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Télé Maroc, le degré zéro de la déontologie

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TÉLÉVISION - Depuis la création de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (Haca), instance de régulation de l'audiovisuel au Maroc, et la fin du monopole de l'État dans ce domaine, le paysage audiovisuel marocain s'est enrichi d'une quinzaine de radios et d'une télévision. Ce processus de libéralisation s'est déroulé en deux temps: en mai 2006, dix nouvelles licences de radios privées ont été délivrées. Puis, en février 2009, cinq nouvelles licences de radios furent accordées. Depuis, l'octroi de licences est au point mort.

C'est ce qui aurait poussé Rachid Niny, journaliste devenu célèbre grâce à ses chroniques au vitriol dans le journal Al Massae, à lancer une nouvelle chaîne satellitaire généraliste nommée Télé Maroc, qui pourrait bien être surnommée Niny TV. Elle est présentée en dialecte marocain, avec des émissions en français et d'autres en langue amazighe. Des émissions que le PDG de Télé Maroc qualifie sur le HuffPost Maroc d'"originales, osées et professionnelles".

Cette chaîne est diffusée depuis Madrid (Espagne). Rachid Niny affirme que "la chaîne est de droit espagnol". Il ajoute qu'il ne compte pas attendre que la "Haca libère enfin le champ audiovisuel". Ainsi, une troisième catégorie de médias audiovisuels apparaît au Maroc: les médias "réfugiés" à l'étranger, Échappant ainsi à tout contrôle de la Haca, cette dernière n'ayant d'autorité que sur les médias diffusant à partir du Maroc En d'autres termes, la Haca n'a aucune autorité sur Télé Maroc. Pour sa part, Rachid Hayek, Pdg de Radio Chada, a annoncé le lancement d'une chaîne de musique et de divertissement, en septembre prochain, qui sera diffusée à partir de l'étranger. Rachid Niny fait des émules. La Haca, à moins d'un sursaut, risque de voir une flopée de médias audiovisuels diffuser à partir de l'étranger qui bafouerait quotidiennement l'éthique et la déontologie journalistique.

"Aussi célèbre que vous soyez, à Télé Maroc, vous paierez obligatoirement la rançon de votre notoriété". Tel est le leitmotiv du talk-show de cette télévision "Daribat Al-Chouhra" (La rançon de la notoriété), martelé par l'animatrice de l'émission, Bouchra Ddeau. Son principe, Tarik Boukhari, acteur marocain l'a ainsi résumé : "Provoquer et déstabiliser les invités afin de faire le buzz". Objectif atteint. L'émission crée la polémique sur les réseaux sociaux. Dans ce talk-show, l'animatrice s'immisce dans la vie privée de ses invités : orientation sexuelle, convictions religieuses, vie familiale et état de santé, etc... Tout y passe.

Samad Cherkaoui Benalla, plus connu sous le nom de Doc Samad, sexologue clinicien et psychothérapeute, fut le premier invité de "Daribat Al-Chouchra". La bande-annonce de l'émission a été visionnée plus d'un million de fois. Elle contenait des échanges vifs de l'animatrice avec plusieurs invités, dont Doc Samad, qui a subi la salve de questions homophobes suivants : "Êtes-vous réellement médecin? (...) Êtes-vous un homme ou moitié-moitié? (...) Avec un peu de maquillage, vous seriez une fillette". Une bande-annonce que le sexologue a découvert en même temps que les téléspectateurs, alors qu'il avait refusé qu'elle reste sous sa forme première. Malgré son insistance, sa demande resta vaine. Bouchra Ddeau lui avait même refusé de voir l'émission avant sa diffusion. Et la polémique éclata. Flashback!

Le jour du tournage, Doc Samad fut accueilli par Rachid Niny qui fut ravi qu'il participe à l'une des émissions de sa nouvelle chaîne, rapporte le psychothérapeute. Selon ce dernier, "l'animatrice était aux anges", avant de comprendre par la suite que "ce n'était que du cinéma". Question après question, il se rend compte qu'il est tombé dans un piège. L'animatrice ne se gêne nullement pour s'immiscer dans sa vie privée la plus intime, bien loin du titre annoncé de l'émission : "La rançon de la notoriété".

"Pourquoi parlez-vous d'une manière aussi peu virile?", "Êtes-vous un homme ou moitié-moitié? (...) Avec un peu de maquillage, vous seriez une fillette". Voilà à quoi ressemblaient les questions de Bouchra Ddeau. Elle s'est même permis d'insulter son invité: "Aux yeux de beaucoup de gens, vous êtes un pédé". Une qualification à très forte connotation péjorative.

L'emploi de ce terme est punissable par la loi française de six mois de prison et d'une amende avoisinant les 22.500 € (approximativement 245.000 dirhams). Au Maroc, l'article 489 du Code Pénal marocain condamne "les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe". Mais même si l'homosexualité reste un crime au Maroc, si cette émission avait été diffusée sur une chaîne marocaine, la Haca aurait sanctionné l'animatrice pour non-respect de la vie privée des personnalités publiques dont Doc Samad. Ce dernier m'a affirmé au téléphone qu'être "gay ou ne pas l'être ne concerne personne". "Elle devrait être remise à sa place", a ajouté le psychothérapeute au téléphone, en parlant de l'animatrice. Et comme il n'est pas un ressortissant de l'Union Européenne, Doc Samad compte bien demander à une association des droits humains internationaux de porter plainte en son nom contre Bouchra Ddeau, pour insulte homophobe, devant les tribunaux espagnols, puisque Télé Maroc est une entreprise de droit espagnol.

À Aïcha Ech-Chenna, militante des droits des femmes au Maroc, et particulièrement des mères célibataires, l'animatrice a lancé: "Étiez-vous vierge lorsque vous vous êtes mariée?", ou encore "Êtes-vous une vraie musulmane?". Or tous les codes de déontologie, de par le monde, exigent la protection de la vie privée des personnalités publiques et de ne révéler des données personnelles que si cela était commandé par une nécessité d'intérêt général.

À Othmane Mouline, nouvelle figure de la chanson populaire marocaine, et invité d'une autre édition de "Daribat Al-Chouchra", elle l'a accusé d'avoir un "gène de juif" (عرييق ديال اليهود) pour avoir affirmé qu'il irait volontiers chanter en Israël si l'occasion se présentait.

Homophobie, inquisition morale et religieuse, antisémitisme... Bouchra Ddeau cherche le buzz à tout prix, y compris en recourant aux moyens les plus sordides et les plus répugnants dignes d'un journal de caniveau. On comprend alors pourquoi Télé Maroc a fui en Espagne. Cependant, si elle échappait à la Haca, elle n'échappera point à la justice espagnole.

"Il est normal que l'émission crée la polémique", affirme l'animatrice de l'émission. Elle ajoute qu'on pose "des questions auxquelles le public n'est pas habitué". Voilà comment l'animatrice se défend face à ses détracteurs. Elle explique que le concept de l'émission est américain. Selon elle, ce type d'émissions consiste à révéler au public un autre aspect de la personnalité des invités. Seulement, elle oublie trop vite que le vrai journalisme a des règles, une éthique et une déontologie.

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