POLITIQUE - L'arrivée des islamistes modérés au pouvoir témoigne de leur adoption d'un pragmatisme politique qui trouve son explication dans l'importance que les dirigeants du Parti de la justice et du développement (PJD) accordent à leur intégration dans le jeu institutionnel. Ces derniers ont bien tiré les leçons des années de tension avec le système politique et sont arrivés à mesurer les limites de leurs objectifs politiques.
En inscrivant son choix dans un agenda qui le distingue du mouvement d'Al Adl Wal Ihssane (Justice et Bienfaisance), le Parti de la justice et du développement considère la Commanderie des croyants comme le socle institutionnel. Les islamistes du PJD ont, tout au long de leur cheminement, multiplié les gages de leur loyauté envers la monarchie et leur disposition à endosser le rôle des "islamistes défenseurs du trône". Les propos des dirigeants politiques de ce parti reflètent une sorte de pragmatisme politique, qui implique leur acceptation de l'ordre institutionnel établi par la monarchie. Par conséquent, l'insertion progressive de ces derniers dans le système politique semble avoir contribué à renforcer la légitimité de la monarchie et de la commanderie des croyants comme fondements du régime.
Les leaders du PJD ont bien compris que la clé de leur victoire électorale est d'assimiler les règles du jeu politico-institutionnel. Une assimilation qui a été facilitée par leur participation ininterrompue depuis 1997 au travail parlementaire, ce qui a joué un rôle indéniable dans l'institutionnalisation de ce parti. Ainsi, l'apprentissage de la compétition politique par les islamistes du PJD se manifeste d'ores et déjà dans leur capacité à articuler le programme électoral aux exigences du champ politique et à s'ajuster à ses règles constitutionnelles. Ils ont, en effet, su faire face aux contraintes et aux nouvelles définitions de la situation munis de ressources hétérogènes.
L'action politique du PJD a été orientée par un principe directeur qui explique en grande partie sa stratégie participationniste, envisagée par les dirigeants du PJD comme étant un compromis. L'enjeu est d'apparaître comme un parti comme les autres. C'est pourquoi le PJD s'est lancé, depuis sa première participation électorale en 1997, dans une logique électorale à travers le développement d'une culture du compromis politique. Cette stratégie intentionnelle a permis aux islamistes du PJD d'assurer leur particularité distinctive, c'est-à-dire qu'ils se démarquent en tant que force islamiste, tout en jouant la carte d'inclusion politique.
On voit bien ainsi que leur mutation idéologique est tributaire d'une stratégie politique prônant la sécularisation formelle de leur discours politique. Aux yeux des dirigeants du PJD, l'exercice du métier politique suppose toutefois de rompre avec une vision "religieuse" du pouvoir. L'ambition affichée par ce parti est de modérer son discours politique et d'abandonner ses anciennes méthodes de mobilisation politiques afin qu'il puisse conquérir de nouveaux électeurs et conclure d'indispensables alliances politiques avec des forces partisanes "laïques".
C'est ainsi que la laïcisation devient l'un des fondements idéologiques du PJD. Cette laïcisation a été marquée par une volonté d'instrumentalisation de ce que Timur Kuran a qualifié de la falsification des préférences. Selon Jean-Noël Ferrié, il s'agit d'un mécanisme qui consiste dans le fait de n'énoncer publiquement que des préférences que l'on croit admissibles. En ce sens, on ne dit pas ce que l'on pense mais ce que les autres attendent que nous disions. Les motivations qui poussent le PJD à laïciser son discours politique ont pour effet d'ajuster son projet aux fondements du marché politique.
Le travail gouvernemental a également constitué une occasion importante pour la structuration de l'islamisme modéré marocain ainsi qu'un mécanisme de sa professionnalisation politique de premier plan. Par le truchement du bilan gouvernemental et de son usage à des fins électorales, les candidats du PJD ont su activer une nouvelle ressource politique à leur disposition. Ceci explique pourquoi leur campagne électorale était destinée à entretenir la croyance en l'utilité du travail gouvernemental et à accréditer l'idée qu'il s'agit d'une activité importante où se joue l'avenir de la société et celui des électeurs.
Cantonné durant des décennies dans l'opposition, le PJD se trouve du coup confronté au principe de la réalité. En d'autres termes, le passage à la logique de l'action s'est construit par les contraintes inhérentes à la gestion des affaires publiques par le gouvernement de Benkirane. On vise par là les difficultés rencontrées par ce gouvernement pour mettre en œuvre des réformes socio-économiques. A cela, il faut ajouter que les promesses électorales du PJD n'ont pas été tenues, telles que la lutte contre la corruption et le relèvement du SMIC à 3000 DH.
L'accès au pouvoir a obligé le PJD à développer des aptitudes nouvelles, notamment rhétoriques. Lors des élections législatives du 07 octobre 2016, la rhétorique électorale s'est donc articulée autour de la moralisation de la vie publique. Le PJD, qui se positionne comme le porte-drapeau de l'islamisme et des islamistes modérés au Maroc, se réfère souvent à des valeurs morales pour légitimer la prétention à se considérer comme le défenseur de la transparence. Il suffit pour s'en rendre compte de constater que la question "morale" est placée au cœur de l'agenda électoral de ce parti politique.
A travers l'encadrement partisan, la contrainte morale s'inscrit dans la règle que les candidats sont censés se donner, ce qui explique que leur programme électoral soit systématiquement forgé par elle. En ce sens, l'intérêt pour la politique peut résulter également de la croyance en une obligation morale ou religieuse, inculquant aux membres du PJD le devoir d'assumer pleinement leurs responsabilités de citoyens et de candidats. L'étude de la stratégie électorale adoptée par le PJD nous incite à renouveler non seulement l'objet de l'observation mais aussi la manière d'observer pour repérer les formes et les logiques partisanes de propagande.
En fait, le PJD a su s'impliquer davantage dans le jeu politico-institutionnel sans perdre le contact direct avec sa base et son électorat. Pour contourner cette difficulté, ce parti s'est doté d'un double: une association très présente sur le terrain qu'est le Mouvement de l'unification et de la réforme (MUR). Les campagnes électorales lancées par le PJD ont mis en évidence la force ainsi que le rôle joué par le MUR comme relais de propagande.
Le dynamisme du MUR réside dans sa capacité à mobiliser les électeurs derrière les candidats du PJD. Selon Flaurence Beage, les rôles se sont répartis de manière judicieuse: au MUR, la prédication (la da'wa) à travers une multitude d'associations qu'il chapeaute et qui fonctionnent comme une caisse de résonance idéologique, et au PJD la politique. Si ceci permet de respecter la loi, il complique cependant les choses quand il s'agit de mesurer le poids électoral du PJD.
Il importe également de constater que le souci de montrer que l'islam politique est compatible avec la démocratie, a enfermé le PJD dans une logique défensive, rendant ainsi instrumental son rapport à l'idée de démocratie. Il convient de souligner à cet égard que le jeu contradictoire des islamistes modérés sur les registres de démocratie et de modernité a fait planer le doute sur leur crédibilité. En témoigne la réaction du PJD à la question des libertés individuelles, qui a remis en cause le discours laïc adopté par les dirigeants de ce parti.
Pour Ahmed Assid, militant politique amazigh et laïc, "les islamistes ont montré qu'ils prenaient la forme de la démocratie mais qu'ils en rejetaient le contenu. Ils semblent en effet réduire la démocratie et la modernité à une bonne organisation et au recours aux nouvelles technologies. Mais alors, à quoi bon si c'est pour servir des valeurs non démocratiques ? Je pense notamment aux positions du PJD à l'égard de la parité ou des libertés". Les positions des islamistes modérés à l'égard des valeurs libérales sont en effet ambigües. Elles doivent constituer un vaste chantier pour la recherche en sciences politiques, en premier lieu pour les chercheurs qui s'interrogent sur la place de la démocratie dans l'idéologie politique des islamistes.
On observe que l'arrivée des islamistes modérés au pouvoir a actualisé le débat sur le rapport politique/religion et a en même temps donné lieu à des interrogations sur la nature de la relation que les partis islamistes entretiennent vis-à-vis des valeurs dites de "modernité". La polémique autour de la sécularisation de la société marocaine oppose aujourd'hui deux courants distincts: les laïcs, qui pensent que le dogme religieux constitue un obstacle à la modernisation, et les islamistes, qui se posent en défenseurs de la morale islamique.
En inscrivant son choix dans un agenda qui le distingue du mouvement d'Al Adl Wal Ihssane (Justice et Bienfaisance), le Parti de la justice et du développement considère la Commanderie des croyants comme le socle institutionnel. Les islamistes du PJD ont, tout au long de leur cheminement, multiplié les gages de leur loyauté envers la monarchie et leur disposition à endosser le rôle des "islamistes défenseurs du trône". Les propos des dirigeants politiques de ce parti reflètent une sorte de pragmatisme politique, qui implique leur acceptation de l'ordre institutionnel établi par la monarchie. Par conséquent, l'insertion progressive de ces derniers dans le système politique semble avoir contribué à renforcer la légitimité de la monarchie et de la commanderie des croyants comme fondements du régime.
Les leaders du PJD ont bien compris que la clé de leur victoire électorale est d'assimiler les règles du jeu politico-institutionnel. Une assimilation qui a été facilitée par leur participation ininterrompue depuis 1997 au travail parlementaire, ce qui a joué un rôle indéniable dans l'institutionnalisation de ce parti. Ainsi, l'apprentissage de la compétition politique par les islamistes du PJD se manifeste d'ores et déjà dans leur capacité à articuler le programme électoral aux exigences du champ politique et à s'ajuster à ses règles constitutionnelles. Ils ont, en effet, su faire face aux contraintes et aux nouvelles définitions de la situation munis de ressources hétérogènes.
L'action politique du PJD a été orientée par un principe directeur qui explique en grande partie sa stratégie participationniste, envisagée par les dirigeants du PJD comme étant un compromis. L'enjeu est d'apparaître comme un parti comme les autres. C'est pourquoi le PJD s'est lancé, depuis sa première participation électorale en 1997, dans une logique électorale à travers le développement d'une culture du compromis politique. Cette stratégie intentionnelle a permis aux islamistes du PJD d'assurer leur particularité distinctive, c'est-à-dire qu'ils se démarquent en tant que force islamiste, tout en jouant la carte d'inclusion politique.
On voit bien ainsi que leur mutation idéologique est tributaire d'une stratégie politique prônant la sécularisation formelle de leur discours politique. Aux yeux des dirigeants du PJD, l'exercice du métier politique suppose toutefois de rompre avec une vision "religieuse" du pouvoir. L'ambition affichée par ce parti est de modérer son discours politique et d'abandonner ses anciennes méthodes de mobilisation politiques afin qu'il puisse conquérir de nouveaux électeurs et conclure d'indispensables alliances politiques avec des forces partisanes "laïques".
C'est ainsi que la laïcisation devient l'un des fondements idéologiques du PJD. Cette laïcisation a été marquée par une volonté d'instrumentalisation de ce que Timur Kuran a qualifié de la falsification des préférences. Selon Jean-Noël Ferrié, il s'agit d'un mécanisme qui consiste dans le fait de n'énoncer publiquement que des préférences que l'on croit admissibles. En ce sens, on ne dit pas ce que l'on pense mais ce que les autres attendent que nous disions. Les motivations qui poussent le PJD à laïciser son discours politique ont pour effet d'ajuster son projet aux fondements du marché politique.
Le travail gouvernemental a également constitué une occasion importante pour la structuration de l'islamisme modéré marocain ainsi qu'un mécanisme de sa professionnalisation politique de premier plan. Par le truchement du bilan gouvernemental et de son usage à des fins électorales, les candidats du PJD ont su activer une nouvelle ressource politique à leur disposition. Ceci explique pourquoi leur campagne électorale était destinée à entretenir la croyance en l'utilité du travail gouvernemental et à accréditer l'idée qu'il s'agit d'une activité importante où se joue l'avenir de la société et celui des électeurs.
Cantonné durant des décennies dans l'opposition, le PJD se trouve du coup confronté au principe de la réalité. En d'autres termes, le passage à la logique de l'action s'est construit par les contraintes inhérentes à la gestion des affaires publiques par le gouvernement de Benkirane. On vise par là les difficultés rencontrées par ce gouvernement pour mettre en œuvre des réformes socio-économiques. A cela, il faut ajouter que les promesses électorales du PJD n'ont pas été tenues, telles que la lutte contre la corruption et le relèvement du SMIC à 3000 DH.
L'accès au pouvoir a obligé le PJD à développer des aptitudes nouvelles, notamment rhétoriques. Lors des élections législatives du 07 octobre 2016, la rhétorique électorale s'est donc articulée autour de la moralisation de la vie publique. Le PJD, qui se positionne comme le porte-drapeau de l'islamisme et des islamistes modérés au Maroc, se réfère souvent à des valeurs morales pour légitimer la prétention à se considérer comme le défenseur de la transparence. Il suffit pour s'en rendre compte de constater que la question "morale" est placée au cœur de l'agenda électoral de ce parti politique.
A travers l'encadrement partisan, la contrainte morale s'inscrit dans la règle que les candidats sont censés se donner, ce qui explique que leur programme électoral soit systématiquement forgé par elle. En ce sens, l'intérêt pour la politique peut résulter également de la croyance en une obligation morale ou religieuse, inculquant aux membres du PJD le devoir d'assumer pleinement leurs responsabilités de citoyens et de candidats. L'étude de la stratégie électorale adoptée par le PJD nous incite à renouveler non seulement l'objet de l'observation mais aussi la manière d'observer pour repérer les formes et les logiques partisanes de propagande.
En fait, le PJD a su s'impliquer davantage dans le jeu politico-institutionnel sans perdre le contact direct avec sa base et son électorat. Pour contourner cette difficulté, ce parti s'est doté d'un double: une association très présente sur le terrain qu'est le Mouvement de l'unification et de la réforme (MUR). Les campagnes électorales lancées par le PJD ont mis en évidence la force ainsi que le rôle joué par le MUR comme relais de propagande.
Le dynamisme du MUR réside dans sa capacité à mobiliser les électeurs derrière les candidats du PJD. Selon Flaurence Beage, les rôles se sont répartis de manière judicieuse: au MUR, la prédication (la da'wa) à travers une multitude d'associations qu'il chapeaute et qui fonctionnent comme une caisse de résonance idéologique, et au PJD la politique. Si ceci permet de respecter la loi, il complique cependant les choses quand il s'agit de mesurer le poids électoral du PJD.
Il importe également de constater que le souci de montrer que l'islam politique est compatible avec la démocratie, a enfermé le PJD dans une logique défensive, rendant ainsi instrumental son rapport à l'idée de démocratie. Il convient de souligner à cet égard que le jeu contradictoire des islamistes modérés sur les registres de démocratie et de modernité a fait planer le doute sur leur crédibilité. En témoigne la réaction du PJD à la question des libertés individuelles, qui a remis en cause le discours laïc adopté par les dirigeants de ce parti.
Pour Ahmed Assid, militant politique amazigh et laïc, "les islamistes ont montré qu'ils prenaient la forme de la démocratie mais qu'ils en rejetaient le contenu. Ils semblent en effet réduire la démocratie et la modernité à une bonne organisation et au recours aux nouvelles technologies. Mais alors, à quoi bon si c'est pour servir des valeurs non démocratiques ? Je pense notamment aux positions du PJD à l'égard de la parité ou des libertés". Les positions des islamistes modérés à l'égard des valeurs libérales sont en effet ambigües. Elles doivent constituer un vaste chantier pour la recherche en sciences politiques, en premier lieu pour les chercheurs qui s'interrogent sur la place de la démocratie dans l'idéologie politique des islamistes.
On observe que l'arrivée des islamistes modérés au pouvoir a actualisé le débat sur le rapport politique/religion et a en même temps donné lieu à des interrogations sur la nature de la relation que les partis islamistes entretiennent vis-à-vis des valeurs dites de "modernité". La polémique autour de la sécularisation de la société marocaine oppose aujourd'hui deux courants distincts: les laïcs, qui pensent que le dogme religieux constitue un obstacle à la modernisation, et les islamistes, qui se posent en défenseurs de la morale islamique.
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