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L'université brûle et le ministre regarde ailleurs: Travaux pratiques de destruction de l'État

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L'université tunisienne est en crise. Tout le monde le sait. Même Mosaïque FM en a parlé. A la faveur d'une information opportunément apparue sur le fil d'actualité de la radio le 11 Juin dernier, on apprend que les universités tunisiennes sont absentes du classement des 1000 meilleures (!) universités arabes. Peu importe si le site de la même radio ait annoncé que deux universités tunisiennes étaient apparues parmi les 120 premières dans un autre classement dans un flash du 26 Septembre 2016 ou qu'une autre soit citée parmi les 1000 premières au niveau international dans une info datée du 3 Novembre 2016.

Peu importe aussi que la correction des concours d'accès aux études d'ingénieur soit boycottée par les enseignants agrégés et rejoints par l'ensemble des corps universitaires depuis le 9 Juin 2017 (Voir à ce sujet le communiqué de la Fédération Générale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (FGESRS) daté du 8 Juin 2017); peu importe que les délibérations d'une majorité écrasante des classes préparatoires et de plusieurs classes de licence sur l'ensemble du territoire ait été décrétée contre les coupes arbitraires sur les salaires des professeurs agrégés depuis le mois de Janvier. Peu importe que dans la plupart des universités, les enseignants-chercheurs ont boycotté l'encadrement des Projets de Fin d'Etudes (PFE). Peu importe que même 11 parmi 12 présidents des universités ont menacé de boycotter le ministère à cause des décret et calendrier électoraux que le ministre a voulu faire passer en force sans passer par le conseil des universités. Ils n'hésitent plus aujourd'hui à le contredire publiquement

Un amateur de presse ou un simple presse-bouton?

Non, aujourd'hui, l'info est que les universités tunisiennes sont classées au-delà des 1000 premières universités arabes. Ce sont les classements et seulement les classements qui ont de la valeur. A croire que le sieur ministre prend les informations de son ministère à travers le prisme médiatique de la presse à buzz. Pour lui, toutes les autres infos sont de pures rumeurs, oubliant au passage que les enseignants n'ont qu'à consulter leurs comptes bancaires pour vérifier que la rumeur, c'est bien ce ministre. En effet, n'eût été le titre officiel, qui pourrait croire qu'il y a un capitaine à bord? Entre les dossiers non résolus qui s'accumulent, la crise qui s'intensifie de jour en jour et les apparitions médiatiques qui ne traitent en majorité que du dossier de l'éducation. Interventions pompeuses et pleines d'aplomb mais vite démenties par la réalité.

Le salarié à la tête de l'enseignement supérieur tunisien s'obstine ainsi à croire aux vertus performatives de sa parole. Il n'en est rien: Les fuites du bac ont continué, les appareils de brouillage ne marchent pas, les élections dans les universités sont bloquées, les délibérations et les soutenances sont en panne, la correction des concours est au ralenti... La crise est générale! Il y a pourtant bien une justification à cette attitude. Quand, en position de pouvoir, on croit plus à la parole qu'à l'action, c'est que la position de pouvoir est toute théorique et cela relève donc de la compensation. Pauvre ministre qui, en effet, est même frustré par le barrage des contrôleurs des dépenses ou par les services des ministères des Finances, rendant inopérant tout accord qu'il signe avec le syndicat de l'enseignement supérieur!

Qu'est-ce qui explique alors que ce monsieur ait tellement les faveurs du chef du gouvernement qu'il lui a affecté, outre sa première fonction, une deuxième charge horaire l'amenant à occuper provisoirement les bureaux du déchu Néji Jalloul!? Parce que la mission était rude: Pacifier le ministère de l'Éducation! Et justement, le sieur Khalbous a été chargé de cette mission; et il l'a parfaitement exécutée. Suffisant à son bonheur de pouvoir enfin parader dans tous les médias radiophoniques! Prochaine étape la télé?

C'est là où le bât blesse: un ministre-presse-bouton qui se croit stratège et qui est tout heureux de la dimension médiatique qu'il vient de prendre: Archétype de l'homme politique post-14 Janvier (Non que les ministres de Ben Ali étaient des visionnaires, mais ils étaient dans l'ombre du chef suprême), le sieur Khalbous nourrit ses propres ambitions de l'énergie produite par ses gesticulations! On pourrait même croire que son bonheur est sincère, adepte qu'il est de la "gestion par projets".

La crise: Mode d'emploi

On trouverait ce portrait tout à fait drôle et affectueux dans la perspective d'une étude sociologique de l'homo politicus tunisien post-14 Janvier. On s'amuserait même, si on en avait le temps, à compiler ses sorties médiatiques et on trouverait bien du plaisir à en faire l'analyse du discours et chercher certaines correspondances sociales: Ce ministre, tout comme son prédécesseur à la tête du ministère de l'Éducation, nous fournit à chacune de ses sorties un matériel sociologique assez conséquent!

Il en va néanmoins et de l'avenir de l'université et de la permanence même du semblant d'État dans lequel nous vivons. Sous ce rapport, la gestion du projet "élections des universités" est tout à fait symptomatique de cette absence de culture institutionnelle chez la quasi-totalité des homo politicus actuels. Le projet initial présenté proposait en effet un scrutin de liste pour les élections des conseils d'universités. Cette méthode est la porte grande ouverte à la politisation (au sens partisan) des instances universitaires. Un système analogue est en vigueur au Liban où les listes présentées sont ouvertement liées aux forces politiques majeures (Hezbollah, Amal...).

Devant le refus opposé par les différents corps constituants de l'université tunisienne (Présidents d'université et Syndicat), le ministre n'a cessé de manœuvrer depuis le début de l'année universitaire pour faire passer son texte: Imposer aux conseils scientifiques de donner leur avis à la va-vite sur le texte décrié -Refus!-, imposer de manière détournée le suffrage universel en jetant les directeurs de départements dans l'arène des élections des recteurs, directeurs et des présidents des universités -Refus!-, proposer, devant les refus successifs, que chaque université adopte son propre système électoral, mettant ainsi en danger l'un des fondements de la République qu'est son unité -Encore un refus!-... Récemment, le ministre a voulu imposer son texte et le calendrier qui va avec sans passer par le conseil des universités, chose que même le défunt -regretté?- Moncef Ben Salem n'a pas faite!

Le ministre a passé ainsi l'année à manœuvrer pour imposer un texte impopulaire tout en laissant en suspens plusieurs autres dossiers en crise depuis l'année 2016 (Les PFE, les agrégés...). Une attitude qui, suivant la bonne foi qu'on peut prêter au ministre, peut s'apparenter ou à la guerre ouverte, ou à une totale incompétence rendant ce cabinet ministériel dépassé par les événements. La vérité est probablement entre les deux. Toujours est-il que nous sommes le 19 Juin et qu'il n'y a toujours aucun texte organisant les élections au sein de l'université tunisienne. Du jamais vu!

On n'ose imaginer tous les ministres faisant pareil: la déliquescence de l'État ne sera plus qu'une question de temps.

Devant ces catastrophes en chaine, son refus de négocier avec le syndicat pour résoudre conflits en cours relèverait presque du détail! On imagine bien ce qu'il se dit tous les matins en se rasant devant le miroir: "Au diable les concours d'accès aux écoles d'ingénieurs! Au diable les PFE! Au diable l'année universitaire! Pourvu qu'il y ait l'ivresse médiatique!". D'autres avant lui se sont vus plus beaux qu'ils ne l'étaient et, à trop vouloir voler près du soleil, ont vu fondre la cire qui maintenait leurs ailes. Plus haut voudra-t-il aller et plus dure sera la chute! En bon homo œconomicus, aurait-il déjà prévu son parachute?

vfv

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