Je me souviendrai toujours de cette image qui m'a littéralement saisie, en avril dernier, en visite chez Christine et Aziz Alaoui à Marrakech. Sur une photo, un homme me regarde. Où que j'aille dans cette maison, même au fond du jardin, son regard me fixe. Qui est cet homme? J'ai besoin de savoir son nom, son âge, pourquoi son regard me hante. J'ai besoin de connaître son histoire.
Pour connaître la réponse, j'écris à l'auteure de la photo, leur fille Leila, par le biais de notre amie commune Jo, en espérant qu'elle me réponde, pensant qu'elle aurait peut être mieux à faire... pas du tout. Leila était comme ça, chaleureuse et spontanée, les deux pieds sur terre mais des étoiles dans les yeux. Vous lui adressiez la parole et en quelques minutes, c'est comme si elle avait toujours été là, dans votre vie. De fil en aiguille, nous avons entamé une correspondance. Elle parlait rarement de son travail, mais constamment des gens qui ont croisé sa route. Elle ne se définissait pas comme une "artiste engagée". L'engagement était pour elle quelque chose d'organique: elle était comme ça, c'est tout. Jamais de posture.
Plus je la découvre, insaisissable, solaire, unique, plus je veux saisir ma chance de la connaître. Leila, si on montait une exposition à Genève? Et si une de tes photos devenait l'affiche du Festival cette année? On pourrait aussi organiser une résidence d'artiste, tu pourrais photographier les personnes réfugiées, ici? Comme ça, de fil en aiguille, elle est devenue en quelques semaines l'artiste à l'honneur de notre prochaine édition. Elle ne demandait jamais rien, mais elle inspirait une telle confiance qu'on avait tout de suite envie de l'avoir près de soi.
Je n'aurai jamais la chance de la voir au travail, puisque nous devions commencer sa résidence dans dix jours, mais c'est comme ça que je l'imagine sur le terrain. Lumineuse, naturelle, disponible. Elle passait des semaines sur place, pas en visite, mais en immersion. Elle dormait par terre, s'occupait des enfants, coupait les légumes, écoutait, sentait. Puis peu à peu, tout doucement, seulement lorsqu'elle faisait partie du paysage, elle commençait à capturer des images.
Le résultat est époustouflant. Leila saisissait les gens de manière frontale, sans aucun apprêt ni artifice, et elle avait ce talent unique de réussir, avec une simple photo, à happer à la fois le sujet et le spectateur. Par un pouvoir inexplicable, l'histoire de ces gens devient notre histoire.
Des images qui appellent une histoire... Leila pensait souvent au cinéma. Dans dix jours, elle serait venue avec un appareil photo, mais aussi une caméra. Bien sûr, elle était vidéaste, mais j'espérais secrètement que de ces rencontres avec des migrantes de Genève, elle tirerait un film. Un film que nous aurions bien sûr montré l'année prochaine...
Mais Leila est morte hier soir et cette histoire n'existera pas, comme tant de milliers d'histoires fracassées en quelques minutes. Je pleure. Nous sommes des milliers à pleurer. Et nous pleurerons encore longtemps. Au revoir, Leila.
Pour connaître la réponse, j'écris à l'auteure de la photo, leur fille Leila, par le biais de notre amie commune Jo, en espérant qu'elle me réponde, pensant qu'elle aurait peut être mieux à faire... pas du tout. Leila était comme ça, chaleureuse et spontanée, les deux pieds sur terre mais des étoiles dans les yeux. Vous lui adressiez la parole et en quelques minutes, c'est comme si elle avait toujours été là, dans votre vie. De fil en aiguille, nous avons entamé une correspondance. Elle parlait rarement de son travail, mais constamment des gens qui ont croisé sa route. Elle ne se définissait pas comme une "artiste engagée". L'engagement était pour elle quelque chose d'organique: elle était comme ça, c'est tout. Jamais de posture.
Plus je la découvre, insaisissable, solaire, unique, plus je veux saisir ma chance de la connaître. Leila, si on montait une exposition à Genève? Et si une de tes photos devenait l'affiche du Festival cette année? On pourrait aussi organiser une résidence d'artiste, tu pourrais photographier les personnes réfugiées, ici? Comme ça, de fil en aiguille, elle est devenue en quelques semaines l'artiste à l'honneur de notre prochaine édition. Elle ne demandait jamais rien, mais elle inspirait une telle confiance qu'on avait tout de suite envie de l'avoir près de soi.
Je n'aurai jamais la chance de la voir au travail, puisque nous devions commencer sa résidence dans dix jours, mais c'est comme ça que je l'imagine sur le terrain. Lumineuse, naturelle, disponible. Elle passait des semaines sur place, pas en visite, mais en immersion. Elle dormait par terre, s'occupait des enfants, coupait les légumes, écoutait, sentait. Puis peu à peu, tout doucement, seulement lorsqu'elle faisait partie du paysage, elle commençait à capturer des images.
Le résultat est époustouflant. Leila saisissait les gens de manière frontale, sans aucun apprêt ni artifice, et elle avait ce talent unique de réussir, avec une simple photo, à happer à la fois le sujet et le spectateur. Par un pouvoir inexplicable, l'histoire de ces gens devient notre histoire.
Des images qui appellent une histoire... Leila pensait souvent au cinéma. Dans dix jours, elle serait venue avec un appareil photo, mais aussi une caméra. Bien sûr, elle était vidéaste, mais j'espérais secrètement que de ces rencontres avec des migrantes de Genève, elle tirerait un film. Un film que nous aurions bien sûr montré l'année prochaine...
Mais Leila est morte hier soir et cette histoire n'existera pas, comme tant de milliers d'histoires fracassées en quelques minutes. Je pleure. Nous sommes des milliers à pleurer. Et nous pleurerons encore longtemps. Au revoir, Leila.
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