La mosquée de Sidi Lakhmi, l'une des grandes mosquées du gouvernorat de Sfax, connaît depuis quelques semaines une forte tension entre les fidèles.
Un rassemblement de protestation a également été organisé à Tunis pour revendiquer les décisions du ministre transformant ainsi l'ancien imam en un vrai chef d'opposition religieuse à la manière des donatistes.
Cette affaire qui se situe au cœur de nombreux débats a poussé plusieurs tunisiens à interroger de nouveau l'histoire pour réexaminer le vrai rôle des imams et pour évaluer la compatibilité du discours religieux avec les valeurs de la deuxième république.
Les Imams, clercs de l'Islam
Étymologiquement parlant, le terme imam, dérivé du verbe arabe "Amma, ya-ûoummû", veut dire "celui se dresse devant". Dans l'usage, le terme a pris une place très importante dans le lexique théologico-politique de l'islam primitif puisqu'il s'est couvert, depuis les Umayyades, d'un aspect temporel et d'autre spirituel, détenant ainsi tous les pouvoirs de la religion et de l'État.
Avec les Abbassides, le champ sémantique du terme s'est ouvert à l'aspect symbolique pour englober toutes les personnes qui ont joué un rôle important dans l'islam des premiers temps. Ce n'est qu'en 1459, sous l'empire Ottoman, que le titre d'imam est réservé de droit aux ministres du culte reconnus par l'État. Cette tradition ottomane s'est prolongée jusqu'à nos jours puisque le titre d'imam est donné actuellement aux fonctionnaires employés dans une mosquée pour diriger les prières collectives (jamâ'ah).
On ne sera donc pas étonné de voir de temps en temps des imams réclamant leur "droit historique" de diriger les affaires mondaine et extra-mondaine de la Cité, à la manière de Ridha Jaouadi, puisqu'ils se veulent comme les seuls "Techniker der Anbetung" et cela à travers leur monopole de la tradition qui leur permettent d'effectuer un impérialisme culturel sur le reste de la société, c'est-à-dire une volonté de domination totale malgré que la religion musulmane autorise, en théorie, l'égalité d'accès au sacré à l'ensemble des adeptes.
Certes, le prestige et l'influence de ces clercs de l'islam confèrent une certaine autorité: c'est-à-dire le pouvoir de commander et de faire obéir même dans les affaires les plus intimes. Ainsi le concept de l'autoritas romain, arabisé puis islamisé, est animé, chez les traditionnalistes, par l'idée du sacré puisque le texte cornique affirme que l'autorité est un attribut exclusivement divin délégué à quelques savants (oulémas) qui deviennent des médiateurs entre la Parole et les reste des humains.
Repenser la Tradition
Devant l'ampleur de la manipulation de l'islam par quelques imams passéistes à des fins politiques et idéologiques, il apparaît nécessaire, pour les modernistes tunisiens, d'entreprendre une recomposition de l'histoire musulmane, tenant compte de la rationalisation des faits historiques dans une perspective critique marquée par des fausses représentations véhiculées par les clercs qui ne cessent de manipuler la religion dans ces contextes nouveaux d'effervescences populistes.
Comment donc procéder à une nouvelle lecture de l'histoire musulmane en laissant de côté la tradition-traditionnaliste? On estime en effet que l'histoire de l'islam n'a pas fait l'objet, de la part des historiens musulmans, d'une recherche qui appliquerait les méthodes et les lectures positives qui nous permette d'arriver à une histoire nouvelle, ou plutôt à une nouvelle lecture de l'histoire en prenant en considération des données qui n'ont pas été retenues par l'orthodoxie ou ce qu'on appelle l'histoire officielle de l'islam.
En fait, l'enquête dé-constructive a pour but majeur de dépoussiérer notre tourâth et de dégager des multiples strates explicatives et interprétatives pour comprendre les causes de cette crise identitaire qui traverse la Tunisie depuis plus de quatre ans maintenant.
Toute cette enquête doit être inscrite dans une nouvelle aventure du sens où il ne s'agit pas de retrouver un sens, de le recomposer comme vérité, mais d'ouvrir le champ religieux à de nouvelles interprétations, de libérer la pensée afin qu'elle produise de nouvelles possibilités sémantiques. L'aventure du sens passe inéluctablement par la désacralisation de l'histoire de l'islam pour pouvoir distinguer le message de l'histoire.
Une fois identifié comme production humaine, l'histoire est délimitée pour être séparé du message. C'est ainsi que nous apparaît le projet critique de l'histoire chez les quelques modernistes tunisiens qui ont élaboré scientifiquement un nouveau statut du sacré reposant sur une démarche académique de séparation de ce qui relève du religieux et ce qui a trait au politique.
Pour un mouvement réformiste et modernisateur
L'intellectuel tunisien est encore une fois aujourd'hui interpellé par la modernité, coincé, d'une part, face à un discours cléricale sclérosé qui perpétue des schémas de pensée archaïques et inadaptés et qui laisse la place à un islamisme, idéologique et simplificateur. D'autre part, il a à faire à une évolution sociétale rapide qui s'inscrit, malgré elle, dans des transformations dictées par des structures économiques de plus en plus mondialisées.
Devant cette situation proprement schizophrénique, nos penseurs tunisiens qui se proposent de moderniser ou de libérer la pensée islamique doivent faire face à un grand défi à savoir quelle attitude doit-on avoir vis-à-vis de la pensée islamique actuelle? Poser le problème de la modernité religieuse dans notre cadre tunisien c'est aussi développer nécessairement une conscience moderne des problèmes pour réexaminer beaucoup d'a priori et pour faire face aux défis vitaux que sont les problèmes de la décadence culturelle et de l'échec des politiques du développement postrévolutionnaire.
Ce renouvellement sous forme de modernisation impose le recours aux méthodes modernes pour chercher de nouveaux arguments tirés de la tradition afin de légitimer une nouvelle lecture possible de ce patrimoine islamique. L'essentiel de l'aventure déconstructive du patrimoine est de réhabiliter la pensée rationnelle islamique réceptive des philosophies, des sciences et de la rationalité, et qui a été occultée, marginalisée, oubliée.
Cette rationalité produisait une lecture différente de la religion de celle de l'orthodoxie. Cependant, tout en reprenant les problématiques rationnelles anciennes, il ne s'agit pas de congédier toute la tradition, mais de faire référence à des textes, parfois même des hadiths, qui n'étaient pas retenus parce qu'ils n'avaient pas été pris en considération par le consensus alors qu'ils étaient conformes aux finalités du Texte.
L'aboutissement de cette démarche qui semble encore lointaine s'inscrit dans une démarche globale de renouvellement de l'appareil conceptuel et cognitif, des outils interprétatifs en vue d'une double libération: une libération de la pensée des dogmes et de la tentation idéologique, et une libération du croyant du poids de l'orthodoxie liberticide, des schémas de pensée archaïques et du pouvoir politique autoritaire.
Le limogeage de Ridha Jaouadi, accusé d'extrémisme par le ministère des Affaires Religieuses a suscité la colère de ses sympathisants qui ont empêché le nouvel imam de prêcher lors des trois dernières prières de vendredi.
Un rassemblement de protestation a également été organisé à Tunis pour revendiquer les décisions du ministre transformant ainsi l'ancien imam en un vrai chef d'opposition religieuse à la manière des donatistes.
Cette affaire qui se situe au cœur de nombreux débats a poussé plusieurs tunisiens à interroger de nouveau l'histoire pour réexaminer le vrai rôle des imams et pour évaluer la compatibilité du discours religieux avec les valeurs de la deuxième république.
Les Imams, clercs de l'Islam
Étymologiquement parlant, le terme imam, dérivé du verbe arabe "Amma, ya-ûoummû", veut dire "celui se dresse devant". Dans l'usage, le terme a pris une place très importante dans le lexique théologico-politique de l'islam primitif puisqu'il s'est couvert, depuis les Umayyades, d'un aspect temporel et d'autre spirituel, détenant ainsi tous les pouvoirs de la religion et de l'État.
Avec les Abbassides, le champ sémantique du terme s'est ouvert à l'aspect symbolique pour englober toutes les personnes qui ont joué un rôle important dans l'islam des premiers temps. Ce n'est qu'en 1459, sous l'empire Ottoman, que le titre d'imam est réservé de droit aux ministres du culte reconnus par l'État. Cette tradition ottomane s'est prolongée jusqu'à nos jours puisque le titre d'imam est donné actuellement aux fonctionnaires employés dans une mosquée pour diriger les prières collectives (jamâ'ah).
On ne sera donc pas étonné de voir de temps en temps des imams réclamant leur "droit historique" de diriger les affaires mondaine et extra-mondaine de la Cité, à la manière de Ridha Jaouadi, puisqu'ils se veulent comme les seuls "Techniker der Anbetung" et cela à travers leur monopole de la tradition qui leur permettent d'effectuer un impérialisme culturel sur le reste de la société, c'est-à-dire une volonté de domination totale malgré que la religion musulmane autorise, en théorie, l'égalité d'accès au sacré à l'ensemble des adeptes.
Certes, le prestige et l'influence de ces clercs de l'islam confèrent une certaine autorité: c'est-à-dire le pouvoir de commander et de faire obéir même dans les affaires les plus intimes. Ainsi le concept de l'autoritas romain, arabisé puis islamisé, est animé, chez les traditionnalistes, par l'idée du sacré puisque le texte cornique affirme que l'autorité est un attribut exclusivement divin délégué à quelques savants (oulémas) qui deviennent des médiateurs entre la Parole et les reste des humains.
Grâce à cette autorité charismatique de type mythologique, les imams ont pu mettre en place, déjà depuis le Haut Moyen-âge, un nouvel ordre social chargé de protéger l'orthodoxie pour pouvoir imposer une vision cléricale sur le reste de la société.
Repenser la Tradition
Devant l'ampleur de la manipulation de l'islam par quelques imams passéistes à des fins politiques et idéologiques, il apparaît nécessaire, pour les modernistes tunisiens, d'entreprendre une recomposition de l'histoire musulmane, tenant compte de la rationalisation des faits historiques dans une perspective critique marquée par des fausses représentations véhiculées par les clercs qui ne cessent de manipuler la religion dans ces contextes nouveaux d'effervescences populistes.
Comment donc procéder à une nouvelle lecture de l'histoire musulmane en laissant de côté la tradition-traditionnaliste? On estime en effet que l'histoire de l'islam n'a pas fait l'objet, de la part des historiens musulmans, d'une recherche qui appliquerait les méthodes et les lectures positives qui nous permette d'arriver à une histoire nouvelle, ou plutôt à une nouvelle lecture de l'histoire en prenant en considération des données qui n'ont pas été retenues par l'orthodoxie ou ce qu'on appelle l'histoire officielle de l'islam.
Aujourd'hui, les modernistes tunisiens sont appelé à dépasser la simple investigation dans le champ du patrimoine pour intégrer le sacré dans leurs champs de travail. Ils doivent déployer des méthodes scientifiques pour partir à la recherche de cette dimension perdue.
En fait, l'enquête dé-constructive a pour but majeur de dépoussiérer notre tourâth et de dégager des multiples strates explicatives et interprétatives pour comprendre les causes de cette crise identitaire qui traverse la Tunisie depuis plus de quatre ans maintenant.
Toute cette enquête doit être inscrite dans une nouvelle aventure du sens où il ne s'agit pas de retrouver un sens, de le recomposer comme vérité, mais d'ouvrir le champ religieux à de nouvelles interprétations, de libérer la pensée afin qu'elle produise de nouvelles possibilités sémantiques. L'aventure du sens passe inéluctablement par la désacralisation de l'histoire de l'islam pour pouvoir distinguer le message de l'histoire.
Une fois identifié comme production humaine, l'histoire est délimitée pour être séparé du message. C'est ainsi que nous apparaît le projet critique de l'histoire chez les quelques modernistes tunisiens qui ont élaboré scientifiquement un nouveau statut du sacré reposant sur une démarche académique de séparation de ce qui relève du religieux et ce qui a trait au politique.
Pour un mouvement réformiste et modernisateur
L'intellectuel tunisien est encore une fois aujourd'hui interpellé par la modernité, coincé, d'une part, face à un discours cléricale sclérosé qui perpétue des schémas de pensée archaïques et inadaptés et qui laisse la place à un islamisme, idéologique et simplificateur. D'autre part, il a à faire à une évolution sociétale rapide qui s'inscrit, malgré elle, dans des transformations dictées par des structures économiques de plus en plus mondialisées.
Devant cette situation proprement schizophrénique, nos penseurs tunisiens qui se proposent de moderniser ou de libérer la pensée islamique doivent faire face à un grand défi à savoir quelle attitude doit-on avoir vis-à-vis de la pensée islamique actuelle? Poser le problème de la modernité religieuse dans notre cadre tunisien c'est aussi développer nécessairement une conscience moderne des problèmes pour réexaminer beaucoup d'a priori et pour faire face aux défis vitaux que sont les problèmes de la décadence culturelle et de l'échec des politiques du développement postrévolutionnaire.
Pour réussir, cette entreprise critique se devait, non pas plaquer des solutions exogènes à la pensée tunisienne, mais la renouveler de l'intérieur. Cette attitude a fait défaut aux premiers modernistes libéraux du début du 19ème siècle qui n'ont pas ramené la discussion et l'argumentation sur le terrain même du turâth et surtout de l'histoire du fiqh.
Ce renouvellement sous forme de modernisation impose le recours aux méthodes modernes pour chercher de nouveaux arguments tirés de la tradition afin de légitimer une nouvelle lecture possible de ce patrimoine islamique. L'essentiel de l'aventure déconstructive du patrimoine est de réhabiliter la pensée rationnelle islamique réceptive des philosophies, des sciences et de la rationalité, et qui a été occultée, marginalisée, oubliée.
Cette rationalité produisait une lecture différente de la religion de celle de l'orthodoxie. Cependant, tout en reprenant les problématiques rationnelles anciennes, il ne s'agit pas de congédier toute la tradition, mais de faire référence à des textes, parfois même des hadiths, qui n'étaient pas retenus parce qu'ils n'avaient pas été pris en considération par le consensus alors qu'ils étaient conformes aux finalités du Texte.
L'aboutissement de cette démarche qui semble encore lointaine s'inscrit dans une démarche globale de renouvellement de l'appareil conceptuel et cognitif, des outils interprétatifs en vue d'une double libération: une libération de la pensée des dogmes et de la tentation idéologique, et une libération du croyant du poids de l'orthodoxie liberticide, des schémas de pensée archaïques et du pouvoir politique autoritaire.
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