Le rite des 100 premiers jours du Gouvernement d'Union Nationale (GUN) est l'occasion d'un premier bilan de son action. A ce propos, on peut dire: Rien à Signaler.
Sur les dossiers importants, emplois jeunes, corruption, développement régional... Ce qui a été écrit à propos des 100 jours de Laarayedh, Jomâa ou Essid peut être repris tel quel. La seule différence réside dans le fait que le gouvernement actuel a été formé sous l'étiquette "Union nationale".
C'est ce qualificatif - avec tout ce qu'il véhicule comme charge idéologique et politique- qui nous a semblé intéressant, plus que les réalisations du gouvernement dont on a vite fait le tour.
Le chef du gouvernement, comme beaucoup de jeunes tunisien(ne)s, ne savent peut-être pas qu'au cours de l'histoire de la Tunisie, le recours à l' "Union Nationale" fut un mot d'ordre souvent agité par le PSD puis le RCD pour annoncer et justifier les campagnes d'étouffement des libertés publiques et de répression. C'est dire s'il représente un mauvais souvenir pour les démocrates et militants syndicalistes et politiques qui en ont été les victimes.
Est-ce-que ceci veut dire que l'usage du vocable n'est l'apanage que des régimes autoritaires? Nullement. Dans les pays de vieille tradition démocratique, on fait appel à l'Union Nationale, mais dans des circonstances exceptionnelles et, généralement, pour faire face à une catastrophe naturelle, une agression étrangère ou une épidémie dévastatrice.
Si le vocable "Union Nationale" entre les mains des politiques suscite autant de suspicions, c'est tout simplement parce que la nation appartenant à tous, les partis ou les dirigeants politiques ne peuvent se l'approprier, y admettre ceux qu'ils veulent bien admettre, ou en exclure ceux qui ne partagent pas leurs choix. Exemple: le fait que le "Front populaire" n'ait pas participé à la coalition gouvernementale, en fait-il un paria ou un traître à la cause nationale?
Laissons donc la Nation aux nationaux dans leur diversité, qu'ils soient de Thala ou de Carthage, et parlons plutôt d'une coalition gouvernementale sur la base d'un texte libellé "Document de Carthage" qui a la prétention d'un programme politique, mais qui n'est en fait qu'une série de promesses et de vœux pieux sur lesquels tous les gouvernements précédents ont déjà pris des engagements sans jamais les tenir.
Et pour preuve, l'UGTT a rapidement sonné le glas du "Document de Carthage" en signifiant au chef du gouvernement son désaccord sur sa lecture néolibérale du texte, et sur les lignes rouges à ne pas dépasser concernant son mode de gouvernance du pays.
D'autre part, il est légitime de se demander si un conclave de représentants de partis et des conciliabules à propos de quotas de postes de ministériels, fait gagner en crédibilité la "transition démocratique tunisienne".
Si la méthode adoptée pour constituer le GUN avait pour premier souci de présenter à une opinion publique tunisienne, largement déçue par la classe politique, le tableau idyllique de partis unis et tous d'accord toutes tendances confondues; on peut en douter.
En effet, la tâche de la transition démocratique n'est pas de gommer des différences idéologiques et politiques à travers un consensus forcé et une unité factice, mais de construire un véritable pluralisme de telle sorte que ce soit les tunisiens - et pas exclusivement les élites et leurs lobbys - qui prennent en charge les destinées de leur pays et son avenir.
Paradoxalement, la priorité dans un processus démocratique et dans une phase transitoire est d'éduquer les citoyens et les élites politiques à la "diversité nationale" pour leur apprendre à dialoguer, à accepter les différences, à faire des choix conscients et responsables entre plusieurs politiques et plusieurs modèles de société.
Le GUN aurait pu être un gouvernement d'alternative s'il s'était plié à un exercice de démocratie politique et institutionnelle impliquant des partis réellement représentatifs avec un véritable ancrage social et porteurs de programmes politiques, à court et à long-terme, clairs.
Il ne s'agit pas dans ce propos de faire porter au GUN ou au chef de gouvernement la responsabilité de cinq années de désillusion des tunisien(ne)s. Ce que nous vivons aujourd'hui avec des dirigeants censés tourner la page d'un régime dictatorial et de son clan mafieux, n'est le résultat d'un processus politico-institutionnel commencé beaucoup plus tôt.
Quand on se remémore l'enthousiasme révolutionnaire des jeunes et le mouvement populaire des mois qui ont suivi le 14/01/2011, on est en droit de se demander si la Haute Instance de mars 2011 n'a pas, en dernière analyse, servi à phagocyter "la réalisation des objectifs de la révolution" en quadrillant et anesthésiant les mouvements populaires; puis de canaliser la transition démocratique vers une seule alternative, une seule issue: les élections et le droit de fonder des partis.
Aujourd'hui, nous pouvons dire que ce choix fortement teinté d'une vision juridique et formaliste du changement où la primauté est accordée à l'aspect procédurier, a très vite montré ses propres limites. Ont vu le jour une pléthore de partis sans assises populaires et sans vision politique.
Certains ressemblant plus à des PME mobilisées dans la compétition électorale plus pour la promotion de leur chef et pour des sièges à conquérir que pour la défense de la dignité et de la liberté que les tunisiens attendent d'eux.
Le spectacle offert au citoyen au sein de l'Assemblée Nationale Constituante puis de l'Assemblée des Représentants du Peuple et sur les plateaux télé, par les gesticulations folkloriques et les foires d'empoigne de certains députés a vite fait de décrédibiliser la classe politique et, plus grave, le processus démocratique aux yeux de l'opinion publique.
La transition tunisienne n'est pas une découverte de la Haute instance. Sa formule et son application datent déjà des expériences portugaises ou est-européennes. Le crédo de la Transitologie est de poser la démocratie comme un effet institutionnel et non comme la dynamique même de mouvements sociaux.
Les institutions d'abord, la démocratie après: telle est la logique des juristes de la transition qui s'attellent d'abord et avant tout à la mise en place des procédures, des instances, présidents, commissions, dans un cadre prédéfini par l'idéologie néolibérale.
De même, il n'y a pas à s'étonner des choix économiques et des mesures sociales prônées par le GUN dont la loi des finances 2017 annonce la couleur. La transition tunisienne reproduit le modèle international qui parle de transition vers l'État de droit, vers la démocratie et vers... l'économie néolibérale.
Aujourd'hui, le sentiment est que cette transition dans laquelle on a enfermé la Tunisie lors de ses premiers pas vers la démocratie, n'a servi que les élites politiques nouvelles et anciennes. Ces dernières s'en sont servies de tremplin au pouvoir et aux privilèges qui vont avec. Plus inquiétant, la résurrection des thuriféraires de la dictature de Ben Ali et de son régime mafieux dans leur nouvel accoutrement de "super-démocrate", est en train d'épuiser le capital de confiance des tunisiens en la politique.
Le citoyen tunisien en vient à se demander si la révolution et ses promesses n'ont pas été jetées aux oubliettes de l'histoire. Réduit au rôle de spectateur, il observe le décorum institutionnel et la politique-spectacle qui va avec et se demande s'ils servent vraiment à quelque chose et s'ils allègent un tant soit peu son fardeau quotidien.
Pire, des tunisien(ne)s commencent à regretter le temps de BEN ALI et sa dictature!
Sur les dossiers importants, emplois jeunes, corruption, développement régional... Ce qui a été écrit à propos des 100 jours de Laarayedh, Jomâa ou Essid peut être repris tel quel. La seule différence réside dans le fait que le gouvernement actuel a été formé sous l'étiquette "Union nationale".
C'est ce qualificatif - avec tout ce qu'il véhicule comme charge idéologique et politique- qui nous a semblé intéressant, plus que les réalisations du gouvernement dont on a vite fait le tour.
Le chef du gouvernement, comme beaucoup de jeunes tunisien(ne)s, ne savent peut-être pas qu'au cours de l'histoire de la Tunisie, le recours à l' "Union Nationale" fut un mot d'ordre souvent agité par le PSD puis le RCD pour annoncer et justifier les campagnes d'étouffement des libertés publiques et de répression. C'est dire s'il représente un mauvais souvenir pour les démocrates et militants syndicalistes et politiques qui en ont été les victimes.
Est-ce-que ceci veut dire que l'usage du vocable n'est l'apanage que des régimes autoritaires? Nullement. Dans les pays de vieille tradition démocratique, on fait appel à l'Union Nationale, mais dans des circonstances exceptionnelles et, généralement, pour faire face à une catastrophe naturelle, une agression étrangère ou une épidémie dévastatrice.
Si le vocable "Union Nationale" entre les mains des politiques suscite autant de suspicions, c'est tout simplement parce que la nation appartenant à tous, les partis ou les dirigeants politiques ne peuvent se l'approprier, y admettre ceux qu'ils veulent bien admettre, ou en exclure ceux qui ne partagent pas leurs choix. Exemple: le fait que le "Front populaire" n'ait pas participé à la coalition gouvernementale, en fait-il un paria ou un traître à la cause nationale?
Laissons donc la Nation aux nationaux dans leur diversité, qu'ils soient de Thala ou de Carthage, et parlons plutôt d'une coalition gouvernementale sur la base d'un texte libellé "Document de Carthage" qui a la prétention d'un programme politique, mais qui n'est en fait qu'une série de promesses et de vœux pieux sur lesquels tous les gouvernements précédents ont déjà pris des engagements sans jamais les tenir.
Et pour preuve, l'UGTT a rapidement sonné le glas du "Document de Carthage" en signifiant au chef du gouvernement son désaccord sur sa lecture néolibérale du texte, et sur les lignes rouges à ne pas dépasser concernant son mode de gouvernance du pays.
D'autre part, il est légitime de se demander si un conclave de représentants de partis et des conciliabules à propos de quotas de postes de ministériels, fait gagner en crédibilité la "transition démocratique tunisienne".
Si la méthode adoptée pour constituer le GUN avait pour premier souci de présenter à une opinion publique tunisienne, largement déçue par la classe politique, le tableau idyllique de partis unis et tous d'accord toutes tendances confondues; on peut en douter.
En effet, la tâche de la transition démocratique n'est pas de gommer des différences idéologiques et politiques à travers un consensus forcé et une unité factice, mais de construire un véritable pluralisme de telle sorte que ce soit les tunisiens - et pas exclusivement les élites et leurs lobbys - qui prennent en charge les destinées de leur pays et son avenir.
Paradoxalement, la priorité dans un processus démocratique et dans une phase transitoire est d'éduquer les citoyens et les élites politiques à la "diversité nationale" pour leur apprendre à dialoguer, à accepter les différences, à faire des choix conscients et responsables entre plusieurs politiques et plusieurs modèles de société.
Le GUN aurait pu être un gouvernement d'alternative s'il s'était plié à un exercice de démocratie politique et institutionnelle impliquant des partis réellement représentatifs avec un véritable ancrage social et porteurs de programmes politiques, à court et à long-terme, clairs.
Il ne s'agit pas dans ce propos de faire porter au GUN ou au chef de gouvernement la responsabilité de cinq années de désillusion des tunisien(ne)s. Ce que nous vivons aujourd'hui avec des dirigeants censés tourner la page d'un régime dictatorial et de son clan mafieux, n'est le résultat d'un processus politico-institutionnel commencé beaucoup plus tôt.
Quand on se remémore l'enthousiasme révolutionnaire des jeunes et le mouvement populaire des mois qui ont suivi le 14/01/2011, on est en droit de se demander si la Haute Instance de mars 2011 n'a pas, en dernière analyse, servi à phagocyter "la réalisation des objectifs de la révolution" en quadrillant et anesthésiant les mouvements populaires; puis de canaliser la transition démocratique vers une seule alternative, une seule issue: les élections et le droit de fonder des partis.
Aujourd'hui, nous pouvons dire que ce choix fortement teinté d'une vision juridique et formaliste du changement où la primauté est accordée à l'aspect procédurier, a très vite montré ses propres limites. Ont vu le jour une pléthore de partis sans assises populaires et sans vision politique.
Certains ressemblant plus à des PME mobilisées dans la compétition électorale plus pour la promotion de leur chef et pour des sièges à conquérir que pour la défense de la dignité et de la liberté que les tunisiens attendent d'eux.
Le spectacle offert au citoyen au sein de l'Assemblée Nationale Constituante puis de l'Assemblée des Représentants du Peuple et sur les plateaux télé, par les gesticulations folkloriques et les foires d'empoigne de certains députés a vite fait de décrédibiliser la classe politique et, plus grave, le processus démocratique aux yeux de l'opinion publique.
La transition tunisienne n'est pas une découverte de la Haute instance. Sa formule et son application datent déjà des expériences portugaises ou est-européennes. Le crédo de la Transitologie est de poser la démocratie comme un effet institutionnel et non comme la dynamique même de mouvements sociaux.
Les institutions d'abord, la démocratie après: telle est la logique des juristes de la transition qui s'attellent d'abord et avant tout à la mise en place des procédures, des instances, présidents, commissions, dans un cadre prédéfini par l'idéologie néolibérale.
De même, il n'y a pas à s'étonner des choix économiques et des mesures sociales prônées par le GUN dont la loi des finances 2017 annonce la couleur. La transition tunisienne reproduit le modèle international qui parle de transition vers l'État de droit, vers la démocratie et vers... l'économie néolibérale.
Aujourd'hui, le sentiment est que cette transition dans laquelle on a enfermé la Tunisie lors de ses premiers pas vers la démocratie, n'a servi que les élites politiques nouvelles et anciennes. Ces dernières s'en sont servies de tremplin au pouvoir et aux privilèges qui vont avec. Plus inquiétant, la résurrection des thuriféraires de la dictature de Ben Ali et de son régime mafieux dans leur nouvel accoutrement de "super-démocrate", est en train d'épuiser le capital de confiance des tunisiens en la politique.
Le citoyen tunisien en vient à se demander si la révolution et ses promesses n'ont pas été jetées aux oubliettes de l'histoire. Réduit au rôle de spectateur, il observe le décorum institutionnel et la politique-spectacle qui va avec et se demande s'ils servent vraiment à quelque chose et s'ils allègent un tant soit peu son fardeau quotidien.
Pire, des tunisien(ne)s commencent à regretter le temps de BEN ALI et sa dictature!
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