ÉDUCATION - "Lorsqu'il y a trop de priorités, il n'y a plus aucune priorité" martelait jeudi 11 mai le député Omar Balafrej à Rabat devant un hémicycle presque vide au sujet de la nécessité primordiale de réformer et de revaloriser le secteur de l'éducation en prônant la hiérarchisation des priorités et la fin de la dispersion de l'Etat.
Au début de son intervention, le député FGD n'a pas hésité à faire référence au combat du premier président de l'assemblée, feu El Mehdi Ben Barka, qui disait cinq décennies plutôt que "l'éducation n'est pas une priorité, [mais bien] La priorité". Les propositions d'amendements de Balafrej pour augmenter le budget de l'éducation sans toucher aux équilibres budgétaires de l'année en cours ont d'ailleurs été rejetées par l'écrasante majorité des parlementaires. Des propositions honnêtes qui n'avaient pourtant rien d'exagéré ou d'impossible, qui faisaient appel à de modiques contributions rognées ça et là et qui veillaient uniquement à assurer un minimum budgétaire pour un fonctionnement sain de l'appareil éducatif.
En 2017, plus d'un demi-siècle après la disparition de Ben Barka et de la mise aux oubliettes de sa "route de l'unité", le Maroc n'a toujours pas réglé le problème de l'éducation. Le tiers de la population marocaine est toujours analphabète. Si l'on compte aussi l'illettrisme et le décrochage scolaire, la part de la population privée de l'accès et du droit à une bonne éducation doit atteindre les 50% ou davantage.
La Syrie, avant la guerre, avait éradiqué l'analphabétisme au point qu'il était devenu pénalement répréhensible de ne pas scolariser ses enfants. Des bourses et des crédits étaient instaurés pour encourager les étudiants les plus brillants à poursuivre des études supérieures à l'étranger avec condition de revenir au pays pour y travailler pendant cinq ans minimum. Les Syriens étaient jusqu'à lors le peuple arabe le mieux éduqué et le plus instruit. En témoignent ses productions littéraires, artistiques et intellectuelles. Le Japon avait peu ou prou instauré la même politique sous l'ère Meiji à la fin du XIXe siècle. L'Etat syrien, malgré les critiques que l'on peut lui asséner, et l'Etat nippon, nous enseignent ceci: L'éducation du peuple ne peut s'accomplir qu'en amont par une réelle volonté d'instruire le peuple. Lorsque la volonté est vraie et sincère, cette volonté devient effective et coercitive.
Au Maroc, il n'y a jamais eu de réelle volonté d'éradiquer l'analphabétisme. 60 ans après l'indépendance et malgré ses avancées et son développement sur d'autres terrains, le Maroc est toujours dans une impasse. Le pays ne saurait se hisser au niveau des pays développés si l'éducation n'est toujours pas à l'ordre du jour des gouvernements qui se succèdent. Le budget consacré à l'éducation a par ailleurs été réduit par le gouvernement "pjdiste" pour la seconde année consécutive. Face à cela, le secteur privé continue de fructifier et les écarts se creusent encore plus entre ceux qui se réfugient dans le "privé" et ceux qui ne peuvent pas se payer le luxe d'une scolarisation d'un niveau à peu près normal.
Le peuple marocain est un peuple très croyant. Si seulement son degré d'instruction était au même niveau que l'ardeur de sa foi. Si seulement le Maroc pouvait construire des écoles au rythme de la construction de ses mosquées.
Et encore, certaines mosquées demeurent aujourd'hui vides tant elles sont nombreuses et parfois réduites à leur simple fonction décorative indissociable de la culture urbanistique nord-africaine et arabo-musulmane. Certains évergètes financent la construction de grandes mosquées en espérant gagner une place d'une superficie équivalente au paradis. En effet, construire des écoles de nos jours au Maroc semble ne pas être très lucratif, ni sur terre ni dans l'au-delà. Pas encore, du moins.
Pour cela, l'école ne doit pas être qu'une simple bâtisse, mais une institution dotée d'enseignants, de fonctionnaires donc, correctement formés et appréciés par l'Etat à leur juste valeur et jouissant en conséquence des meilleurs moyens tant sur le plan financier que sur le plan de l'équipement pour accomplir au mieux leur mission. Il faut la forme mais aussi le fond, il faut le pupitre et le cahier. S'il y a autant d'écoles que de mosquées et que les manuels scolaires sont de piètres qualité, que l'esprit critique n'est pas encouragé en classe, que les sciences sociales continuent à être reléguées au second plan, que le débat sur l'arabisation n'est toujours pas tranché, que le niveau de culture des élèves reste faible ou que tout simplement ces écoles demeurent inaccessibles faute d'infrastructures connexes, l'argent investi ne sera pas amorti et l'investissement ne donnera pas ses fruits.
Les mosquées sont les temples de Dieu, l'école, elle, est le temple du savoir. Or comment peut-on pénétrer dans le temple de Dieu et accéder à la parole divine sans passer par le temple du savoir? Comme la purification par l'eau, l'instruction est l'ablution du bon croyant avant la prière.
Autrefois la mosquée était un lieu de savoir. A l'intérieur, en dehors des heures de prières, on y lisait aussi bien le Coran que des livres de théologie, de philosophie, de mathématiques et même de poésie comme à Al Qaraouiyyine. La mosquée était aussi une université, dotée d'une bibliothèque pluridisciplinaire. Essayons aujourd'hui d'imaginer la réaction des gens face à un individu qui lirait un livre d'Averroès à l'intérieur d'une mosquée ou tout autre livre ou source de connaissance différente du Coran. Ce serait perçu comme une insulte, un affront, un acte d'apostasie! Pourquoi cet enfermement? De quand date-t-il? Faut-il rappeler aux musulmans que la révélation coranique commence par "Iqra'" (Lis!)? La première chose que Dieu ait demandé au Prophète par l'intermédiaire de l'archange Gabriel c'est de lire: "Lis! Lis Au nom de Dieu qui a créé [...]". Il l'a exhorté à la lecture, à la connaissance. Qui peut prétendre être musulman et ignorer ce saint verset?
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Naguib Mahfouz (écrivain égyptien): "Si le sous-développement et l'arriération persistent dans nos sociétés, les touristes viendront bientôt nous contempler nous au lieu des monuments"
Il est rare de voir un imam marocain inviter les fidèles à lire, à se cultiver, à s'instruire, à faire abstraction des superstitions et des futilités, à aller à la bibliothèque, au musée, au cinéma, à scolariser les enfants et à veiller à leur bonne réussite scolaire. L'imam se contente de ressasser et ruminer l'aspect strictement liturgique de la religion et en oublie l'esprit-même ainsi que les valeurs. L'imam dans une société conservatrice comme la nôtre, a aussi un rôle social décisif puisqu'il est plus en contact avec la population qu'un enseignant. Cela n'aurait rien de trop "progressiste" qu'un imam invite les fidèles à s'instruire à l'occasion de son prêche du vendredi, ou bien en leur disant que le bon croyant est celui qui tire l'oumma vers le haut et qui œuvre dans l'intérêt général pour le développement de sa nation. Ceci aurait été simplement normal, car l'islam est ouvert aux sciences et à toutes les formes de connaissance. L'islam oblige à s'instruire, car le message coranique n'est accessible qu'aux instruits.
L'imam a une grande influence sur les croyants et un rôle d'éducateur dans certains endroits reculés où il est parfois, malheureusement, "le borgne au royaume des aveugles". Et comme les fidèles sont plus à l'écoute et attentifs au discours de l'imam le vendredi qu'aux rapports ministériels ou ceux du CESE, l'imam pourrait tout en gardant sa neutralité vis-à-vis de la politique et en s'exprimant dans les limites posées par le ministère des Habbous, encourager les fidèles à s'accomplir en tant que croyants en s'accomplissant d'abord en tant que citoyens responsables et utiles.
Quand est-ce que la mosquée a cessé d'être un lieu de réflexion et de savoir? N'est-ce pas renier nos savants, nos philosophes et nos intellectuels, notre passé et notre religion que d'avoir placé la foi avant la connaissance? Si le Maroc est un pays musulman, il doit dédier au savoir le même amour qu'il dédie à Dieu.
Faut-il rappeler aussi ce saint verset du Coran: "Qoul hal yastawi al-ladhina ya'lamouna wa al-ladhina la ya'lamoun?" ("Dis! Peut-on mettre sur le même pied d'égalité le savant et l'ignorant?")?
Ceux qui croient en la parole divine et qui craignent le jour du Jugement dernier, ce jour-là ils ne seront pas jugés pour le nombre d'heures passées à effectuer des prières et des jeûnes facultatifs en calculant la somme de leurs "hassanat" (bienfaits) comme des points sur une calculatrice, mais pour la droiture de leur comportement et pour la valeur ajoutée que leur existence aura apporté ou non à la société.
Le travail est en lui-même un acte de dévotion. La quête du savoir et de la sagesse est en elle-même un acte de dévotion. Un croyant qui passe son temps à la mosquée ne saurait se hisser au même niveau qu'un individu moins puritain mais qui est absorbé par son travail, qui accomplit ses responsabilités professionnelles et familiales et qui par-dessus tout essaie tout de même de trouver du temps pour remercier son Créateur et le temps de lire et de s'instruire. L'un ne va pas sans l'autre.
La foi a besoin de la science et réciproquement. Le jour du Jugement dernier, nous aurons des comptes à rendre pour avoir succombé à la paresse et au confort de notre ignorance et serons questionnés non seulement à propos de nos richesses amassées mais aussi à propos du temps que nous auront gaspillé à ne rien faire d'utile ni pour nous-mêmes (accomplissement personnel par la connaissance et la quête de la sagesse), ni pour la société et nos concitoyens (éducation et scolarisation de nos enfants).
L'exemple de la religion est développé ici car la religion au Maroc est encore l'un des rares moteurs, l'une des rares causes de mobilisation et de sursaut chez une société encore très conservatrice. Peut-être qu'en rappelant à tous ceux qui se disent musulmans, croyants et pratiquants, que l'analphabétisme est une honte en islam, cela les fera réfléchir et surtout agir. Après des décennies de mutisme et d'échecs, la religion pourrait être l'ultime recours pour que la société s'indigne enfin et regarde en face les terribles chiffres de l'analphabétisme. Des chiffres qui doivent faire rougir chaque Marocain et Marocaine. Un véritable musulman devrait avoir honte de vivre 1400 ans après l'annonce du message coranique dans un pays où une grande partie de la population ne sait ni lire ni écrire et qui se dit pourtant, sans vergogne, musulmane.
Donc, à tous ceux qui n'œuvrent pas pour le développement du secteur de l'éducation, si vous ne le faites pas pour le bien du peuple marocain, faites-le au moins pour ce Dieu que vous craignez!
En somme, être fier d'être marocain et être un bon patriote, c'est aussi être fier de dire que l'on a honte des écueils qui entravent le développement de sa patrie, et les dénoncer. Ce n'est pas seulement être fier de partager la vidéo d'Amanda Cerny en train de verser de l'"Attay Mchehher" dans son riad verdoyant à Marrakech qui pompe l'eau de toute la région d'El Haouz.
Il y a beaucoup de belles choses au Maroc mais notre amour pour notre pays ne doit pas nous dispenser de lever le voile sur ses maux. L'ignorance est une honte. Tant que les Marocains n'ont pas assez honte d'être citoyens d'un pays à l'éducation en berne, où ni l'égalité des chances ni l'avenir de sa jeunesse ne sont assurés, il ne leur restera que très peu de choses dont ils peuvent être fiers.
Au début de son intervention, le député FGD n'a pas hésité à faire référence au combat du premier président de l'assemblée, feu El Mehdi Ben Barka, qui disait cinq décennies plutôt que "l'éducation n'est pas une priorité, [mais bien] La priorité". Les propositions d'amendements de Balafrej pour augmenter le budget de l'éducation sans toucher aux équilibres budgétaires de l'année en cours ont d'ailleurs été rejetées par l'écrasante majorité des parlementaires. Des propositions honnêtes qui n'avaient pourtant rien d'exagéré ou d'impossible, qui faisaient appel à de modiques contributions rognées ça et là et qui veillaient uniquement à assurer un minimum budgétaire pour un fonctionnement sain de l'appareil éducatif.
En 2017, plus d'un demi-siècle après la disparition de Ben Barka et de la mise aux oubliettes de sa "route de l'unité", le Maroc n'a toujours pas réglé le problème de l'éducation. Le tiers de la population marocaine est toujours analphabète. Si l'on compte aussi l'illettrisme et le décrochage scolaire, la part de la population privée de l'accès et du droit à une bonne éducation doit atteindre les 50% ou davantage.
La Syrie, avant la guerre, avait éradiqué l'analphabétisme au point qu'il était devenu pénalement répréhensible de ne pas scolariser ses enfants. Des bourses et des crédits étaient instaurés pour encourager les étudiants les plus brillants à poursuivre des études supérieures à l'étranger avec condition de revenir au pays pour y travailler pendant cinq ans minimum. Les Syriens étaient jusqu'à lors le peuple arabe le mieux éduqué et le plus instruit. En témoignent ses productions littéraires, artistiques et intellectuelles. Le Japon avait peu ou prou instauré la même politique sous l'ère Meiji à la fin du XIXe siècle. L'Etat syrien, malgré les critiques que l'on peut lui asséner, et l'Etat nippon, nous enseignent ceci: L'éducation du peuple ne peut s'accomplir qu'en amont par une réelle volonté d'instruire le peuple. Lorsque la volonté est vraie et sincère, cette volonté devient effective et coercitive.
Au Maroc, il n'y a jamais eu de réelle volonté d'éradiquer l'analphabétisme. 60 ans après l'indépendance et malgré ses avancées et son développement sur d'autres terrains, le Maroc est toujours dans une impasse. Le pays ne saurait se hisser au niveau des pays développés si l'éducation n'est toujours pas à l'ordre du jour des gouvernements qui se succèdent. Le budget consacré à l'éducation a par ailleurs été réduit par le gouvernement "pjdiste" pour la seconde année consécutive. Face à cela, le secteur privé continue de fructifier et les écarts se creusent encore plus entre ceux qui se réfugient dans le "privé" et ceux qui ne peuvent pas se payer le luxe d'une scolarisation d'un niveau à peu près normal.
Le peuple marocain est un peuple très croyant. Si seulement son degré d'instruction était au même niveau que l'ardeur de sa foi. Si seulement le Maroc pouvait construire des écoles au rythme de la construction de ses mosquées.
Et encore, certaines mosquées demeurent aujourd'hui vides tant elles sont nombreuses et parfois réduites à leur simple fonction décorative indissociable de la culture urbanistique nord-africaine et arabo-musulmane. Certains évergètes financent la construction de grandes mosquées en espérant gagner une place d'une superficie équivalente au paradis. En effet, construire des écoles de nos jours au Maroc semble ne pas être très lucratif, ni sur terre ni dans l'au-delà. Pas encore, du moins.
Pour cela, l'école ne doit pas être qu'une simple bâtisse, mais une institution dotée d'enseignants, de fonctionnaires donc, correctement formés et appréciés par l'Etat à leur juste valeur et jouissant en conséquence des meilleurs moyens tant sur le plan financier que sur le plan de l'équipement pour accomplir au mieux leur mission. Il faut la forme mais aussi le fond, il faut le pupitre et le cahier. S'il y a autant d'écoles que de mosquées et que les manuels scolaires sont de piètres qualité, que l'esprit critique n'est pas encouragé en classe, que les sciences sociales continuent à être reléguées au second plan, que le débat sur l'arabisation n'est toujours pas tranché, que le niveau de culture des élèves reste faible ou que tout simplement ces écoles demeurent inaccessibles faute d'infrastructures connexes, l'argent investi ne sera pas amorti et l'investissement ne donnera pas ses fruits.
Les mosquées sont les temples de Dieu, l'école, elle, est le temple du savoir. Or comment peut-on pénétrer dans le temple de Dieu et accéder à la parole divine sans passer par le temple du savoir? Comme la purification par l'eau, l'instruction est l'ablution du bon croyant avant la prière.
Autrefois la mosquée était un lieu de savoir. A l'intérieur, en dehors des heures de prières, on y lisait aussi bien le Coran que des livres de théologie, de philosophie, de mathématiques et même de poésie comme à Al Qaraouiyyine. La mosquée était aussi une université, dotée d'une bibliothèque pluridisciplinaire. Essayons aujourd'hui d'imaginer la réaction des gens face à un individu qui lirait un livre d'Averroès à l'intérieur d'une mosquée ou tout autre livre ou source de connaissance différente du Coran. Ce serait perçu comme une insulte, un affront, un acte d'apostasie! Pourquoi cet enfermement? De quand date-t-il? Faut-il rappeler aux musulmans que la révélation coranique commence par "Iqra'" (Lis!)? La première chose que Dieu ait demandé au Prophète par l'intermédiaire de l'archange Gabriel c'est de lire: "Lis! Lis Au nom de Dieu qui a créé [...]". Il l'a exhorté à la lecture, à la connaissance. Qui peut prétendre être musulman et ignorer ce saint verset?

Il est rare de voir un imam marocain inviter les fidèles à lire, à se cultiver, à s'instruire, à faire abstraction des superstitions et des futilités, à aller à la bibliothèque, au musée, au cinéma, à scolariser les enfants et à veiller à leur bonne réussite scolaire. L'imam se contente de ressasser et ruminer l'aspect strictement liturgique de la religion et en oublie l'esprit-même ainsi que les valeurs. L'imam dans une société conservatrice comme la nôtre, a aussi un rôle social décisif puisqu'il est plus en contact avec la population qu'un enseignant. Cela n'aurait rien de trop "progressiste" qu'un imam invite les fidèles à s'instruire à l'occasion de son prêche du vendredi, ou bien en leur disant que le bon croyant est celui qui tire l'oumma vers le haut et qui œuvre dans l'intérêt général pour le développement de sa nation. Ceci aurait été simplement normal, car l'islam est ouvert aux sciences et à toutes les formes de connaissance. L'islam oblige à s'instruire, car le message coranique n'est accessible qu'aux instruits.
L'imam a une grande influence sur les croyants et un rôle d'éducateur dans certains endroits reculés où il est parfois, malheureusement, "le borgne au royaume des aveugles". Et comme les fidèles sont plus à l'écoute et attentifs au discours de l'imam le vendredi qu'aux rapports ministériels ou ceux du CESE, l'imam pourrait tout en gardant sa neutralité vis-à-vis de la politique et en s'exprimant dans les limites posées par le ministère des Habbous, encourager les fidèles à s'accomplir en tant que croyants en s'accomplissant d'abord en tant que citoyens responsables et utiles.
Quand est-ce que la mosquée a cessé d'être un lieu de réflexion et de savoir? N'est-ce pas renier nos savants, nos philosophes et nos intellectuels, notre passé et notre religion que d'avoir placé la foi avant la connaissance? Si le Maroc est un pays musulman, il doit dédier au savoir le même amour qu'il dédie à Dieu.
Faut-il rappeler aussi ce saint verset du Coran: "Qoul hal yastawi al-ladhina ya'lamouna wa al-ladhina la ya'lamoun?" ("Dis! Peut-on mettre sur le même pied d'égalité le savant et l'ignorant?")?
Ceux qui croient en la parole divine et qui craignent le jour du Jugement dernier, ce jour-là ils ne seront pas jugés pour le nombre d'heures passées à effectuer des prières et des jeûnes facultatifs en calculant la somme de leurs "hassanat" (bienfaits) comme des points sur une calculatrice, mais pour la droiture de leur comportement et pour la valeur ajoutée que leur existence aura apporté ou non à la société.
Le travail est en lui-même un acte de dévotion. La quête du savoir et de la sagesse est en elle-même un acte de dévotion. Un croyant qui passe son temps à la mosquée ne saurait se hisser au même niveau qu'un individu moins puritain mais qui est absorbé par son travail, qui accomplit ses responsabilités professionnelles et familiales et qui par-dessus tout essaie tout de même de trouver du temps pour remercier son Créateur et le temps de lire et de s'instruire. L'un ne va pas sans l'autre.
La foi a besoin de la science et réciproquement. Le jour du Jugement dernier, nous aurons des comptes à rendre pour avoir succombé à la paresse et au confort de notre ignorance et serons questionnés non seulement à propos de nos richesses amassées mais aussi à propos du temps que nous auront gaspillé à ne rien faire d'utile ni pour nous-mêmes (accomplissement personnel par la connaissance et la quête de la sagesse), ni pour la société et nos concitoyens (éducation et scolarisation de nos enfants).
L'exemple de la religion est développé ici car la religion au Maroc est encore l'un des rares moteurs, l'une des rares causes de mobilisation et de sursaut chez une société encore très conservatrice. Peut-être qu'en rappelant à tous ceux qui se disent musulmans, croyants et pratiquants, que l'analphabétisme est une honte en islam, cela les fera réfléchir et surtout agir. Après des décennies de mutisme et d'échecs, la religion pourrait être l'ultime recours pour que la société s'indigne enfin et regarde en face les terribles chiffres de l'analphabétisme. Des chiffres qui doivent faire rougir chaque Marocain et Marocaine. Un véritable musulman devrait avoir honte de vivre 1400 ans après l'annonce du message coranique dans un pays où une grande partie de la population ne sait ni lire ni écrire et qui se dit pourtant, sans vergogne, musulmane.
Donc, à tous ceux qui n'œuvrent pas pour le développement du secteur de l'éducation, si vous ne le faites pas pour le bien du peuple marocain, faites-le au moins pour ce Dieu que vous craignez!
En somme, être fier d'être marocain et être un bon patriote, c'est aussi être fier de dire que l'on a honte des écueils qui entravent le développement de sa patrie, et les dénoncer. Ce n'est pas seulement être fier de partager la vidéo d'Amanda Cerny en train de verser de l'"Attay Mchehher" dans son riad verdoyant à Marrakech qui pompe l'eau de toute la région d'El Haouz.
Il y a beaucoup de belles choses au Maroc mais notre amour pour notre pays ne doit pas nous dispenser de lever le voile sur ses maux. L'ignorance est une honte. Tant que les Marocains n'ont pas assez honte d'être citoyens d'un pays à l'éducation en berne, où ni l'égalité des chances ni l'avenir de sa jeunesse ne sont assurés, il ne leur restera que très peu de choses dont ils peuvent être fiers.
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