Dans notre précédente tribune, nous avons fait allusion au périple accompli au Ve siècle avant J.C. par Hannon, sur ordre du sénat et du peuple carthaginois. De nombreux auteurs anciens l'ont mentionné.
Mais le récit le plus circonstancié, c'est un manuscrit conservé dans les Archives de la Bibliothèque de Heidelberg sous le code Palatinus 398. Voici la traduction du texte grec faite par l'éminent Stéphane Gsell, auteur d'une Histoire ancienne de l'Afrique du Nord en huit volumes parus entre 1918 et 1930:
1 : Relation de Hannon, roi des Carthaginois sur les contrées libyques au-delà des colonnes d'Héraclès et qu'il a dédié dans le temple de Chronos et dont voici le texte.
2 : Il a paru bon aux Carthaginois qu'Hannon naviguât en dehors des colonnes d'Héraclès et fondât des villes de Libyphéniciens. Il navigua donc, emmenant 60 vaisseaux à 50 rames, une multitude d'hommes et de femmes au nombre d'environ 30.000, des vivres et d'autres objets nécessaires.
3 : Après avoir passé le long des colonnes et avoir navigué au-delà pendant deux jours, nous fondâmes une première ville que nous appelâmes Thymiatérion, au-dessus d'elle était une grande plaine.
4 : Ensuite nous dirigeant vers l'occident, nous parvînmes au lieu-dit Soleis promontoire libyque couvert d'arbres. Ayant établi là un sanctuaire de Poséidon, nous naviguâmes dans la direction du soleil levant pendant une demi-journée, après laquelle nous arrivâmes à une lagune située non loin de mer, couvert de roseaux abondants et élevés, des éléphants et d'autres animaux, très nombreux y paissaient.
5 : Après avoir dépassé cette lagune et navigué pendant une journée, nous fondâmes sur la mer des colonies appelées le Mur Carien, Gutté, Acra, Melitta et Arambys.
6 : Etant parti de là nous arrivâmes au grand Lixos qui vient de la Libye. Sur ses rives, des nomades, les Lixites, faisaient paître des troupeaux. Nous restâmes quelque temps avec ces gens dont nous devînmes les amis.
7 : Au-dessus d'eux vivaient des Ethiopiens inhospitaliers, habitants une contrée pleine de bêtes féroces, traversée par des grandes montagnes, d'où sort dit-on le Lixos. On dit aussi qu'autour de ces montagnes vivent des hommes d'un aspect particulier, les Troglodytes ; les Lixites prétendent qu'ils sont plus rapides à la course que des chevaux.
8 : Ayant pris des interprètes chez les Lixites, nous longeâmes le désert, dans la direction du midi pendant un jour. Alors nous trouvâmes dans l'enfoncement d'un golfe, une petite île, ayant une circonférence de 5 stades, nous l'appelâmes Cerné et nous y laissâmes des colons. D'après notre voyage, nous jugeâmes qu'elle était située à l'opposite de Carthage, car il fallait naviguer autant pour aller de Carthage aux colonnes que pour aller des colonnes à Cerné.
9 : De là, passant par un grand fleuve, le Chrétès, nous arrivâmes à un lac qui renfermait trois îles plus grandes que Cerné. Partant de ces îles, nous fîmes un jour de navigation et arrivâmes au fond du lac, qui dominaient de très grandes montagnes pleines d'hommes sauvages, vêtus de peaux de bêtes qui nous lançant des pierres, nous empêchèrent de débarquer.
10 : De là nous entrâmes dans un autre fleuve grand et large, rempli de crocodiles et d'hippopotames. Puis nous rebroussâmes chemin et nous retournâmes à Cerné.
11 : Nous naviguâmes de là vers le midi pendant douze jours en longeant la côte tout entière occupée par des Ethiopiens qui fuyaient à notre approche. Ils parlaient une langue incompréhensible, même pour les Lixites qui étaient avec nous.
12 : Le dernier jour, nous abordâmes à des montagnes élevées couvertes d'arbres dont les bois étaient odoriférants et de diverses couleurs.
13 : Ayant contourné ces montagnes pendant deux jours, nous arrivâmes dans un golfe immense, de l'autre côté duquel il y avait une plaine, là nous vîmes la nuit des feux s'élevant de tous côtes par intervalles avec plus ou moins d'intensité.
14 : Après avoir fait provision d'eau, nous continuâmes notre navigation le long de la terre pendant cinq jours au bout desquels nous arrivâmes à un grand golfe que les interprètes nous dirent s'appeler la Corne de l'Occident. Dans ce golfe se trouvait une grande île. Y étant descendus, nous ne vîmes, le jour, qu'une forêt ; mais la nuit, beaucoup de feux nous apparurent et nous entendîmes des sons de flûtes, un vacarme de cymbales et de tambourins et un très grand bruit. La peur nous prit et les devins nous ordonnèrent de quitter l'île.
15 : Nous partîmes donc en hâte de ce lieu, et nous longeâmes une contrée embrasée pleine de parfums; des ruisseaux de flammes; en sortaient et venaient se jeter dans la mer ; la terre était inaccessible à cause de la chaleur.
16 : Saisis de crainte, nous nous éloignâmes rapidement. Pendant quatre journées de navigation, nous vîmes, la nuit, la terre couverte de flamme ; au milieu était un feu élevé plus grand que les autres et qui paraissait toucher les astres. Mais de jour, on reconnaissait que c'était une très grande montagne appelée le char des dieux.
17 : A partir de là, nous longeâmes pendant trois jours des flammes et nous arrivâmes au golfe nommé du sud.
18 : Dans l'enfoncement était une île, semblable à la première, contenant un lac, à l'intérieur duquel il y avait une autre Ile pleine d'hommes sauvages. Les femmes étaient de beaucoup les plus nombreuses. Elles avaient le corps velu et les interprètes les appelaient Gorilles. Nous poursuivîmes des mâles, sans pouvoir en prendre aucun ; car ils étaient bons grimpeurs et se défendaient. Mais nous nous emparâmes de trois femmes. Mordant et égratignant ceux qui les entraînaient, elles ne voulaient pas les suivre. Nous les tuâmes et nous enlevâmes leur peau que nous apportâmes à Carthage. Car nous ne naviguâmes plus avant faute de vivre.
Tel est donc récit de la navigation accomplie par l'amiral carthaginois Hannon ou plutôt la version grecque qui nous est parvenue. Elle soulève de nombreux problèmes que nous essaierons de mettre en évidence dans une prochaine rubrique.
Mais le récit le plus circonstancié, c'est un manuscrit conservé dans les Archives de la Bibliothèque de Heidelberg sous le code Palatinus 398. Voici la traduction du texte grec faite par l'éminent Stéphane Gsell, auteur d'une Histoire ancienne de l'Afrique du Nord en huit volumes parus entre 1918 et 1930:
1 : Relation de Hannon, roi des Carthaginois sur les contrées libyques au-delà des colonnes d'Héraclès et qu'il a dédié dans le temple de Chronos et dont voici le texte.
2 : Il a paru bon aux Carthaginois qu'Hannon naviguât en dehors des colonnes d'Héraclès et fondât des villes de Libyphéniciens. Il navigua donc, emmenant 60 vaisseaux à 50 rames, une multitude d'hommes et de femmes au nombre d'environ 30.000, des vivres et d'autres objets nécessaires.
3 : Après avoir passé le long des colonnes et avoir navigué au-delà pendant deux jours, nous fondâmes une première ville que nous appelâmes Thymiatérion, au-dessus d'elle était une grande plaine.
4 : Ensuite nous dirigeant vers l'occident, nous parvînmes au lieu-dit Soleis promontoire libyque couvert d'arbres. Ayant établi là un sanctuaire de Poséidon, nous naviguâmes dans la direction du soleil levant pendant une demi-journée, après laquelle nous arrivâmes à une lagune située non loin de mer, couvert de roseaux abondants et élevés, des éléphants et d'autres animaux, très nombreux y paissaient.
5 : Après avoir dépassé cette lagune et navigué pendant une journée, nous fondâmes sur la mer des colonies appelées le Mur Carien, Gutté, Acra, Melitta et Arambys.
6 : Etant parti de là nous arrivâmes au grand Lixos qui vient de la Libye. Sur ses rives, des nomades, les Lixites, faisaient paître des troupeaux. Nous restâmes quelque temps avec ces gens dont nous devînmes les amis.
7 : Au-dessus d'eux vivaient des Ethiopiens inhospitaliers, habitants une contrée pleine de bêtes féroces, traversée par des grandes montagnes, d'où sort dit-on le Lixos. On dit aussi qu'autour de ces montagnes vivent des hommes d'un aspect particulier, les Troglodytes ; les Lixites prétendent qu'ils sont plus rapides à la course que des chevaux.
8 : Ayant pris des interprètes chez les Lixites, nous longeâmes le désert, dans la direction du midi pendant un jour. Alors nous trouvâmes dans l'enfoncement d'un golfe, une petite île, ayant une circonférence de 5 stades, nous l'appelâmes Cerné et nous y laissâmes des colons. D'après notre voyage, nous jugeâmes qu'elle était située à l'opposite de Carthage, car il fallait naviguer autant pour aller de Carthage aux colonnes que pour aller des colonnes à Cerné.
9 : De là, passant par un grand fleuve, le Chrétès, nous arrivâmes à un lac qui renfermait trois îles plus grandes que Cerné. Partant de ces îles, nous fîmes un jour de navigation et arrivâmes au fond du lac, qui dominaient de très grandes montagnes pleines d'hommes sauvages, vêtus de peaux de bêtes qui nous lançant des pierres, nous empêchèrent de débarquer.
10 : De là nous entrâmes dans un autre fleuve grand et large, rempli de crocodiles et d'hippopotames. Puis nous rebroussâmes chemin et nous retournâmes à Cerné.
11 : Nous naviguâmes de là vers le midi pendant douze jours en longeant la côte tout entière occupée par des Ethiopiens qui fuyaient à notre approche. Ils parlaient une langue incompréhensible, même pour les Lixites qui étaient avec nous.
12 : Le dernier jour, nous abordâmes à des montagnes élevées couvertes d'arbres dont les bois étaient odoriférants et de diverses couleurs.
13 : Ayant contourné ces montagnes pendant deux jours, nous arrivâmes dans un golfe immense, de l'autre côté duquel il y avait une plaine, là nous vîmes la nuit des feux s'élevant de tous côtes par intervalles avec plus ou moins d'intensité.
14 : Après avoir fait provision d'eau, nous continuâmes notre navigation le long de la terre pendant cinq jours au bout desquels nous arrivâmes à un grand golfe que les interprètes nous dirent s'appeler la Corne de l'Occident. Dans ce golfe se trouvait une grande île. Y étant descendus, nous ne vîmes, le jour, qu'une forêt ; mais la nuit, beaucoup de feux nous apparurent et nous entendîmes des sons de flûtes, un vacarme de cymbales et de tambourins et un très grand bruit. La peur nous prit et les devins nous ordonnèrent de quitter l'île.
15 : Nous partîmes donc en hâte de ce lieu, et nous longeâmes une contrée embrasée pleine de parfums; des ruisseaux de flammes; en sortaient et venaient se jeter dans la mer ; la terre était inaccessible à cause de la chaleur.
16 : Saisis de crainte, nous nous éloignâmes rapidement. Pendant quatre journées de navigation, nous vîmes, la nuit, la terre couverte de flamme ; au milieu était un feu élevé plus grand que les autres et qui paraissait toucher les astres. Mais de jour, on reconnaissait que c'était une très grande montagne appelée le char des dieux.
17 : A partir de là, nous longeâmes pendant trois jours des flammes et nous arrivâmes au golfe nommé du sud.
18 : Dans l'enfoncement était une île, semblable à la première, contenant un lac, à l'intérieur duquel il y avait une autre Ile pleine d'hommes sauvages. Les femmes étaient de beaucoup les plus nombreuses. Elles avaient le corps velu et les interprètes les appelaient Gorilles. Nous poursuivîmes des mâles, sans pouvoir en prendre aucun ; car ils étaient bons grimpeurs et se défendaient. Mais nous nous emparâmes de trois femmes. Mordant et égratignant ceux qui les entraînaient, elles ne voulaient pas les suivre. Nous les tuâmes et nous enlevâmes leur peau que nous apportâmes à Carthage. Car nous ne naviguâmes plus avant faute de vivre.
Tel est donc récit de la navigation accomplie par l'amiral carthaginois Hannon ou plutôt la version grecque qui nous est parvenue. Elle soulève de nombreux problèmes que nous essaierons de mettre en évidence dans une prochaine rubrique.
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