Coexister. Vivre les uns avec les autres. Vivre ensemble, malgré les différences, malgré la différence. Tel est le message que semble vouloir transmettre Mohammad Diab à travers son deuxième long-métrage « Clash ».
Pendant un peu plus d'une heure trente, le film tangue entre le monstrueusement humain et l'humainement monstrueux. Il met en scène un groupe de personnages, enfermé toute une journée dans un fourgon de police, lors des émeutes qui ont secoué l'Egypte durant l'été 2013.
La fourgonnette est bien le seul décor du film. C'est à et de l'intérieur de cet espace que le spectateur plonge dans la complexité des relations humaines secouées par la Révolution.
Deux journalistes couvrant les manifestations inaugurent l'espace en y étant brutalement jetés. Le film donne le ton. La presse, sous ses différentes formes, joue un rôle clé.
Malgré la confiscation de son appareil-photo, le journaliste continue à filmer grâce à une caméra insérée dans sa montre. Il filme pour informer d'abord et avant tout. Il est à la fois victime et témoin.
Son binôme, à l'intérieur de cet espace clos, étouffe ; tout comme les autres personnages qui sont progressivement poussés, avec la même violence, dans ce véhicule-prison, métaphore de l'enfermement.
L'air y est de plus en plus rare. On y suffoque. On y transpire. On y saigne. On y pleure. On y urine.
Le corps parle dans ce fourgon où les mots sont d'abord absents.
Le corps dit sa douleur, son humiliation, ses limites. Mais le corps dit aussi toute sa violence.
Dans ce huis-clos, la tension sociale s'exprime par le biais du regard, du geste, du mouvement. Les personnages ne communiquent que très peu les uns avec les autres - du moins au début du film- sauf à l'intérieur d'un même camp : celui des Frères musulmans et celui de ceux qui ne le sont pas.
Et encore, à l'intérieur même de ces deux groupes, grossièrement constitués, des subdivisions se créent : ceux qui payent leur cotisation aux Frères musulmans, ceux qui n'en sont que sympathisants d'une part ; ceux qui n'ont pas de revendication politique particulière, ceux qui sont anti- Frères musulmans par défaut d'autre part.
Les deux partis se scrutent du regard. La méfiance d'abord, la haine de l'autre ensuite, dominent les rapports. Les manifestations hystériques à l'intérieur du fourgon attisent les tensions.
La violence physique traverse le film, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du fourgon. Les personnages assistent à la mort en direct, à travers les grillages du véhicule mais aussi à travers la porte, ouverte, mais qu'étrangement personne ne se hasarde à franchir pour se retrouver à l'extérieur. Le dehors se révèle alors presque plus angoissant que le dedans.
Les scènes chaotiques de tirs, d'incendies, d'attaques, qui caractérisent les rues du Caire lors des violents affrontements s'accompagnent d'un bruit assourdissant et d'inquiétants faisceaux lumineux verts qui traversent l'espace, le fourgon, les personnages.
Du groupe constitué d'hommes de différentes classes d'âge et de différentes catégories sociales qui peuplent le véhicule, une femme émerge.
Magistralement interprété par Nelly Kareem, « Nagwa », infirmière de profession, est celle qui va panser tant bien que mal les blessures.
C'est elle qui va recoudre la plaie béante de son mari,blessé dans le fourgon, avec des fourches de fortune. Elle est aidée par Aisha, l'autre unique très jeune femme du fourgon, taraudée par la culpabilité d'avoir entraîné malgré elle son vieux père dans cette mésaventure.
C'est encore « Nagwa » qui va tenter de soigner la blessure du Frère musulman atteint au front lors d'une bagarre dans le véhicule mais en vain, puisque celui- ci refuse d'être touché par une femme. « Nagwa » se présente ainsi comme trait d'union entre les différents pôles à l'intérieur de la fourgonnette.
Elle tente d'apaiser les tensions et cherche un tant soit peu de sécurité pour elle mais aussi pour tous ceux qui l'entourent, toutes idéologies confondues.
Le fourgon est le lieu propice à la confrontation des idées une fois la parole libérée, une fois l'agressivité physique désamorcée.
A partir du moment où les personnages, se parlent, où ils s'écoutent, le dedans se rassérène, ne serait-ce que provisoirement. Le dialogue permet alors l'effacement progressif de la méfiance.
L'image diabolique que les uns avaient des autres s'estompe peu à peu.
Ainsi, par exemple, cet homme à l'allure de bandit, une lame continuellement sous la langue, s'avère être meurtri par l'assassinat de son unique compagnon, son chien, lors d'une manifestation; cet autre personnage, un Frère musulman à l'obésité caricaturale, se révèle être un artiste en mal de reconnaissance, chantant d'abord des chants religieux puis une chanson de Nancy Ajram.
En parlant et en s'écoutant, réciproquement les uns et les autres, les personnages créent un autre rapport à l'altérité, plus assaini. Les divisions sont alors moins marquées et les esprits plus à même d'envisager des solutions pour sortir de l'enfermement dans lequel ils se trouvent.
L'idée de vengeance, si présente au début du film, s'atténue progressivement à l'intérieur du fourgon, alors qu'elle garde cette même charge explosive à l'extérieur. La foule déchaînée manifeste dans les rues.
Les confrontations avec la police et les militaires sont de plus en plus, agressives, de plus en plus brutales. Le chaos est d'autant plus accentué qu'il n'est plus possible de savoir qui milite au profit de qui, qui s'insurge contre qui, qui défend la cause de qui.
Les troubles -Eshtebaqat - sont de plus en plus violents et la confusion, des identités, de plus en plus marquée.
A l'intérieur du fourgon, les cartes d'identité des personnages, confisquées au début du film, leur sont restituées à la fin par « Eweis ».
Ce policier qui avait bravé la hiérarchie s'était lui aussi retrouvé à l'intérieur du fourgon mais avait précieusement conservé les documents personnels des uns et des autres.
Encore une fois c'est d'abord et encore le personnage féminin de « Nagwa » qui s'apercevra de la croix tatouée à son poignet. Discrètement, elle la cachera pour protéger « Eweiss » d'éventuelles violences que pourraient lui faire subir les autres personnages du fourgon, parce qu'il est chrétien.
C'est ensuite un des Frères musulmans qui remarquera le geste du soldat en train de se signer et qui viendra le couvrir à son tour de sa veste.
L'expression « entraîné dans une même galère » prend tout son sens dans le film de Mohammad Diab. Enfermés dans un fourgon qui peine à rouler, les personnages de « Clash » représentent l'actuelle mosaïque sociale égyptienne.
La complexité de la situation ne peut se comprendre que par un effort de compréhension de l'Autre, d'écoute, de dialogue. Le long-métrage traite de la nécessaire coexistence entre les différentes composantes sociales, seule voie salvatrice, si tant est que le salut soit possible.
Pendant un peu plus d'une heure trente, le film tangue entre le monstrueusement humain et l'humainement monstrueux. Il met en scène un groupe de personnages, enfermé toute une journée dans un fourgon de police, lors des émeutes qui ont secoué l'Egypte durant l'été 2013.
La fourgonnette est bien le seul décor du film. C'est à et de l'intérieur de cet espace que le spectateur plonge dans la complexité des relations humaines secouées par la Révolution.
Deux journalistes couvrant les manifestations inaugurent l'espace en y étant brutalement jetés. Le film donne le ton. La presse, sous ses différentes formes, joue un rôle clé.
Malgré la confiscation de son appareil-photo, le journaliste continue à filmer grâce à une caméra insérée dans sa montre. Il filme pour informer d'abord et avant tout. Il est à la fois victime et témoin.
Son binôme, à l'intérieur de cet espace clos, étouffe ; tout comme les autres personnages qui sont progressivement poussés, avec la même violence, dans ce véhicule-prison, métaphore de l'enfermement.
L'air y est de plus en plus rare. On y suffoque. On y transpire. On y saigne. On y pleure. On y urine.
Le corps parle dans ce fourgon où les mots sont d'abord absents.
Le corps dit sa douleur, son humiliation, ses limites. Mais le corps dit aussi toute sa violence.
Dans ce huis-clos, la tension sociale s'exprime par le biais du regard, du geste, du mouvement. Les personnages ne communiquent que très peu les uns avec les autres - du moins au début du film- sauf à l'intérieur d'un même camp : celui des Frères musulmans et celui de ceux qui ne le sont pas.
Et encore, à l'intérieur même de ces deux groupes, grossièrement constitués, des subdivisions se créent : ceux qui payent leur cotisation aux Frères musulmans, ceux qui n'en sont que sympathisants d'une part ; ceux qui n'ont pas de revendication politique particulière, ceux qui sont anti- Frères musulmans par défaut d'autre part.
Les deux partis se scrutent du regard. La méfiance d'abord, la haine de l'autre ensuite, dominent les rapports. Les manifestations hystériques à l'intérieur du fourgon attisent les tensions.
La violence physique traverse le film, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du fourgon. Les personnages assistent à la mort en direct, à travers les grillages du véhicule mais aussi à travers la porte, ouverte, mais qu'étrangement personne ne se hasarde à franchir pour se retrouver à l'extérieur. Le dehors se révèle alors presque plus angoissant que le dedans.
Les scènes chaotiques de tirs, d'incendies, d'attaques, qui caractérisent les rues du Caire lors des violents affrontements s'accompagnent d'un bruit assourdissant et d'inquiétants faisceaux lumineux verts qui traversent l'espace, le fourgon, les personnages.
Du groupe constitué d'hommes de différentes classes d'âge et de différentes catégories sociales qui peuplent le véhicule, une femme émerge.
Magistralement interprété par Nelly Kareem, « Nagwa », infirmière de profession, est celle qui va panser tant bien que mal les blessures.
C'est elle qui va recoudre la plaie béante de son mari,blessé dans le fourgon, avec des fourches de fortune. Elle est aidée par Aisha, l'autre unique très jeune femme du fourgon, taraudée par la culpabilité d'avoir entraîné malgré elle son vieux père dans cette mésaventure.
C'est encore « Nagwa » qui va tenter de soigner la blessure du Frère musulman atteint au front lors d'une bagarre dans le véhicule mais en vain, puisque celui- ci refuse d'être touché par une femme. « Nagwa » se présente ainsi comme trait d'union entre les différents pôles à l'intérieur de la fourgonnette.
Elle tente d'apaiser les tensions et cherche un tant soit peu de sécurité pour elle mais aussi pour tous ceux qui l'entourent, toutes idéologies confondues.
Le fourgon est le lieu propice à la confrontation des idées une fois la parole libérée, une fois l'agressivité physique désamorcée.
A partir du moment où les personnages, se parlent, où ils s'écoutent, le dedans se rassérène, ne serait-ce que provisoirement. Le dialogue permet alors l'effacement progressif de la méfiance.
L'image diabolique que les uns avaient des autres s'estompe peu à peu.
Ainsi, par exemple, cet homme à l'allure de bandit, une lame continuellement sous la langue, s'avère être meurtri par l'assassinat de son unique compagnon, son chien, lors d'une manifestation; cet autre personnage, un Frère musulman à l'obésité caricaturale, se révèle être un artiste en mal de reconnaissance, chantant d'abord des chants religieux puis une chanson de Nancy Ajram.
En parlant et en s'écoutant, réciproquement les uns et les autres, les personnages créent un autre rapport à l'altérité, plus assaini. Les divisions sont alors moins marquées et les esprits plus à même d'envisager des solutions pour sortir de l'enfermement dans lequel ils se trouvent.
L'idée de vengeance, si présente au début du film, s'atténue progressivement à l'intérieur du fourgon, alors qu'elle garde cette même charge explosive à l'extérieur. La foule déchaînée manifeste dans les rues.
Les confrontations avec la police et les militaires sont de plus en plus, agressives, de plus en plus brutales. Le chaos est d'autant plus accentué qu'il n'est plus possible de savoir qui milite au profit de qui, qui s'insurge contre qui, qui défend la cause de qui.
Les troubles -Eshtebaqat - sont de plus en plus violents et la confusion, des identités, de plus en plus marquée.
A l'intérieur du fourgon, les cartes d'identité des personnages, confisquées au début du film, leur sont restituées à la fin par « Eweis ».
Ce policier qui avait bravé la hiérarchie s'était lui aussi retrouvé à l'intérieur du fourgon mais avait précieusement conservé les documents personnels des uns et des autres.
Encore une fois c'est d'abord et encore le personnage féminin de « Nagwa » qui s'apercevra de la croix tatouée à son poignet. Discrètement, elle la cachera pour protéger « Eweiss » d'éventuelles violences que pourraient lui faire subir les autres personnages du fourgon, parce qu'il est chrétien.
C'est ensuite un des Frères musulmans qui remarquera le geste du soldat en train de se signer et qui viendra le couvrir à son tour de sa veste.
L'expression « entraîné dans une même galère » prend tout son sens dans le film de Mohammad Diab. Enfermés dans un fourgon qui peine à rouler, les personnages de « Clash » représentent l'actuelle mosaïque sociale égyptienne.
La complexité de la situation ne peut se comprendre que par un effort de compréhension de l'Autre, d'écoute, de dialogue. Le long-métrage traite de la nécessaire coexistence entre les différentes composantes sociales, seule voie salvatrice, si tant est que le salut soit possible.
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