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Et si on demandait un plan Marshall aux Etats-Unis et l'Europe?

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En désespoir de la situation économique funeste, de l'agonie et du déficit financier actuel creusant de la Tunisie, certaines figures économiques vénérées et experts financiers augustes n'ont pas hésité à faire allusion au et à implorer les louanges du plan Marshall, employé le lendemain de la seconde guerre mondiale par les Etats-Unis pour refinancer l'Europe et contribuer à sa reconstruction.

Cette pensée semble gagner du terrain et plaire aux politiciens les plus nobles et les plus libéraux de la nation. Dans une allocution récente, le chef du mouvement islamiste Ennahdha Rached Ghannouchi a appelé les pays étrangers à l'aide financière pour la Tunisie, en rappelant les vertus et les attributions du plan Marshall.

Le 5 juin 1947, le général Marshall renverse la politique américaine qui consistait en l'exclusion, la marginalisation et la réduction des capacités productives de l'Allemagne, grand perdant de la seconde guerre mondiale, et annonce paradoxalement et contre toute attente un plan de dépenses massives au profit de l'Europe complètement ruinée, anéantie et dont la misère et la précarité rampante fut le terreau propice à la montée du communisme, et servait donc les intérêts de l'URSS.

Le mécanisme retenu consistait à octroyer un crédit astronomique aux Etats européens, qui allait servir à payer des importations en provenance de l'Amérique. L'Europe vend les produits américains, en monnaie locale, sur son marché national, et encaisse ses droits de ventes et de douanes afférents.
La somme retenue par l'Etat servait à reconstruire au moyen d'investissements dans les infrastructures détruites pendant les hostilités, en accordant des crédits aux entreprises nationales d'un montant deux fois supérieur à la ligne de crédit extérieur, et d'honorer ses dettes vis-à-vis de ses créanciers américains sans recourir à tourner la planche à billet pour éviter une éventuelle inflation destructrice.

Les Etats-Unis s'assurent ainsi de trouver des débouchés pour les produits américains à l'étranger, financés par des prêts remboursables en dollars. La condition futée de l'époque était que la dette contractée par le pays recevant est émise en Or ou en Dollar américain. Ces prêts en dollars sont la garantie pour les États-Unis de ne pas avoir de perte de valeur si les pays emprunteurs dévaluent; d'autre part les dollars dépensés pour acheter des produits autres qu'américains finiront toujours par revenir aux États-Unis pour acheter des biens américains.

Bien sûr, les circonstances historiques et le tempérament des hommes politiques et citoyens, européens et tunisiens, divergent. Et la gravité du choix requiert une réflexion et un jugement droit avec discernement, loin des solutions packagées et simplistes.

L'économie tunisienne est primitive et archaïque et les dettes contractées ne serviront pas à ressusciter l'appareil productif national et augmenter ses capacités. De base, il n'y a pas de production pour penser à la muscler, à l'amplifier ou la rendre plus compétitive. Notre infrastructure n'a pas été endommagée physiquement par la révolution et la récession est la malédiction des plans sociaux sauvages dans le pays.

La création de la valeur ajoutée par citoyen est extrêmement affaiblie malheureusement par une paresse générale et une incivilité extravagante. La volonté d'entreprenariat n'est pas ancrée dans nos ouvrages d'éducation et dans nos esprits et l'état providence est toujours convoité par la populace. Jamais les Tunisiens n'ont perdu de plus précieux que leurs devoirs au travail. L'appel à l'adhésion, le concours, la participation et le sacrifice des compatriotes semble irréfutable face à une situation incontestablement gravissime. La restructuration des plans administratifs est urgente, et la mise hors de loi des fraudes fiscales, douanières et sociales est immédiate.

Désenclaver les régions intérieures encore dans une posture larvaire et lamentable et réduire les inégalités territoriales est probablement le volet le plus crucial et le talon d'Achille pour réduire l'injustice sociale. L'Etat accuse un grand retard à ce niveau et tout octroie de crédit national n'est point justifié à moins de propulser le développement socio-culturel et en infrastructures dans ses contrés sinistrés. Le district du grand Tunis et les régions côtières peuvent s'autofinancer par effet boule de neige économique après tant de décennies de favoritisme. Créer de l'emploi, moderniser l'administration, le tissu productif, les communications, les instruments technologiques, réformer les banques, assainir les finances, et actualiser leurs juridictions: jamais de telles mesures n'étaient plus urgentes

Le nouveau Premier ministre Mehdi Jomâa, cadre industriel de formation, semble corroborer ces pistes et récuser une aide sauvage extérieure. Il l'a bien souligné lors de son passage en France, premier partenaire économique de la Tunisie

"Ce que l'on vient chercher ici, ce n'est pas de l'aide, on vient chercher de la coopération". Encore est-il son passage hâtif au sommet de l'Etat ne suffira pas à entamer les réformes douloureuses exigées.

Il est certain que bon nombre de nos compatriotes fustigent injustement et de manière irrationnelle le concours de l'Etat aux crédits extérieurs, accusent les responsables d'avoir entrainé le pays à la banqueroute, attribuent tous les maux de tête de la nation à la cupidité et l'avidité aux profils des institutions financières internationales, sans prévaloir d'un jugement éloquent, limpide, clair et sans ambigüité.

Les lignes de crédits extérieurs bien maitrisées, investies proprement avec impartialité et vigueur rehausseront sans doute notre économie stagnante, mais ceci n'est pas suffisant. La solution réside à fabriquer de la soie avec des toiles d'araignée tunisiennes.

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