet aux incapables de coller au pouvoir moyennant l'incendie de quelques édifices publics et de petits commerces d'électroménager.
Pour invraisemblable que cela puisse paraitre, cette manœuvre de diversion purement sécuritaire est un héritage de Ben Ali qui a séduit tous les gouvernements "révolutionnaires". Elle consiste à discréditer les manifestants en les associant à des actes de vandalisme mais surtout à terroriser le reste de la population qui jusque là approuvait et cautionnait les revendications légitimes. Un chaos calculé qui comporte des risques de débordements certes mais qui permet de circonscrire à faible coût la révolte avant qu'elle n'atteigne le point de non retour.
En janvier 2011, on a vu le lâcher de criminels dès que les prisons furent ouvertes de manière coordonnée et la frénésie de razzias qui s'ensuivit. Puis sous le gouvernement Mohamed Ghannouchi, les délinquants qui ont squatté l'avenue Habib Bourguiba pour dévaliser les commerces aussitôt qu'une manifestation se pointait à l'horizon. Sous la Troïka, c'était la même racaille organisée en comités de défense de la révolution qui faisait le sale boulot, notamment lors des émeutes du 9 avril 2012 ou à l'occasion des funérailles de Chokri Belaid le 8 février 2013.
Sans couverture médiatique on ne peut bien sûr espérer un retournement de situation. C'est pourquoi les médias proches du pouvoir secondés par les réseaux sociaux se sont acharnés à couvrir d'opprobre les manifestants en leur imputant d'anciennes vidéos de pillage ou de photos en rapport avec les sinistres exploits des Frères Musulmans en Egypte!
Pour le moment ce stratagème a réussi à contenir partiellement le mouvement social. Mais il a révélé néanmoins que les huit gouvernements qui se sont succédé depuis le 14 janvier 2011 ne sont désormais considérés par les Tunisiens que comme un unique gouvernement en perpétuel remaniement. Plus besoin de retourner les facettes de la même monnaie que nécessite le jeu de l'alternance démocratique. Élections ou pas, c'est la même "hogra" (dédain), les mêmes méthodes sécuritaires mesquines, les mêmes aveux de dirigeants invalides incapables de gouverner sans leur fameuse baguette magique.
Cette continuité dans le changement, les citoyens l'ont bien assimilée. Après le remaniement ministériel du 11 janvier 2016, ils ne se sont pas versés dans d'ennuyeuses litanies pour déchiffrer les arcanes de ce remaniement sur fond de chaos partisan et d'alliance sacrilège islamo-libérale.
Plus clairvoyants que l'opposition politique qui s'attardait sur l'improbité du nouveau ministre du commerce ou les relations douteuses de celui des affaires étrangères, ils sont d'accord à considérer que, quelle que soit la configuration de ce cabinet, la situation économique et sociale continuera à se dégrader à mesure que le pays s'enfonce dans l'endettement extérieur et le retour de flamme du terrorisme. Donc pas de période probatoire pour ce gouvernement "déjà vu" qui reçut d'emblée la gifle sociale en guise d'avertissement qui aurait du l'inciter à reconsidérer ses choix antisociaux.
Mais au lieu de digérer la leçon, le chef du gouvernement nous a fait comprendre dans son piteux discours à la nation qu'il persistera dans sa politique. C'est pourquoi il est toujours à la recherche des mains invisibles derrière cette tragédie visible qu'est la vie quotidienne à Kasserine.
Peu enclin à reconsidérer cette linéarité peu nuancée de la politique gouvernementale qui en cinq ans a transformé les pauvres en misérables, il court après des fantômes en pointant du doigt les joutes oratoires de certains francs-tireurs du Front Populaire. Bien que ceux-ci, loin d'inciter à la sédition, aient au contraire contribué à cette supercherie qu'est la transition démocratique sans transition économique. Car il s'agit bien d'une supercherie si on considère le bilan scandaleux de ce quinquennat 2011-2016.
En cinq ans, tout ce qui a été concrètement réalisé tient dans une nouvelle Constitution qui se voit piétinée chaque jour par son premier garant, le président de la République, et d'une fabrique de djihadistes qui affûtent leurs couteaux sur les gorges de leurs compatriotes avant de partir mettre à feu et à sang la Libye et la Syrie. A part ces deux grandes réalisations que même un gouvernement d'occupation aurait pu accomplir moyennant peu d'efforts, c'est le néant du côté du front intérieur du développement humain.
La métaphore du prélat Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahdha, qui imagea la Tunisie (le gouvernement plutôt) d'une volaille qui plane grâce à son plumage islamo-libéral, illustre parfaitement la réalité de nos gouvernants qui voltigent dans les airs depuis le 14 janvier 2011 sans réussir à prendre pied sur le rameau solide des luttes sociales.
Aussi, le gouvernement Habib Essid bis ne pourra atterrir nulle part en proposant des palliatifs de court terme, du travail précaire ou des esquisses de projets. La rupture est désormais consommée entre leur ciel et notre ici-bas.
Dans des conditions de rapports de force défavorables, le peuple tunisien a toujours su improviser une véritable guérilla pacifique pour accéder à ses droits économiques et sociaux sans mettre en péril l'intégrité de l'État. Déjà des comités de quartier se sont organisés pour repousser les pillards du gouvernement dont les mouvements sont plus favorisés par le couvre-feu plus que par les attroupements devant les sièges des Gouvernorats. Une fois que la parade tactique à ce chaos contrôlé sera effective, il ne restera plus au gouvernement que d'aller avec le président de la République implorer le marabout de Sidi Bou Saïd pour qu'il éloigne le spectre de la désobéissance civile.
Ne pouvant maitriser la situation par la chevrotine comme l'enseignement en a été tiré lors de la révolte de Siliana, le lancement des hordes de repris de justice dans le sillage des manifestations pacifiques est une tactique plus efficace pour mater la rébellion des chômeurs chroniques. Tous les gouvernements post-révolution ont d'ailleurs usé sans modération de cette tactique payante qui permet aux incapables de coller au pouvoir moyennant l'incendie de quelques édifices publics et de petits commerces d'électroménager.
Pour invraisemblable que cela puisse paraitre, cette manœuvre de diversion purement sécuritaire est un héritage de Ben Ali qui a séduit tous les gouvernements "révolutionnaires". Elle consiste à discréditer les manifestants en les associant à des actes de vandalisme mais surtout à terroriser le reste de la population qui jusque là approuvait et cautionnait les revendications légitimes. Un chaos calculé qui comporte des risques de débordements certes mais qui permet de circonscrire à faible coût la révolte avant qu'elle n'atteigne le point de non retour.
En janvier 2011, on a vu le lâcher de criminels dès que les prisons furent ouvertes de manière coordonnée et la frénésie de razzias qui s'ensuivit. Puis sous le gouvernement Mohamed Ghannouchi, les délinquants qui ont squatté l'avenue Habib Bourguiba pour dévaliser les commerces aussitôt qu'une manifestation se pointait à l'horizon. Sous la Troïka, c'était la même racaille organisée en comités de défense de la révolution qui faisait le sale boulot, notamment lors des émeutes du 9 avril 2012 ou à l'occasion des funérailles de Chokri Belaid le 8 février 2013.
Sans couverture médiatique on ne peut bien sûr espérer un retournement de situation. C'est pourquoi les médias proches du pouvoir secondés par les réseaux sociaux se sont acharnés à couvrir d'opprobre les manifestants en leur imputant d'anciennes vidéos de pillage ou de photos en rapport avec les sinistres exploits des Frères Musulmans en Egypte!
Pour le moment ce stratagème a réussi à contenir partiellement le mouvement social. Mais il a révélé néanmoins que les huit gouvernements qui se sont succédé depuis le 14 janvier 2011 ne sont désormais considérés par les Tunisiens que comme un unique gouvernement en perpétuel remaniement. Plus besoin de retourner les facettes de la même monnaie que nécessite le jeu de l'alternance démocratique. Élections ou pas, c'est la même "hogra" (dédain), les mêmes méthodes sécuritaires mesquines, les mêmes aveux de dirigeants invalides incapables de gouverner sans leur fameuse baguette magique.
Cette continuité dans le changement, les citoyens l'ont bien assimilée. Après le remaniement ministériel du 11 janvier 2016, ils ne se sont pas versés dans d'ennuyeuses litanies pour déchiffrer les arcanes de ce remaniement sur fond de chaos partisan et d'alliance sacrilège islamo-libérale.
Plus clairvoyants que l'opposition politique qui s'attardait sur l'improbité du nouveau ministre du commerce ou les relations douteuses de celui des affaires étrangères, ils sont d'accord à considérer que, quelle que soit la configuration de ce cabinet, la situation économique et sociale continuera à se dégrader à mesure que le pays s'enfonce dans l'endettement extérieur et le retour de flamme du terrorisme. Donc pas de période probatoire pour ce gouvernement "déjà vu" qui reçut d'emblée la gifle sociale en guise d'avertissement qui aurait du l'inciter à reconsidérer ses choix antisociaux.
Mais au lieu de digérer la leçon, le chef du gouvernement nous a fait comprendre dans son piteux discours à la nation qu'il persistera dans sa politique. C'est pourquoi il est toujours à la recherche des mains invisibles derrière cette tragédie visible qu'est la vie quotidienne à Kasserine.
Peu enclin à reconsidérer cette linéarité peu nuancée de la politique gouvernementale qui en cinq ans a transformé les pauvres en misérables, il court après des fantômes en pointant du doigt les joutes oratoires de certains francs-tireurs du Front Populaire. Bien que ceux-ci, loin d'inciter à la sédition, aient au contraire contribué à cette supercherie qu'est la transition démocratique sans transition économique. Car il s'agit bien d'une supercherie si on considère le bilan scandaleux de ce quinquennat 2011-2016.
En cinq ans, tout ce qui a été concrètement réalisé tient dans une nouvelle Constitution qui se voit piétinée chaque jour par son premier garant, le président de la République, et d'une fabrique de djihadistes qui affûtent leurs couteaux sur les gorges de leurs compatriotes avant de partir mettre à feu et à sang la Libye et la Syrie. A part ces deux grandes réalisations que même un gouvernement d'occupation aurait pu accomplir moyennant peu d'efforts, c'est le néant du côté du front intérieur du développement humain.
La métaphore du prélat Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahdha, qui imagea la Tunisie (le gouvernement plutôt) d'une volaille qui plane grâce à son plumage islamo-libéral, illustre parfaitement la réalité de nos gouvernants qui voltigent dans les airs depuis le 14 janvier 2011 sans réussir à prendre pied sur le rameau solide des luttes sociales.
Aussi, le gouvernement Habib Essid bis ne pourra atterrir nulle part en proposant des palliatifs de court terme, du travail précaire ou des esquisses de projets. La rupture est désormais consommée entre leur ciel et notre ici-bas.
Dans des conditions de rapports de force défavorables, le peuple tunisien a toujours su improviser une véritable guérilla pacifique pour accéder à ses droits économiques et sociaux sans mettre en péril l'intégrité de l'État. Déjà des comités de quartier se sont organisés pour repousser les pillards du gouvernement dont les mouvements sont plus favorisés par le couvre-feu plus que par les attroupements devant les sièges des Gouvernorats. Une fois que la parade tactique à ce chaos contrôlé sera effective, il ne restera plus au gouvernement que d'aller avec le président de la République implorer le marabout de Sidi Bou Saïd pour qu'il éloigne le spectre de la désobéissance civile.
Retrouvez les articles du HuffPost Tunisie sur notre page Facebook.
-- This feed and its contents are the property of The Huffington Post, and use is subject to our terms. It may be used for personal consumption, but may not be distributed on a website.