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Fille d'un "chibani" de la SNCF, je demande justice

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SOCIÉTÉ - J'ai 20 ans et je suis la fille de l'un de ces "chibanis" de la SNCF. Je suis étudiante en quatrième année d'école de commerce à Paris, je travaille en alternance dans le secteur de l'automobile. Mon père est arrivé en France dans les années 70.

Il m'a toujours incitée à poursuivre des études supérieures et essayer de devenir "quelqu'un" pour apporter quelque chose à la France. Je suis révoltée par la discrimination qu'ont subie mon père et ses collègues à la SNCF. Ils ont apporté beaucoup et ils ont aidé à faire avancer la SNCF pour n'avoir finalement aucune reconnaissance. L'affaire commence à être de plus en plus médiatisée, ce que je trouve plutôt bien car il faut que l'opinion se mobilise. Et que justice soit faite pour eux.

Ces "chibanis" de la SNCF, ou comme les médias aiment si bien les appeler, "les indigènes du rail" ou les "déclassés de la SNCF", ont été recrutés durant les années 70 par la SNCF au Maroc car la France avait alors besoin de main-d'œuvre. Ils ont été affectés aux tâches les plus pénibles et n'ont jamais pu bénéficier du même statut particulier de cheminot que leurs collègues français. Pourtant, ils effectuaient le même travail que ces derniers et en plus, il leur avait été promis sur leur contrat de travail qu'"à travail égal, salaire égal".

Une fois arrivés à l'âge de la retraite, ils ont été pénalisés car leur retraite a été calculée sur leurs vingt-cinq dernières années de travail contre seulement les six derniers mois pour leurs collègues français. La "raison" invoquée par la SNCF est leur nationalité marocaine qui ne pouvait pas leur permettre d'accéder aux mêmes droits. Il est cependant important de noter que pour ceux qui auraient acquis la nationalité française entre temps, ils perdaient automatiquement leur ancienneté de travail et repartaient donc à zéro.

L'affaire a débuté en 2005, mais dès les années 80, certains de ces cheminots s'étaient alarmés de cette situation et avaient écrit aux ministres en exercice, y compris au ministre des Transports. Celui-ci les a renvoyés vers la DRH de la SNCF qui elle-même les a renvoyés auprès de l'État, car après tout la SNCF est une entreprise de l'État! Le président de la SNCF n'a quant à lui jamais pris la parole sur cet épineux sujet.

Le 21 septembre 2015, la SNCF a été condamnée pour discrimination envers ces presque 800 cheminots d'origine marocaine. Cette condamnation implique de devoir payer des dommages et intérêts de près de 200.000 euros par plaignant. La SNCF a attendu le dernier moment pour faire appel de sa condamnation, soit le dernier jour... Quelle audace! Pourtant ces "chibanis" ("cheveux blancs" en arabe) ne sont plus tout jeunes, ils ont aujourd'hui plus de 60 ans. Chaque année, plusieurs d'entre eux décèdent et c'est à leurs enfants de reprendre la suite du combat. La SNCF fait tout pour gagner du temps! Mais jusqu'à quand? Leur combat dure déjà depuis plusieurs années, certains d'entre eux ne verront jamais le résultat de la justice française.

Nous avons entendu, au cours des audiences, les avocats de la SNCF expliquer que nos pères n'avaient pas le droit d'évoluer au cours de leur carrière car ils ne savaient ni lire, ni écrire le français et qu'ils n'étaient pas assez compétents. Pourtant, l'une des conditions fondamentales pour entrer à la SNCF pour les étrangers était précisément de savoir lire, écrire et parler le français. De plus, ils ont pour la grande majorité été décorés de la médaille d'honneur du travail et ont même formé des jeunes qui sont par la suite devenus leurs chefs!

Nos pères ou ces "chibanis" comme vous les appelez ne baisseront pas les bras. Et nous, leurs enfants, continuerons avec conviction leur combat. Ce sont des hommes dignes, qui ont payé leurs impôts, travaillé pendant près de 40 ans pour la SNCF et qui ont supporté l'humiliation, dès leur entrée à la SNCF et jusqu'à la fin de leur vie. Cette humiliation continue de les traîner aujourd'hui encore devant les tribunaux avec le renvoi en Cour d'appel qui s'est déroulé le 15 et le 16 mai dernier.

Le verdict sera rendu le 31 janvier 2018. Depuis 2008 et jusqu'à aujourd'hui, de nombreux chibanis sont décédés. La SNCF cherche à gagner du temps et cela nous l'avons bien compris. Et ce, sans compter les chibanis morts pendant leur travail sur les voies...

Je lance donc aujourd'hui un appel à la ministre française chargée des Transports, Élisabeth Borne, ainsi qu'au président de la SNCF, Guillaume Pepy, pour qu'ils prennent officiellement position sur ce dossier et que l'Etat se mobilise pour ces chibanis car nous en avons assez!

Je lance aussi une pétition aux noms de tous les chibanis, de ceux qui sont décédés, de leurs veuves, ainsi que de leurs enfants. Mobilisons-nous un maximum, il faut que cela cesse car la discrimination est bel et bien là! Nous demandons que justice soit faite! Liberté - Egalité - Fraternité, nous y croyons encore!

Une fois un nombre de signatures suffisant, une lettre sera adressée personnellement à la ministre chargée des Transports ainsi qu'au président de la SNCF. Battons-nous pour que la clause de nationalité qui existe à la SNCF soit supprimée!

LIRE AUSSI: France: D'anciens cheminots marocains devant la Cour d'appel de Paris contre la SNCF



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