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Cherche héros désespérément

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L'imprégnation de la notion d'héroïsme commence très tôt dans nos vies et avec elle débute l'identification aux héros.

Avec les contes de notre enfance chacun de nous a rêvé d'être ce paladin qui combat le mal, qui sauve sa bien-aimée ou sa communauté des mains d'une créature méchante ou d'un danger imminent. Les filles se voyaient à la place de cette belle et jeune princesse sauvée par un vaillant homme à la force surnaturelle qui tombera amoureux d'elle et qui défiera la terre entière pour l'épouser.

Quand on a dépassé l'âge de croire à ces histoires fantastiques, les héros ont revêtu un aspect plus humain. C'est les critères matérialistes qui entrent en jeux en remplaçant les valeurs morales de l'étape enfantine. Ce n'est plus la bravoure, la noblesse, le désintéressement, l'altruisme et en somme l'idéal du bien qui motivent nos modèles. C'est plutôt l'opulence, la célébrité, la réussite personnelle, la notoriété et l'envie de grandeur.

Qui de nous n'a pas été inconsciemment suggéré (à travers les contes ou via les propres rêves de ses parents) de rêvasser d'être un président de la République, un chanteur ou un médecin célèbre, un richissime homme d'affaire, un sportif de renommée mondiale?

Si l'un de nous continue à croire qu'il n'est pas obligé d'être un de ces modèles pour vivre heureux ce sont les médias et surtout la télévision qui se chargeront de le convaincre définitivement du contraire. S'il n'est pas une personne riche, connue ou influente, il sera un citoyen de second degré, une personne quelconque, il ne sera pas respecté pour ce qu'il est. Il finira probablement par ne plus avoir de l'estime pour lui-même. Et même indépendamment du regard des autres, notre ego et notre narcissisme innés ne seront pas satisfaits tant qu'on ne se sente pas supérieur aux autres d'une manière ou d'une autre, tant qu'on n'est pas un de ces héros stéréotypés.

Selon sa prédisposition et son caractère, on commence à intérioriser l'image d'un éventuel modèle auquel on veut s'identifier. C'est communément une star de football ou de cinéma, un chanteur ou un mannequin, un ministre ou un président, un présentateur télé. Rarement un savant, un écrivain ou un humaniste. Pour les puritains nostalgiques ça sera un des héros de l'âge d'or de l'islam.

D'ailleurs la notion d'héros a un caractère temporel et socioculturel. Les héros "nationaux" diffèrent selon l'époque, le pays et la culture. Aux siècles précédents c'était des guerriers, des philosophes, des scientifiques, des écrivains, de grands voyageurs, des résistants, des hommes de religion.

Cet idéal du héros ou cette aspiration à l'héroïsme me laisse perplexe en ce moment et ce pour plusieurs raisons.

La première, c'est lorsqu'on croit aux pouvoirs exceptionnels des héros comme c'est ancré dans l'inconscient collectif, ça pourrait engendrer la passivité face à des situations plus au moins complexes. On a alors tendance à attendre le sauveur, l'omnipotent par qui le salut viendra. Une telle attitude a été d'ailleurs très favorable à l'endoctrinement des peuples à travers l'histoire.

La seconde, c'est lorsqu'on se prend soi-même pour un héros, dans sa fougue narcissique c'est le chemin ouvert à tous les excès, à l'arrogance et à la non-remise en question sous-jacente. On en a la preuve entre autre avec la majorité de nos politiciens dont chacun prétend détenir la vérité ainsi que la recette miracle pour sauver le pays.

La question qui se pose naturellement est de savoir le degré d'importance de cette tendance dans nos vies. L'idéal du héros ou l'aspiration à l'héroïsme apporte-t-il plus de bien que de mal ou est-ce le contraire?

Certes, la vie serait probablement mortellement désespérante sans l'espoir d'atteindre son rêve. Dans ce sens, œuvrer durant sa vie pour atteindre un idéal serait incontestablement un leitmotiv non négligeable.

Par ailleurs, en essayant de revêtir la cape des héros, nous intériorisons l'idée de l'immortalité. Ainsi, nous faisons que continuer vainement à vouloir vaincre cette terrible et incontournable destinée qu'est la fin de vie. Chacun veut se démarquer pour laisser sa trace. C'est indéniablement difficile d'accepter que notre vie avec ses douleurs et ses combats, ses années d'études et de travail, ses ambitions et ses accomplissements disparaisse un jour comme si de rien n'était, comme si nous n'étions qu'une vulgaire chose sans signification.

Notre ego ne peut tolérer une telle aberration. C'est pourquoi chacun cherche un type de réconfort dans la singularité, dans la démarcation que représente l'identification à un modèle.

En contrepartie, l'aspiration à l'héroïsme a incontestablement, à mon avis, des retombées négatives sur nos vies.

D'abord, avec l'idéal du héros, on nous inculque en général un certain utopisme très à l'écart de la réalité. On grandit alors avec une idée très perfectionniste parfois naïve de la vie (le mérite par le travail, la justice de la vie, l'importance de l'honnêteté, ...) qui lorsqu'elle est confrontée avec la réalité peut engendrer de terribles déceptions et même des chocs émotionnels.

Ensuite, on a coutume de donner aux héros nationaux un caractère parfait, surhumain parfois.

Ceci rend certaines personnes incapables d'exceller puisqu'elles ne perçoivent pas en elle des traits extraordinaires la rendant digne d'un tel honneur et ne voient pas non plus que cet idéal est biaisé. Elles s'auto-dévalorisent au lieu de se poser la question suivante: pourquoi ces "héros" ont-t-ils pu réussir? Avaient-t-ils des qualités surnaturelles? Ont-ils appliqué les références et suivi les modèles de leur époque? Le contexte dans lequel ils ont vécu a-t-il était une condition sine qua non pour leur réussite? Ou peut-être les douleurs d'un échec ou les injustices subies de la vie les a poussé à se surpasser accomplissant en l'occurrence des "miracles"?

Enfin, une des retombées néfastes lorsqu'on croit avoir atteint son idéal héroïque dans un pays qui a montré son injustice et son ingratitude vis-à-vis de ses héros de leur vivant, il faut avoir une autosuffisance à toute épreuve pour continuer à vivre sans maudire toutes les années passées à essayer d'être reconnu. D'ailleurs combien de talents ont été brisés par cette attitude "nationale".

Je pense qu'il ne faut plus continuer à idéaliser les "héros" du passé en leur donnant un caractère surhumain et en omettant de parler de leurs aspirations humaines, de leurs conflits et leurs frustrations, des fautes qu'ils ont commises, de leurs viles défauts et de leurs faiblesses qui ont été sûrement pour quelque chose si ce n'est pour beaucoup dans leur réussite. C'est les faiblesses, les erreurs et les mauvaises expériences qui forgent l'être humain.

Ca serait plus judicieux d'apprendre à nos enfants qu'on peut ne pas être un quelconque héros ou une quelconque personne célèbre ou influente et qu'on peut vivre heureux, être utile pour les autres et pour son pays. Il n'y a rien de dégradant à cela.

Pourquoi ne pas les convaincre qu'on n'a pas forcément besoin d'héros pour être sauvés, qu'on n'a pas besoin de s'identifier à un "idéal biaisé" pour stimuler sa créativité et libérer cette énergie vitale extraordinaire qui sommeille au fond de chacun. Pourquoi ne pas leur apprendre à assumer leurs spécificités et leurs particularités au même titre que leurs "banalités" ou anonymat.

Pourquoi ne pas essayer de les persuader que la vie n'a pas besoin de gigantesques sauts pour avancer? Des petites contributions même infinitésimales lorsqu'elles se réunissent peuvent générer l'inimaginable et créer l'extraordinaire. Mais encore faut-il y croire!



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