FCR. Tous les Tunisiens de la diaspora connaissent ce sigle et savent l'enjeu qu'il représente pour eux. La Franchise de Changement de Résidence permet en effet à tout Tunisien Résident à l'Etranger d'importer un véhicule sans paiement de frais de douane (dans la limite d'un seul véhicule par ménage) puis de le céder à certaines conditions avec une taxe réduite.
Après la révolution de 2011 et la possibilité d'élire des députés pour représenter spécifiquement les TRE, il est même devenu impossible pour un candidat à l'Assemblée nationale de ne pas faire de propositions sur ce sujet, ce qui donne lieu à des concours de démagogie auxquels le gouvernement semble d'ailleurs céder en partie.
Le premier, dit officiel, est celui des ventes à travers les concessions des principales marques. Sur ce marché, l'Etat définit chaque année un quota de véhicules puis le décline pour chaque marque en fonction de paramètres relativement flous. Autre particularité, c'est l'Etat qui importe lui-même les véhicules pour les redistribuer ensuite à chaque concessionnaire.
Aspect historique important, jusqu'à la Révolution et la saisie des actifs des familles proches de Ben Ali, le partage des licences de commercialisation entre concessionnaires se faisait dans le cercle très fermé des gendres du Président déchu. De 2011 à 2014, les quotas imposés par l'Etat ont fait passer ce segment de 60.000 à 45.000 véhicules avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer sur l'emploi dans ce secteur.
Le second marché, dit parallèle, concerne celui des ventes par le biais de personnes physiques qui commercialisent elles-mêmes le véhicule qu'elles ont importées. Contrairement à ce que son nom indique, le marché parallèle n'a absolument rien d'illégal. Ses acteurs s'appuient sur des brèches juridiques pour parvenir à faire ré-immatriculer des véhicules destinés à la revente entre particuliers. Il ne s'agit ni plus ni moins que du commerce du fameux FCR par des intermédiaires qui en font un métier sans bureaux en ville, ni employés, ni cotisations sociales.
Sous la pression d'une demande relativement stable de 70 à 80.000 véhicules du fait même de la croissance de la classe moyenne urbanisée, la diminution des quotas sur le marché officiel oriente la demande sur le marché parallèle. On estime donc que les 15.000 véhicules effacés des quotas en 2011 sont presque tous passés dans le giron du marché parallèle qui représente donc au bas mot 30.000 véhicules en 2014.
Bref, il s'entête à corriger un système archaïque plutôt qu'à le réformer, à protéger ses recettes de court terme plutôt qu'à dynamiser un marché sur le long terme où davantage d'acteurs pourraient être gagnants. Pour qu'elle soit juste et utile, une taxe et ses restrictions doivent se justifier économiquement mais est-ce ici le cas?
Les restrictions drastiques sur le marché des véhicules sont-elles destinées à protéger un marché intérieur? Non. La Tunisie ne produit pas de véhicules.
S'agit-il de diminuer la fuite des devises?
Plafonner des importations réduit forcément la fuite des devises surtout sur des biens qui concourent davantage à la consommation qu'à l'investissement. Mais 60.000 véhicules coûtant de l'ordre de moyenne 20.000 € HT occasionnent 2.5Mds de DT sortis en devises qu'il faut comparer aux 42Mds DT de l'ensemble des importations.
De plus, au vu du poids du marché parallèle, il y aurait une manière très simple de compenser cette fuite en rendant obligatoire le paiement du FCR et du véhicule en devise sur le territoire tunisien.
Ces restrictions permettent-elles de contrôler la balance des paiements?
A la lumière des éléments apportés plus haut, oui mais de manière très marginale. Jouer sur la balance des paiements, ce n'est pas seulement limiter les importations mais encourager les exportations.
Certes, la Tunisie ne produit pas de véhicules mais en élargissant à l'ensemble de l'industrie automobile, elle est déjà le terrain de nombreux équipementiers automobiles notamment en provenance de France (Valéo), d'Allemagne (Bosch, Continental), des Etats-Unis (Lear) et même du Japon.
De façon directe ou indirecte, ce secteur emploie jusqu'à 60.000 salariés et pousse une centaine de sociétés qui se sont constituées pour être les fournisseurs des principaux acteurs. Bien sûr, la donne a sérieusement changé avec l'ouverture de plusieurs sites de production au Maroc et en Algérie contre lesquels la Tunisie n'a pas beaucoup d'avantages comparatifs à avancer pour renverser la donne.
Plutôt que de dépenser de l'énergie à maintenir un système archaïque pour des revenus fiscaux de court terme, le Gouvernement gagnerait justement à produire une réflexion approfondie en la matière.
Les taxes sur l'importation sont-elles justes?
Telles qu'elles sont définies aujourd'hui en conjonction avec une politique de quotas, assurément, non. Elles produisent un marché à deux vitesses avec un marché informel dont les ventes entre particuliers sont autant de recettes perdues pour l'Etat que d'emplois non créés pour les concessionnaires.
Par ailleurs, comme pour tout impôt, le modèle la courbe de Laffer résumée en "trop d'impôts tue l'impôt" est une bonne illustration de la situation du secteur automobile en Tunisie.
Alors que faire et comment réformer ce système?
Précisons tout d'abord que la Tunisie est dans l'obligation d'abolir ce système non seulement en raison de son accord de coopération avec l'Union Européenne mais aussi comme l'y engage son adhésion à l'OMC. Même si cette réforme est régulièrement annoncée puis ajournée, la question n'est donc pas tant de savoir s'il faut la faire mais plutôt comment opérer celle-ci dans les conditions les plus favorables.
Selon nous, une réforme doit avoir pour objectif essentiel de libérer le marché de la vente de ses archaïsmes bureaucratiques tout en respectant des contraintes:
Les trois premiers points relèvent d'une politique fiscale conduite avec un tant soit peu de d'intelligence et les fondamentaux doivent en être appréciés chaque années avec la loi de finance.
L'obligation du paiement en devises pour les TRE est une condition raisonnable allant dans le bon sens pour compenser la disparition du FCR. Plus généralement, c'est la taxe d'importation qui doit directement réguler la demande et non les quotas.
Cette régulation doit servir à la fois à ne pas solliciter le réseau routier au-dessus de ses capacités, à contribuer à financer l'entretien de celui-ci et à contrôler le taux d'équipement en adéquation avec la politique environnementale du pays.
Le marché de l'automobile en Tunisie est en fait à l'image de l'économie nationale, c'est-à-dire un environnement qui, en faisant coexister l'informel le plus laxiste et le contrôle étatique le plus coercitif, pousse à des marchés superposés, ni tout à fait planifiés ni tout à fait libéralisés dans lesquels personne ne gagne vraiment. C'est ce carcan qu'il faut desserrer.
Tous les TRE doivent savoir que le FCR n'est pas un avantage qui leur est accordé mais un encouragement à ne pas réformer un secteur dont l'état témoigne du dépassement économique de la Tunisie.
Après la révolution de 2011 et la possibilité d'élire des députés pour représenter spécifiquement les TRE, il est même devenu impossible pour un candidat à l'Assemblée nationale de ne pas faire de propositions sur ce sujet, ce qui donne lieu à des concours de démagogie auxquels le gouvernement semble d'ailleurs céder en partie.
Et pourtant, derrière ces avantages très recherchés se cache un système fiscal et commercial du plus grand archaïsme, archaïsme que nous flattons forcément en cherchant à conserver ce système plutôt qu'en le remettant en cause. En effet, le FCR et tous les régimes afférants constituent moins des avantages réels que des dérogations sur des restrictions sévères sur le marché tunisien de l'automobile. Sur ce marché, il existe essentiellement deux circuits.
Le premier, dit officiel, est celui des ventes à travers les concessions des principales marques. Sur ce marché, l'Etat définit chaque année un quota de véhicules puis le décline pour chaque marque en fonction de paramètres relativement flous. Autre particularité, c'est l'Etat qui importe lui-même les véhicules pour les redistribuer ensuite à chaque concessionnaire.
Aspect historique important, jusqu'à la Révolution et la saisie des actifs des familles proches de Ben Ali, le partage des licences de commercialisation entre concessionnaires se faisait dans le cercle très fermé des gendres du Président déchu. De 2011 à 2014, les quotas imposés par l'Etat ont fait passer ce segment de 60.000 à 45.000 véhicules avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer sur l'emploi dans ce secteur.
Le second marché, dit parallèle, concerne celui des ventes par le biais de personnes physiques qui commercialisent elles-mêmes le véhicule qu'elles ont importées. Contrairement à ce que son nom indique, le marché parallèle n'a absolument rien d'illégal. Ses acteurs s'appuient sur des brèches juridiques pour parvenir à faire ré-immatriculer des véhicules destinés à la revente entre particuliers. Il ne s'agit ni plus ni moins que du commerce du fameux FCR par des intermédiaires qui en font un métier sans bureaux en ville, ni employés, ni cotisations sociales.
Sous la pression d'une demande relativement stable de 70 à 80.000 véhicules du fait même de la croissance de la classe moyenne urbanisée, la diminution des quotas sur le marché officiel oriente la demande sur le marché parallèle. On estime donc que les 15.000 véhicules effacés des quotas en 2011 sont presque tous passés dans le giron du marché parallèle qui représente donc au bas mot 30.000 véhicules en 2014.
En 2015, le gouvernement semble prendre conscience de ce phénomène de vases communicants entre les deux marchés et du risque de manque à gagner sur ses propres recettes fiscales. Il porte alors les quotas de 45 à 60.000 véhicules sur le marché des concessionnaires.
Bref, il s'entête à corriger un système archaïque plutôt qu'à le réformer, à protéger ses recettes de court terme plutôt qu'à dynamiser un marché sur le long terme où davantage d'acteurs pourraient être gagnants. Pour qu'elle soit juste et utile, une taxe et ses restrictions doivent se justifier économiquement mais est-ce ici le cas?
Les restrictions drastiques sur le marché des véhicules sont-elles destinées à protéger un marché intérieur? Non. La Tunisie ne produit pas de véhicules.
S'agit-il de diminuer la fuite des devises?
Plafonner des importations réduit forcément la fuite des devises surtout sur des biens qui concourent davantage à la consommation qu'à l'investissement. Mais 60.000 véhicules coûtant de l'ordre de moyenne 20.000 € HT occasionnent 2.5Mds de DT sortis en devises qu'il faut comparer aux 42Mds DT de l'ensemble des importations.
De plus, au vu du poids du marché parallèle, il y aurait une manière très simple de compenser cette fuite en rendant obligatoire le paiement du FCR et du véhicule en devise sur le territoire tunisien.
Ces restrictions permettent-elles de contrôler la balance des paiements?
A la lumière des éléments apportés plus haut, oui mais de manière très marginale. Jouer sur la balance des paiements, ce n'est pas seulement limiter les importations mais encourager les exportations.
Certes, la Tunisie ne produit pas de véhicules mais en élargissant à l'ensemble de l'industrie automobile, elle est déjà le terrain de nombreux équipementiers automobiles notamment en provenance de France (Valéo), d'Allemagne (Bosch, Continental), des Etats-Unis (Lear) et même du Japon.
De façon directe ou indirecte, ce secteur emploie jusqu'à 60.000 salariés et pousse une centaine de sociétés qui se sont constituées pour être les fournisseurs des principaux acteurs. Bien sûr, la donne a sérieusement changé avec l'ouverture de plusieurs sites de production au Maroc et en Algérie contre lesquels la Tunisie n'a pas beaucoup d'avantages comparatifs à avancer pour renverser la donne.
Plutôt que de dépenser de l'énergie à maintenir un système archaïque pour des revenus fiscaux de court terme, le Gouvernement gagnerait justement à produire une réflexion approfondie en la matière.
Les taxes sur l'importation sont-elles justes?
Telles qu'elles sont définies aujourd'hui en conjonction avec une politique de quotas, assurément, non. Elles produisent un marché à deux vitesses avec un marché informel dont les ventes entre particuliers sont autant de recettes perdues pour l'Etat que d'emplois non créés pour les concessionnaires.
Par ailleurs, comme pour tout impôt, le modèle la courbe de Laffer résumée en "trop d'impôts tue l'impôt" est une bonne illustration de la situation du secteur automobile en Tunisie.
Alors que faire et comment réformer ce système?
Précisons tout d'abord que la Tunisie est dans l'obligation d'abolir ce système non seulement en raison de son accord de coopération avec l'Union Européenne mais aussi comme l'y engage son adhésion à l'OMC. Même si cette réforme est régulièrement annoncée puis ajournée, la question n'est donc pas tant de savoir s'il faut la faire mais plutôt comment opérer celle-ci dans les conditions les plus favorables.
Selon nous, une réforme doit avoir pour objectif essentiel de libérer le marché de la vente de ses archaïsmes bureaucratiques tout en respectant des contraintes:
- prélever une taxe raisonnable pour encaisser suffisamment de recettes sans décourager les ménages qui peuvent et doivent s'équiper,
- faire disparaître le marché parallèle,
- garder la main sur les flux de devises,
- éviter toute boulimie de croissance du parc automobile pour donner des marges de manœuvres à une politique environnementale plus large et dont les contours restent à définir.
Les trois premiers points relèvent d'une politique fiscale conduite avec un tant soit peu de d'intelligence et les fondamentaux doivent en être appréciés chaque années avec la loi de finance.
L'obligation du paiement en devises pour les TRE est une condition raisonnable allant dans le bon sens pour compenser la disparition du FCR. Plus généralement, c'est la taxe d'importation qui doit directement réguler la demande et non les quotas.
Cette régulation doit servir à la fois à ne pas solliciter le réseau routier au-dessus de ses capacités, à contribuer à financer l'entretien de celui-ci et à contrôler le taux d'équipement en adéquation avec la politique environnementale du pays.
Le marché de l'automobile en Tunisie est en fait à l'image de l'économie nationale, c'est-à-dire un environnement qui, en faisant coexister l'informel le plus laxiste et le contrôle étatique le plus coercitif, pousse à des marchés superposés, ni tout à fait planifiés ni tout à fait libéralisés dans lesquels personne ne gagne vraiment. C'est ce carcan qu'il faut desserrer.
Tous les TRE doivent savoir que le FCR n'est pas un avantage qui leur est accordé mais un encouragement à ne pas réformer un secteur dont l'état témoigne du dépassement économique de la Tunisie.
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