Nous risquons tous d'y être confrontés un jour.
Les conséquences sur un plan psychique peuvent s'avérer insoutenables: stress, burn-out, angoisse, dépression, troubles psychosomatiques, etc.
Les conséquences professionnelles également: démission, baisse des performances cognitives, épuisement, etc. S'il n'existe pas à proprement parler de psychopathologie du harceleur et qu'un grand nombre de structures psychiques sont susceptibles d'emprunter cette forme dans certaines circonstances, la littérature et l'expérience cliniques nous enseignent la régularité de modalités comportementales spécifiques à la personnalité harcelante. J'en propose 11, hélas non exhaustifs.
1) La personne ne respecte pas sa fonction, son rôle, son statut. La collègue qui vous convoque pour vous faire part de ses griefs à votre encontre, le cadre qui vous impose une pratique incompréhensible quand votre domaine d'exercice ne relève aucunement de sa compétence...La personnalité harcelante se voit rarement assurée dans son identité professionnelle, peut-être parce qu'elle a été propulsée à un poste pour lequel elle n'avait pas les compétences, peut-être parce qu'elle ne parvient pas à réaliser ses propres tâches et objectifs, peut-être encore parce qu'elle n'arrive pas à obtenir la reconnaissance qu'elle souhaiterait ou qu'elle craint d'être démasquée, peut-être enfin parce qu'elle a elle-même été persécutée antérieurement par une autre personnalité harcelante. Si les "motifs" manifestes semblent nombreux, sur un plan latent la faille narcissique, non reconnue consciemment par le sujet harceleur, s'avère le premier vecteur de ses passages à l'acte...dont un autre finit toujours par faire les frais. Comprenez bien que harceleur a besoin du harcelé, en l'attaquant psychiquement, il se réassure narcissiquement (recours à l'identification projective "je place en toi ce que je n'aime pas en moi, en te détruisant je m'en débarrasse").
2) La personne mêle en permanence le registre professionnel et le registre personnel. Elle peut vous parler de votre coupe de cheveux ou de son week-end, de ses goûts ou de ses dégoûts, vous interroger sur votre vie familiale...Et, en règle générale, vous ne savez pas quoi lui répondre! Dans les premiers temps, c'est pourtant cette attitude qui pouvait la faire paraître sympathique et humaine. Mais par la suite, cette posture fonde votre calvaire car lorsqu'elle vous attaque, la personnalité harcelante peut vous reprocher des faits qui n'ont plus aucun rapport avec votre travail mais fondés plutôt sur une appréciation de votre personne, de votre façon de vous habiller, de parler...de penser. Cet abord de l'autre est révélateur de la confusion de son identité professionnelle et de son impossibilité à préserver la vôtre, à accepter vos limites, ainsi que de sa difficulté à respecter le cadre de travail, c'est-à-dire la Loi concrète mais aussi symbolique qui vient structurer et médiatiser les relations intersubjectives sur le lieu de travail.
3) Ses humeurs influent sur sa conduite. En vous rendant sur votre lieu de travail, une boule au ventre et des questions: "Dans quel état la retrouverai-je aujourd'hui? Sera-t-elle de bonne humeur pour que je puisse passer une journée supportable? Me saluera-t-elle?" Ses questions, vous ne devriez jamais vous les poser avec une personnalité non harcelante. Ses affects priment sur son travail et elle ne parvient jamais à laisser au vestiaire ses sentiments personnels. Pire: ses angoisses se répercutent sur votre pratique et sur vos rapports, elle vous les fait "porter". Le risque étant de finir par épouser cette dynamique pathologique, d'apprécier voire d'être reconnaissant pour les jours de répits où le harceleur va bien, qu'il vous laisse à peu près en paix. En réalité, c'est l'ambivalence à l'égard de l'objet que vous représentez pour lui, et qu'il lui faut tour-à-tour détruire et réparer, qui dictent ses attitudes. Votre bien-être psychologique ne devrait jamais dépendre de l'état émotionnel d'un collaborateur.
4) La personne ne se remet jamais en cause. Jamais elle ne vous présentera d'excuses. Jamais elle ne reviendra sur son comportement. A moins que vous ne puissiez trouver un appui sur un cadre qui lui est supérieur, auquel cas elle s'exécutera en apparence mais vous le fera payer dans l'après-coup. Ce mécanisme est d'autant plus redoutable si le harceleur est votre supérieur. Il est en effet plus aisé pour vous d'interroger vos pratiques et d'identifier vos erreurs que de questionner la personne qui représente l'autorité, l'institution, l'entreprise...L'absence de remise en cause du harceleur développe son emprise sur vous et concoure à faire vous une victime à part entière, peut-être même à vous faire accepter les propos et les conduites les plus intolérables et injustes.
5) La personne vous attribue la responsabilité de ses erreurs. A lier au critère précédent. Exemple archétypal: "- Pourquoi vous ne m'avez pas corrigé le dossier Dupont, - Vous ne me l'avez pas envoyé, - Eh bien vous auriez dû m'y faire penser, où aviez vous la tête encore?". Ce procès, quasiment systématique dans les situations de harcèlement moral et en apparence banal participe à la perversification de la relation professionnelle et surtout de la parole de l'autre. N'oubliez pas, pour le harceleur, vous êtes le mauvais objet, tout est votre faute, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez. Les harcelés peuvent avoir l'impression d'être l'unique cible du harceleur, il arrive que ce soit effectivement le cas.
6) La personne vous demande de réaliser une action sans vous en donner les moyens. Vous devez rédiger un rapport de 100 pages pour le lendemain, être à l'heure dans le service mais en passant d'abord par celui de la comptabilité, réaliser des travaux sans le moindre matériel adapté, vous dédoubler...De fait, le harceleur moral entretient en permanence une aliénation professionnelle, sans tenir compte du principe de réalité. Il lui importe que vous respectiez toutes ses demandes, même les plus absurdes, irréalisables voire contradictoires (le fameux "double bind"). Inconsciemment, il se peut qu'il souhaite que vous n'y parveniez pas afin de tirer une forme de jouissance latente lorsque plus tard il vous le reprochera (complexe de barbe bleue). Il peut également vous reprocher des choses qu'il encouragera chez un autre de ses collaborateurs.
7) La personne entretient un climat de menace. Mais les réalise rarement puisqu'elle a tout de même besoin du harcelé pour régler ses conflits internes. Il est parfois question d'un chantage aux formes subtiles et si vous avez le sentiment d'en être victime, la première chose à faire est de noter chaque propos qui vous semblerait en relever. Le climat persécutif peut tout autant se manifester dans une pression constante qui vise en parallèle à exploiter le sentiment de culpabilité du sujet névrotico-normal: "si tu ne rends pas ce dossier à temps, tu vas mettre toute l'entreprise en péril".
8) Il y a des antécédents. La personnalité harcelante s'édifie sur la durée et si un jour vous consultez la médecine du travail, il y a fort à parier que l'on vous apprenne que cette personne est "connue comme le loup blanc". C'est heureusement un critère positif, la personne harcelée, dans la relation d'emprise peut finir par s'imaginer être vraiment le mauvais objet persécuteur que voudrait le harceleur. Par "chance ", elle réalisera bien vite qu'elle n'en était qu'une victime parmi tant d'autres...et certainement pas la première.
9) La personne vous atteint psychiquement et ne respecte pas votre altérité. Vous sortez en larme, les jambes tremblant d'un entretien avec elle, vous y pensez le week-end et cela détériore vos relations avec vos proches, vous êtes comme "hanté" par cette personne. AUCUN COLLEGUE NE DEVRAIT JAMAIS INDUIRE DE TELLES REACTIONS. On ne le répétera jamais assez, chacun doit respecter l'intégrité somato-psychique de l'autre, rien ne justifie de mener quelqu'un dans ses derniers retranchements et cadre doit d'abord rimer avec étayage. Quand bien même une erreur aurait été commise, le respect et la compréhension doivent toujours l'emporter. Votre singularité, votre différence, est précieuse, vous avez le droit d'avoir des opinions opposées aux siennes et vous ne devriez jamais vous sentir l'obligation de les taire pour ne pas la contrarier. Rappelons que le harceleur moral peut conduire, à force de férocité psychique contre les fondations de la personnalité de l'autre, à des passages à l'acte suicidaire, à détruire complétement "son " objet.
10) Vos efforts aggravent le problème. Votre assurance (le narcissisme de vie) est vécue comme une menace par la personnalité harcelante, fragilisée narcissiquement (narcissisme de mort). Voilà pourquoi elle tente de vous briser. De plus, puisqu'elle doute de façon plus ou moins inconsciente de son utilité, votre énergie, votre dynamisme peut être perçue comme une menace puisqu'elle vient rompre l'isomorphisme sécuritaire qui sigle son mécanisme maltraitant. Il y a chez le harceleur une forme de paranoïa qui nourrit sa relation en clivage avec vous. Si vous agissez comme vous agissez, à ses yeux c'est peut-être pour lui piquer son poste, pour l'humilier, pour l'isoler du reste de l'équipe...Parfois, des difficultés personnelles peuvent l'avoir conduit à surinvestir le milieu professionnel, tenter d'améliorer l'entreprise ou ses procédures peut être interprété comme une tentative pour essayer de la changer elle, d'altérer l'espace qu'elle a finit, dans un mouvement défensif mais pathologique, par investir comme un refuge.
11) La personne ne respecte pas la Loi. Ce critère peut sembler évident mais hélas il n'en est rien. Alors qu'il devrait être la cause principale alerte. Le harceleur veut vous faire travailler en dehors de vos heures, peut-être même les décaler à cause d'un jour férié, il avait mis du temps à vous fournir un contrat de travail, il ne respecte pas les conventions collectives, tout cela vous revient maintenant que tout s'écroule. La violation du cadre est le premier indice, le premier signe d'une dysfonction. On a tendance à les accepter car le jeu de l'entreprise ou de l'institution peut conduire, à tort, à accepter des compromis. Mais la loi est la loi et n'en admet aucun. C'est le doigt dans l'engrenage, le début du supplice. Lorsqu'une personne porte plainte contre un harceleur, la plupart du temps elle ne réalise pas le nombre d'agressions dont elle était précédemment la victime et il faut qu'un tiers lui apprenne que les épreuves qu'elle traversait n'avaient rien de légales, qu'elles étaient même hautement condamnables. Le harceleur ne respecte pas la loi car il pense ETRE la loi dans une dynamique purement perverse, ce qui explique son sentiment d'impunité et les propositions parfaitement aberrantes qu'il formule parfois. Il peut également avoir trouvé des complices dans l'institution, observateurs consentants qui voient mais ne font rien, par peur ou par lassitude, peut-être trop heureux de ne pas être les victimes. Le harceleur peut même nourrir la dynamique pathogène de l'institution ou de l'entreprise elles-mêmes.
Tous ces critères n'alertent pas sur une situation de harcèlement et tous les harceleurs n'obéissent pas qu'à ses critères.
Cependant, leur conjonction devrait vous mettre en garde.
L'hypernarcissisme de masse de la société hypermoderne, obsédée par la performance, la brillance, la jouissance peut favoriser les comportements déviants et trop souvent les victimes des harceleurs n'osent pas rompre une dynamique mortifère qu'on finit par juger "normale" parce qu'après tout "c'est pareil ailleurs". Mais aussi par peur de perdre leur travail ou d'autres représailles plus graves encore (le terrible "je ferai un mailing et tu ne retrouveras plus jamais du travail dans ce secteur"). Hélas, la relation harcelante est entropique est tôt ou tard, souvent trop tard, la victime s'effondre et appelle à l'aide. Le processus de reconstruction psychique sera d'autant plus difficile et long que la relation d'emprise aura été interrompue tardivement. La loi est pourtant intraitable et le harceleur encourt "deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende (article 222-33-2 du code pénal). Si les faits ont été commis par un salarié, celui-ci est, en outre passible d'une sanction disciplinaire (qui peut aller jusqu'au licenciement pour faute grave)."
Seul l'appel à la loi semble une solution pour stopper l'élan délétère et pervers du harceleur qui fait vivre à sa victime un véritable enfer. La démission n'est pas une solution puisqu'après vous, une autre cible sera trouvée, l'histoire se répétera, encore et encore. Des associations existent pour vous soutenir. Ne soyez plus jamais victime: brisez la loi du silence.
Les conséquences sur un plan psychique peuvent s'avérer insoutenables: stress, burn-out, angoisse, dépression, troubles psychosomatiques, etc.
Les conséquences professionnelles également: démission, baisse des performances cognitives, épuisement, etc. S'il n'existe pas à proprement parler de psychopathologie du harceleur et qu'un grand nombre de structures psychiques sont susceptibles d'emprunter cette forme dans certaines circonstances, la littérature et l'expérience cliniques nous enseignent la régularité de modalités comportementales spécifiques à la personnalité harcelante. J'en propose 11, hélas non exhaustifs.
1) La personne ne respecte pas sa fonction, son rôle, son statut. La collègue qui vous convoque pour vous faire part de ses griefs à votre encontre, le cadre qui vous impose une pratique incompréhensible quand votre domaine d'exercice ne relève aucunement de sa compétence...La personnalité harcelante se voit rarement assurée dans son identité professionnelle, peut-être parce qu'elle a été propulsée à un poste pour lequel elle n'avait pas les compétences, peut-être parce qu'elle ne parvient pas à réaliser ses propres tâches et objectifs, peut-être encore parce qu'elle n'arrive pas à obtenir la reconnaissance qu'elle souhaiterait ou qu'elle craint d'être démasquée, peut-être enfin parce qu'elle a elle-même été persécutée antérieurement par une autre personnalité harcelante. Si les "motifs" manifestes semblent nombreux, sur un plan latent la faille narcissique, non reconnue consciemment par le sujet harceleur, s'avère le premier vecteur de ses passages à l'acte...dont un autre finit toujours par faire les frais. Comprenez bien que harceleur a besoin du harcelé, en l'attaquant psychiquement, il se réassure narcissiquement (recours à l'identification projective "je place en toi ce que je n'aime pas en moi, en te détruisant je m'en débarrasse").
2) La personne mêle en permanence le registre professionnel et le registre personnel. Elle peut vous parler de votre coupe de cheveux ou de son week-end, de ses goûts ou de ses dégoûts, vous interroger sur votre vie familiale...Et, en règle générale, vous ne savez pas quoi lui répondre! Dans les premiers temps, c'est pourtant cette attitude qui pouvait la faire paraître sympathique et humaine. Mais par la suite, cette posture fonde votre calvaire car lorsqu'elle vous attaque, la personnalité harcelante peut vous reprocher des faits qui n'ont plus aucun rapport avec votre travail mais fondés plutôt sur une appréciation de votre personne, de votre façon de vous habiller, de parler...de penser. Cet abord de l'autre est révélateur de la confusion de son identité professionnelle et de son impossibilité à préserver la vôtre, à accepter vos limites, ainsi que de sa difficulté à respecter le cadre de travail, c'est-à-dire la Loi concrète mais aussi symbolique qui vient structurer et médiatiser les relations intersubjectives sur le lieu de travail.
3) Ses humeurs influent sur sa conduite. En vous rendant sur votre lieu de travail, une boule au ventre et des questions: "Dans quel état la retrouverai-je aujourd'hui? Sera-t-elle de bonne humeur pour que je puisse passer une journée supportable? Me saluera-t-elle?" Ses questions, vous ne devriez jamais vous les poser avec une personnalité non harcelante. Ses affects priment sur son travail et elle ne parvient jamais à laisser au vestiaire ses sentiments personnels. Pire: ses angoisses se répercutent sur votre pratique et sur vos rapports, elle vous les fait "porter". Le risque étant de finir par épouser cette dynamique pathologique, d'apprécier voire d'être reconnaissant pour les jours de répits où le harceleur va bien, qu'il vous laisse à peu près en paix. En réalité, c'est l'ambivalence à l'égard de l'objet que vous représentez pour lui, et qu'il lui faut tour-à-tour détruire et réparer, qui dictent ses attitudes. Votre bien-être psychologique ne devrait jamais dépendre de l'état émotionnel d'un collaborateur.
4) La personne ne se remet jamais en cause. Jamais elle ne vous présentera d'excuses. Jamais elle ne reviendra sur son comportement. A moins que vous ne puissiez trouver un appui sur un cadre qui lui est supérieur, auquel cas elle s'exécutera en apparence mais vous le fera payer dans l'après-coup. Ce mécanisme est d'autant plus redoutable si le harceleur est votre supérieur. Il est en effet plus aisé pour vous d'interroger vos pratiques et d'identifier vos erreurs que de questionner la personne qui représente l'autorité, l'institution, l'entreprise...L'absence de remise en cause du harceleur développe son emprise sur vous et concoure à faire vous une victime à part entière, peut-être même à vous faire accepter les propos et les conduites les plus intolérables et injustes.
5) La personne vous attribue la responsabilité de ses erreurs. A lier au critère précédent. Exemple archétypal: "- Pourquoi vous ne m'avez pas corrigé le dossier Dupont, - Vous ne me l'avez pas envoyé, - Eh bien vous auriez dû m'y faire penser, où aviez vous la tête encore?". Ce procès, quasiment systématique dans les situations de harcèlement moral et en apparence banal participe à la perversification de la relation professionnelle et surtout de la parole de l'autre. N'oubliez pas, pour le harceleur, vous êtes le mauvais objet, tout est votre faute, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez. Les harcelés peuvent avoir l'impression d'être l'unique cible du harceleur, il arrive que ce soit effectivement le cas.
6) La personne vous demande de réaliser une action sans vous en donner les moyens. Vous devez rédiger un rapport de 100 pages pour le lendemain, être à l'heure dans le service mais en passant d'abord par celui de la comptabilité, réaliser des travaux sans le moindre matériel adapté, vous dédoubler...De fait, le harceleur moral entretient en permanence une aliénation professionnelle, sans tenir compte du principe de réalité. Il lui importe que vous respectiez toutes ses demandes, même les plus absurdes, irréalisables voire contradictoires (le fameux "double bind"). Inconsciemment, il se peut qu'il souhaite que vous n'y parveniez pas afin de tirer une forme de jouissance latente lorsque plus tard il vous le reprochera (complexe de barbe bleue). Il peut également vous reprocher des choses qu'il encouragera chez un autre de ses collaborateurs.
7) La personne entretient un climat de menace. Mais les réalise rarement puisqu'elle a tout de même besoin du harcelé pour régler ses conflits internes. Il est parfois question d'un chantage aux formes subtiles et si vous avez le sentiment d'en être victime, la première chose à faire est de noter chaque propos qui vous semblerait en relever. Le climat persécutif peut tout autant se manifester dans une pression constante qui vise en parallèle à exploiter le sentiment de culpabilité du sujet névrotico-normal: "si tu ne rends pas ce dossier à temps, tu vas mettre toute l'entreprise en péril".
8) Il y a des antécédents. La personnalité harcelante s'édifie sur la durée et si un jour vous consultez la médecine du travail, il y a fort à parier que l'on vous apprenne que cette personne est "connue comme le loup blanc". C'est heureusement un critère positif, la personne harcelée, dans la relation d'emprise peut finir par s'imaginer être vraiment le mauvais objet persécuteur que voudrait le harceleur. Par "chance ", elle réalisera bien vite qu'elle n'en était qu'une victime parmi tant d'autres...et certainement pas la première.
9) La personne vous atteint psychiquement et ne respecte pas votre altérité. Vous sortez en larme, les jambes tremblant d'un entretien avec elle, vous y pensez le week-end et cela détériore vos relations avec vos proches, vous êtes comme "hanté" par cette personne. AUCUN COLLEGUE NE DEVRAIT JAMAIS INDUIRE DE TELLES REACTIONS. On ne le répétera jamais assez, chacun doit respecter l'intégrité somato-psychique de l'autre, rien ne justifie de mener quelqu'un dans ses derniers retranchements et cadre doit d'abord rimer avec étayage. Quand bien même une erreur aurait été commise, le respect et la compréhension doivent toujours l'emporter. Votre singularité, votre différence, est précieuse, vous avez le droit d'avoir des opinions opposées aux siennes et vous ne devriez jamais vous sentir l'obligation de les taire pour ne pas la contrarier. Rappelons que le harceleur moral peut conduire, à force de férocité psychique contre les fondations de la personnalité de l'autre, à des passages à l'acte suicidaire, à détruire complétement "son " objet.
10) Vos efforts aggravent le problème. Votre assurance (le narcissisme de vie) est vécue comme une menace par la personnalité harcelante, fragilisée narcissiquement (narcissisme de mort). Voilà pourquoi elle tente de vous briser. De plus, puisqu'elle doute de façon plus ou moins inconsciente de son utilité, votre énergie, votre dynamisme peut être perçue comme une menace puisqu'elle vient rompre l'isomorphisme sécuritaire qui sigle son mécanisme maltraitant. Il y a chez le harceleur une forme de paranoïa qui nourrit sa relation en clivage avec vous. Si vous agissez comme vous agissez, à ses yeux c'est peut-être pour lui piquer son poste, pour l'humilier, pour l'isoler du reste de l'équipe...Parfois, des difficultés personnelles peuvent l'avoir conduit à surinvestir le milieu professionnel, tenter d'améliorer l'entreprise ou ses procédures peut être interprété comme une tentative pour essayer de la changer elle, d'altérer l'espace qu'elle a finit, dans un mouvement défensif mais pathologique, par investir comme un refuge.
11) La personne ne respecte pas la Loi. Ce critère peut sembler évident mais hélas il n'en est rien. Alors qu'il devrait être la cause principale alerte. Le harceleur veut vous faire travailler en dehors de vos heures, peut-être même les décaler à cause d'un jour férié, il avait mis du temps à vous fournir un contrat de travail, il ne respecte pas les conventions collectives, tout cela vous revient maintenant que tout s'écroule. La violation du cadre est le premier indice, le premier signe d'une dysfonction. On a tendance à les accepter car le jeu de l'entreprise ou de l'institution peut conduire, à tort, à accepter des compromis. Mais la loi est la loi et n'en admet aucun. C'est le doigt dans l'engrenage, le début du supplice. Lorsqu'une personne porte plainte contre un harceleur, la plupart du temps elle ne réalise pas le nombre d'agressions dont elle était précédemment la victime et il faut qu'un tiers lui apprenne que les épreuves qu'elle traversait n'avaient rien de légales, qu'elles étaient même hautement condamnables. Le harceleur ne respecte pas la loi car il pense ETRE la loi dans une dynamique purement perverse, ce qui explique son sentiment d'impunité et les propositions parfaitement aberrantes qu'il formule parfois. Il peut également avoir trouvé des complices dans l'institution, observateurs consentants qui voient mais ne font rien, par peur ou par lassitude, peut-être trop heureux de ne pas être les victimes. Le harceleur peut même nourrir la dynamique pathogène de l'institution ou de l'entreprise elles-mêmes.
Tous ces critères n'alertent pas sur une situation de harcèlement et tous les harceleurs n'obéissent pas qu'à ses critères.
Cependant, leur conjonction devrait vous mettre en garde.
L'hypernarcissisme de masse de la société hypermoderne, obsédée par la performance, la brillance, la jouissance peut favoriser les comportements déviants et trop souvent les victimes des harceleurs n'osent pas rompre une dynamique mortifère qu'on finit par juger "normale" parce qu'après tout "c'est pareil ailleurs". Mais aussi par peur de perdre leur travail ou d'autres représailles plus graves encore (le terrible "je ferai un mailing et tu ne retrouveras plus jamais du travail dans ce secteur"). Hélas, la relation harcelante est entropique est tôt ou tard, souvent trop tard, la victime s'effondre et appelle à l'aide. Le processus de reconstruction psychique sera d'autant plus difficile et long que la relation d'emprise aura été interrompue tardivement. La loi est pourtant intraitable et le harceleur encourt "deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende (article 222-33-2 du code pénal). Si les faits ont été commis par un salarié, celui-ci est, en outre passible d'une sanction disciplinaire (qui peut aller jusqu'au licenciement pour faute grave)."
Seul l'appel à la loi semble une solution pour stopper l'élan délétère et pervers du harceleur qui fait vivre à sa victime un véritable enfer. La démission n'est pas une solution puisqu'après vous, une autre cible sera trouvée, l'histoire se répétera, encore et encore. Des associations existent pour vous soutenir. Ne soyez plus jamais victime: brisez la loi du silence.
Bibliographie utile
Bergeret, J. & Coll. (1986). Narcissisme et états-limites, Paris, Dunod.
Green, A (1982). Narcissisme de vie, Narcissisme de mort, Paris, Minuit.
Hirigoyen, M.F. (2014). Le Harcèlement moral au travail, Paris, PUF.
Sibony, D. (1987). Perversions, dialogue sur les folies "actuelles", Paris, Le Seuil, 2000.
Truchot, D. (2004). Épuisement professionnel et burnout, Paris, 2013, Dunod.
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