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Chérifa ou le chant essentiel

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Elle naquit à Elmayene dans un village de la petite Kabylie haut perché sur une des collines qui composent le tumulte de la rude géographie qui longe l'est de la vallée de la Soummam.

Elle connut une enfance difficile. Orpheline, elle fut élevée par son oncle qui vit d'un œil réprobateur son penchant à chanter. Jeune fille elle quitta son petit patelin et prit le train à la gare d'Akbou pour Alger : En regardant par la fenêtre du train le paysage alentour elle pérennisa ce moment du départ par son célèbre achewik : Abkaw aala khir a yakbou. (Au revoir Akbou).

Son chant est très apprécié du côté de cette Kabylie tenaillée par les Bibans et les Babors. Il constitue l'essentiel du répertoire des refrains des femmes et des hommes. Le frisson d'une terre quelle berce depuis longtemps.

Une journaliste de la télévision qui l'avait interviewée un jour et qui ne distinguait pas les particularités des régions de la Kabylie, lui a parlé de Malika Domrane. Finement Chérifa lui répondit : "ma fille, moi je suis kabyle de l'autre côté."

Oui, de ce côté où les femmes d'autrefois forgées par la rudesse de la vie quotidienne se cachaient sous leurs airs sévères une joie de vie qui éclatait durant leurs rassemblements de fête. Elles savaient bien festoyer et donner de la voix dans leurs villages engourdis par des conditions de vie extrêmes.


Elles faisaient tout pour ne rien rater de ces rencontres où le temps d'une après-midi elles se retrouvaient pour s'amuser et éloigner l'ennui de la monotonie écrite de leurs gestes quotidiens.

En dehors des fêtes de mariage, de circoncision, Il était d'usage aussi que les femmes du village se donnent le mot pour se retrouver le deuxième jour de l'aïd, par exemple, à un endroit précis.

Elles faisaient appel à celles qui excellaient dans le bendir, car il en fallait plusieurs, celles réputées pour leur danse ne devaient sous aucun prétexte s'absenter. De l'entrain de la cadence du "zhir" des bendirs et les claquements jusqu'à l'usure des mains de celles, debout, en ronde, qui les regardaient danser, allait dépendre les prestations des plus douées d'entre elles.

Les hommes, absents sans être loin, appréciaient cette ferveur qui emplissait, le temps d'une furtive après-midi, les murs et les toits de leurs masures.

Chérifa c'est aussi une transmission générationnelle, une émotion d'un moment intense. Comme ce jour où j'ai eu la grand plaisir d'assister à la commémoration du cinquantenaire de la mort de Malika Gaïd dans son village natal où une section de jeunes scouts est venue chanter des chansons patriotiques en Kabyle, notamment une reprise d'une chanson de Cherifa "Ledzair swachou ithehia" admirablement reprise par les jeunes bourgeons qui ont mis en émoi l'assistance qui derrière ses lunettes de soleil n'avait pu empêcher couler ses larmes.


Le chant de Chérifa et ses rythmes rassemblaient les jeunes et les moins jeunes autour d'un héritage qui se perd. Le moment d'une fête quand les plus âgées, souvent handicapées par le poids des années, s'arrachaient pour répondre à l'allant d'une voix profonde qui les prenaient, secouaient jusqu'à entrer en transe.




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