La musique orientale s'échappe des haut-parleurs miteux. Elle guide la voiture sur son chemin du retour. Violemment, les bêlements d'une des deux bêtes, embarquées dans le large coffre, viennent casser le rythme entrainant des ouds et derboukas. Les piétinements de pattes sur le sol protégé de paille concurrencent les percussions radiophoniques. C'est jour de marché aux moutons à El Fahs, les affaires sont faites, la marchandise est embarquée. L'Aïd el Idha peut arriver.
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Trois heures auparavant, c'était le temps de l'observation, le temps du tâtonnement, le temps de la négociation. El Fahs, petite ville du Nord de la Tunisie, située à quelques 60 kms au Sud-Ouest de Tunis est une des principales régions de production de moutons du pays au même titre que Kairouan, Sidi Bouzid ou encore Kasserine. Chaque année, à l'approche de la fête de l'Aïd El Idha (dite aussi Aïd El Kebir), plusieurs milliers de tunisiens y viennent choisir et marchander la bête à sacrifier et qui ravira la famille et le voisinage. L'achat du mouton est le fruit d'une mûre réflexion.
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Les hésitations se bousculent et la chaleur ambiante qui règne sur le lieu, partiellement abrité, avive les discussions. Un jeu de regards s'installe, une partie de poker où l'enjeu est animal. Il vaut mieux prendre son temps. Bien que pour certains, le prix d'un mouton, qui oscillent entre 400 et 800 dinars tunisiens (pouvant parfois monter jusqu'à 1000 !), reste abordable (200-400 euros), il constitue pour d'autres un vrai investissement qui nécessite plusieurs mois d'économies. Le choix du mouton est un art.
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On tâte l'arrière-train pour s'assurer que la côte est longue et bombée, on vérifie la dentition, bon indicateur de l'âge de l'animal qui doit avoir dépassé un an. On le soupèse à la force de ses bras qui diminue à mesure que le temps passe. Ce commerce est principalement une affaire d'hommes. Quelques femmes viennent faire exception avec une détermination exemplaire, mais l'art du désaccord et des jérémiades est ici tout masculin.
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A peine interrompues par un sandwich harissa-thon, les négociations durent parfois des heures, le temps entre autres, de faire une grand tour pour mûrir la réflexion.
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L'Aïd el Idha (fête du sacrifice) est la fête la plus importante de l'Islam et à lieu le 10 du dernier mois du calendrier musulman ("dhou al hijja"). Elle célèbre la dévotion d'Ibrahim à qui Dieu aurait demandé de sacrifier son fils Ismaël sur un autel. Au moment de passer à l'acte, Dieu aurait envoyé l'archange Jibril (Gabriel) pour substituer au dernier moment l'enfant par un mouton qui servirait d'offrande sacrificielle. Les musulmans sont invités au cours de l'Aïd à sacrifier un animal selon les règles en vigueur: se comporter au mieux avec lui: "Ainsi lorsque vous tuez, tuez de manière parfaite et si vous égorgez, égorgez de manière parfaite. Que l'un de vous aiguise son couteau et qu'il apaise la bête qu'il égorge." (hadit 1955 rapportée par le rawi Ibn al-Hajjaj). La règle des trois tiers doit être respectée : un tiers du mouton pour soi-même, un tiers en cadeau aux amis et voisins et un tiers en aumône pour les pauvres.
![aid]()
Le marché se vide, les principales affaires sont faites, on tire de force les animaux peu convaincus du sort qui leur est destiné. Les véhicules se chargent avec énergie et le sacrifice approche. Il aura lieu dans quelques jours. On allume la radio et diffuse de la musique, comme pour oublier qu'un condamné à mort est inconfortablement installé dans notre coffre.
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Trois heures auparavant, c'était le temps de l'observation, le temps du tâtonnement, le temps de la négociation. El Fahs, petite ville du Nord de la Tunisie, située à quelques 60 kms au Sud-Ouest de Tunis est une des principales régions de production de moutons du pays au même titre que Kairouan, Sidi Bouzid ou encore Kasserine. Chaque année, à l'approche de la fête de l'Aïd El Idha (dite aussi Aïd El Kebir), plusieurs milliers de tunisiens y viennent choisir et marchander la bête à sacrifier et qui ravira la famille et le voisinage. L'achat du mouton est le fruit d'une mûre réflexion.

Les hésitations se bousculent et la chaleur ambiante qui règne sur le lieu, partiellement abrité, avive les discussions. Un jeu de regards s'installe, une partie de poker où l'enjeu est animal. Il vaut mieux prendre son temps. Bien que pour certains, le prix d'un mouton, qui oscillent entre 400 et 800 dinars tunisiens (pouvant parfois monter jusqu'à 1000 !), reste abordable (200-400 euros), il constitue pour d'autres un vrai investissement qui nécessite plusieurs mois d'économies. Le choix du mouton est un art.

On tâte l'arrière-train pour s'assurer que la côte est longue et bombée, on vérifie la dentition, bon indicateur de l'âge de l'animal qui doit avoir dépassé un an. On le soupèse à la force de ses bras qui diminue à mesure que le temps passe. Ce commerce est principalement une affaire d'hommes. Quelques femmes viennent faire exception avec une détermination exemplaire, mais l'art du désaccord et des jérémiades est ici tout masculin.

A peine interrompues par un sandwich harissa-thon, les négociations durent parfois des heures, le temps entre autres, de faire une grand tour pour mûrir la réflexion.

L'Aïd el Idha (fête du sacrifice) est la fête la plus importante de l'Islam et à lieu le 10 du dernier mois du calendrier musulman ("dhou al hijja"). Elle célèbre la dévotion d'Ibrahim à qui Dieu aurait demandé de sacrifier son fils Ismaël sur un autel. Au moment de passer à l'acte, Dieu aurait envoyé l'archange Jibril (Gabriel) pour substituer au dernier moment l'enfant par un mouton qui servirait d'offrande sacrificielle. Les musulmans sont invités au cours de l'Aïd à sacrifier un animal selon les règles en vigueur: se comporter au mieux avec lui: "Ainsi lorsque vous tuez, tuez de manière parfaite et si vous égorgez, égorgez de manière parfaite. Que l'un de vous aiguise son couteau et qu'il apaise la bête qu'il égorge." (hadit 1955 rapportée par le rawi Ibn al-Hajjaj). La règle des trois tiers doit être respectée : un tiers du mouton pour soi-même, un tiers en cadeau aux amis et voisins et un tiers en aumône pour les pauvres.

Le marché se vide, les principales affaires sont faites, on tire de force les animaux peu convaincus du sort qui leur est destiné. Les véhicules se chargent avec énergie et le sacrifice approche. Il aura lieu dans quelques jours. On allume la radio et diffuse de la musique, comme pour oublier qu'un condamné à mort est inconfortablement installé dans notre coffre.

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