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Les 100 ans du Canard Enchaîné racontés en BD

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"Le Canard enchaîné" a fêté ses cent ans discrètement, comme on pouvait s'y attendre. Un numéro spécial avec quatre pages supplémentaires, et puis c'est tout. Il faut donc se tourner vers les rayons des librairies pour trouver matière à satisfaire sa curiosité. Un livre d'archives est annoncé au Seuil pour la fin du mois d'octobre, qui promet d'être passionnant.

Pour patienter jusque là, l'éditeur Les Arènes BD publie un intéressant ouvrage à destination des lecteurs du journal satirique: L'incroyable histoire du Canard enchaîné, 100 ans d'humour et de liberté. Le travail est sérieux, comme toujours avec cette jeune collection spécialisée dans le document en bandes dessinées qui, titre après titre, a su installer son identité et prouver sa pertinence. Seule concession à la gaudriole, l'histoire du Palmipède est racontée par un canard, évidemment inspiré de celui dessiné par Guilac qui orne toujours les frises du journal.

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Le Canard enchaîné est créé pendant la première guerre mondiale, période où la presse est à la fois vecteur de propagande et victime de la censure militaire. Maurice Maréchal, ancien rédacteur en chef du journal La Guerre Sociale propose à un dessinateur de presse de l'Humanité de le rejoindre pour créer un nouveau journal de gauche engagé et différent des autres. Une première version du Canard enchaîné s'arrête au bout de 5 numéros avant de renaître de ses cendres quelques mois plus tard. La rédaction définit un crédo: amuser en informant, et deux objectifs: moquer les puissants et dénoncer, à commencer par la culture de la guerre. 20% des premiers lecteurs sont d'ailleurs des poilus.

Le journal se joue de la censure, qui charcute de très nombreux articles, et piège "Anastasie" (le surnom donné aux ciseaux des censeurs) faisant interdire un texte pacifiste qui est en réalité un vieux poème de Victor Hugo. Les guerres mondiales ne réussissent pas au Volatile: il cesse de paraître pendant quatre ans après 1941, période pendant laquelle plusieurs de ses journalistes collaborent. Le fondateur Maurice Maréchal meurt avant que le journal ne renaisse une nouvelle fois en 1944, pour devenir le titre que l'on connaît aujourd'hui.

L'un des charmes de la lecture de cette Incroyable histoire du Canard enchaîné, c'est qu'on y traverse l'histoire politique du pays: l'affaire Stavisky, les manifestations du 6 février 1934, le retour de De Gaulle et les débuts de la Ve République, l'affaire Ben Barka, ou les événements de mai 68. L'ouvrage offre aussi quelques beaux portraits de compagnons de route du volatile, comme celui de Marie-Jeanne Picqueray, correctrice anarchiste et libertaire dans les années 1960.

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Dans sa dernière partie, l'ouvrage liste plus de 170 affaires et événements ayant fait l'histoire du journal jusqu'à nos jours, sous la forme de textes illustrés. La narration s'arrête alors de façon un peu surprenante aux années 1970, pour former un ouvrage en deux parties distinctes. On ne saura rien sur l'histoire de la rédaction ensuite. Dommage.

Reste que le livre restitue bien ce qui rend ce journal toujours aussi unique: une maquette et une pagination inchangées depuis des décennies, l'absence totale de publicité, l'indépendance chevillée aux plumes (le Canard au bord de la faillite refusa d'être racheté par Hachette dans les années 1950), et le souci de transparence vis-à-vis de ses lecteurs, qui le lui rendent bien. Le Canard vient de publier ses comptes et ses résultats, comme chaque année. Sa diffusion moyenne est de 392 214 exemplaires, des chiffres qui pulvérisent ceux des gros quotidiens. Quant au prix de vente, il n'a pas changé depuis vingt-cinq ans, encore une exception française.

Mais comme le rappelle la bande dessinée, tout n'a pas toujours été si facile, et les crises ont été nombreuses. Le Canard a connu l'an passé l'un de ses évènements les plus tragiques avec la mort de Cabu, son dessinateur emblématique, dans l'attentat de Charlie Hebdo. L'événement évoqué dans les toutes dernières pages rappelle tristement que le combat pour une presse libre et irrévérencieuse n'est jamais gagné, et que ce qui a été arraché pendant des décennies de combat pour l'indépendance et contre la censure, la corruption et les manipulations n'est jamais acquis pour toujours. Longue vie au Canard! Tant qu'il paraitra chaque mercredi dans nos kiosques, c'est que notre démocratie n'est pas encore complètement foutue.

LIRE AUSSI: Le réalisateur marocain Ayoub Qanir publie une bande-dessinée pour le quarantenaire de la Marche verte



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