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La crise des partis politiques marocains

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POLITIQUE - L'étude sur l'origine de la crise du système partisan marocain pose de nombreuses interrogations concernant aussi bien le fonctionnement interne des partis politiques, qu'aux raisons explicatives de la "loi du schisme", qui a caractérisé ce système et entraîné en conséquence des ruptures répétées qu'il a connues au cours de son évolution. Des processus comme l'alternance politique "à la marocaine" et l'opération électorale ont engendré l'apparition de profondes scissions partisanes au sein des grands partis et l'émergence ultérieure de petites formations politiques.

Il est vrai qu'au Maroc, la multiplicité des partis s'inscrit dans le droit fil d'une stratégie visant à réduire le poids des formations politiques majeures et à contrecarrer leur développement en favorisant leur scission et en mettant en place des structures de moindre force. En outre, cette stratégie a été facilitée par la "tendance oligarchique" qui prévaut au sein des formations politiques marocaines. Ce phénomène a donné naissance aux "enfantements" de partis, en reproduisant certes le modèle anthropologique de la tribu qui se scinde en fractions puis en petits groupements plus ou moins homogènes. Le résultat est une pléthore de petites formations, avec pour conséquence, un système partisan plus "fluide" et plus docile, la désaffection des citoyens, l'absence de militantisme et un abstentionnisme qui ne cesse de mettre en cause la représentation des partis politiques marocains.

Le principal constat qui se dégage de l'analyse consacrée aux partis politiques marocains est la difficulté à classer ces partis selon les clivages idéologiques, classiques, dans une cohabitation politique où les blocs ne sont pas visibles, et où la dichotomie gauche-droite a perdu tout sens. En d'autres termes, depuis la mise en place du consensus à la fin des années 1990, celui-ci a fonctionné comme un mécanisme de récupération douce du pluralisme partisan, qui est ainsi réduit au rôle assigné par la stratégie makhzénienne, consistant à réaffirmer la prédominance de l'Etat profond.

En effet, la recherche du consensus à tout prix par les protagonistes a entraîné une banalité de l'activité partisane dans le sens où la logique consensuelle a maintenu les forces politiques dans un état de confusion doctrinale inhérente à leurs positionnements politiques. Elle a également induit une réduction des distances idéologiques entre ces forces partisanes. Les principaux partis auraient tendance à renoncer à leurs missions d'encadrement au profit d'une dynamique partisane consacrée dans son ensemble à la course électorale. Ce qui contribue, selon les remarques de Jean-Claude Santucci, à transformer les partis politiques marocains "en écurie de course à la candidature ou en club de supporters pour futurs professionnels de la politique en quête de mandats et de maroquins".

Or, le choix du scrutin proportionnel se révèle stratégique dans la mesure où la balkanisation partisane ne favorise pas de véritable changement d'orientation politique. A cet égard, le choix du système électoral et son application demeurent subordonnés à la volonté politique du pouvoir central, tant que les objectifs visés relèvent de la nécessité d'assurer le contrôle de la classe politique grâce à ce nouveau système électoral fortement inclusif et qui, par ailleurs, sert à favoriser l'accès au parlement aux petits partis. Ce qui est qualifié ici comme un système parfaitement équitable, la représentation proportionnelle, donnera son juste compte de sièges à chaque formation politique. Mais par là même, il poussera à la multiplication des partis et son efficacité pour la constitution des majorités cohérentes sera amoindrie. En prenant l'expression d'Alain Rouquié, cette procédure électorale apparaît comme ressortissant à une technologie politique douce aux effets stabilisateurs indéniables. D'autant que les partis politiques les perçoivent comme relativement fonctionnels par rapport à leurs intérêts.

L'introduction de cette hypothèse met en évidence l'importance que suscite l'instauration d'une nouvelle procédure électorale destinée à respecter les règles du jeu pour éviter les bifurcations vers des trajets différents de ceux dans lesquels semble s'engager le processus d'alternance "à la marocaine". La cohabitation politique réclame la prudence justement parce qu'elle est incertaine et que tenter de supprimer cette incertitude par une technique électorale, c'est œuvrer en faveur de l'intérêt de stabilité associée aux structures du pouvoir, sous des conditions confondant cette prudence politique avec les autres mécanismes du contrôle politique.

L'une des caractéristiques du processus électoral au Maroc depuis l'indépendance a été d'être au service d'une continuité institutionnelle basée sur l'ordre constitutionnel établi en 1962. Le paradigme du pouvoir est celui de la Commanderie des croyants qui a permis au roi de bénéficier d'une "puissance spirituelle" et de pratiquer une autorité supérieure pour représenter la légitimité de la nation. Cette position hégémonique de la monarchie est encore illustrée par la modalité électorale (le scrutin de liste), en tant qu'instrument de recomposition du champ politique, qui délimite le poids des grandes formations politiques susceptibles de devenir majoritaires grâce au suffrage majoritaire et participe de la croyance en la nécessité d'une monarchie gouvernante pour guider l'alternance.

D'ores et déjà, les effets de l'alternance politique "à la marocaine" se laissent aisément repérer. Les négociations qui ont précédé la formation du gouvernement de Saâdeddine El Othamni ont bien montré que certains partis n'étaient pas des organisations programmatiques susceptibles de promouvoir des idées, mais plutôt des fédérations de clans s'alliant pour récolter un grand nombre de portefeuilles ministériels. Les conditions posées par certains chefs de partis politiques pour participer au gouvernement ont traduit une propension hégémonique à traiter les affaires internes de leur parti comme s'il s'agissait d'affaires personnelles.

Le fonctionnement interne des organisations politiques est subverti par le jeu des relations personnelles, et ce phénomène de personnalisation, à l'œuvre dans la majorité des organisations politiques marocaines, remet en cause les modes historiques de fonctionnement de la démocratie militante. C'est pourquoi il convient d'évaluer le discours de la démocratie participative préconisé par les partis politiques comme un discours fictif ne traduisant qu'une quête désespérée de légitimation. La persistance d'une conception historique du "Zaîm", propre au modèle partisan marocain, atténue cependant la portée et la référence au paradigme délibératif qui demeure ici assez symbolique. Contrairement à ce que suggèrent les grandes lignes doctrinales de l'action partisane, la gestion démocratique s'épuiserait dans cette tendance "autoritaire", qui ne cache pas ses préférences pour un mode d'allégeance contraignant, ce qui nous permet de percevoir les limites d'une démocratie partisane à la marocaine.

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