Le Quartet de la Tunisie civile vit une générativité de sages alors que le Quartet de la Tunisie politique vit une crise d'adolescence.
Qu'UPL et Nidaa Tounes se confondent en un comportement créateur de tels conflits ne peut qu'être "considéré comme névrotique ou même comme étant à la limite de la psychose, mais que chez un adolescent ce conflit est un état normal".
Anna Freud ne pensait pas si bien décrire notre situation politique actuelle.
La realpolitik est un diktat: les transfuges entre partis ont existé, portés par leurs calculs que par leurs idéologies.
De deux choses l'une: soit Chafik Jarraya s'avère un surdoué du machiavélisme, soit le Quartet des Démissionnaires, Noureddine Ben Achour, Youssef Jouini, Ali Belakhoua et Ridha Ghandri, s'avère fondé dans sa décision de quitter son propre parti que la manipulation politique qu'on lui prête.
Après tout, c'est une union, patriotique, libre, non? La réaction de Slim Riahi tient du "Waqf" d'utilité partisane, dans le genre "Ah non! Pas d'OPA sur mon entreprise".
Mr Riahi, en politique aussi, le Takeover et l'Anti-Takeover existent. Et si demain, 25 députés de Nidaa Touness rejoignaient l'UPL, quitterait-il, lui, la coalition gouvernementale? Il n' y a pas de place pour les atermoiements.
Que Ridha Belhaj démissionne, soit. Geste noble moralement mais irréaliste politiquement.
Pendant qu'entre son congrès d'Ennahdha (où se faire élire à sa tête est le préambule à sa candidature pour 2019, parce qu'il y ira, croyez-moi) et ses arbitrages ad hoc anti-boudages, Rached Ghannouchi, de son vrai nom Rached Kheriji, se déploie en bon "pater de familia". Comme si Sarkozy allait voir Melenchon pour le réconcilier avec Hollande. Du pur "Khottab al Bab". Et mauvais en plus.
Nous, qui avons été exposés à soixante ans de vies politiques françaises et italiennes, n'avons retenu de répliquer que leurs chamailleries byzantines pour notre démocratie. Force est de constater que cette classe politique a si peu d'estime vis à vis de ce Peuple de Tunisie. Un piètre vaudeville qui dure depuis 2011.
BREF.
Pendant ce temps, une (autre) union, patriotique, libre et qui estime les Tunisiennes et les Tunisiens, était accueillie avec moult déférence à Montréal, le 16 mai, pour une conférence de Leaders Internationaux.
Ouided Bouchamaoui, Houcine Abassi, Abdessatar Ben Moussa, et Mohamed Fadhel Mahfoudh (absent pour raisons de santé et auquel nous adressons nos vœux de prompt rétablissement) étaient les invités de la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain pour partager leur expérience du Dialogue National, en tant que récipiendaires du Prix Nobel de la Paix.
La Ministre des Relations Internationales, de la Francophonie du Québec, ex-journaliste respectée de Radio-Canada, Christine Saint-Pierre, représentant son Premier Ministre, Philippe Couillard, a dans son allocution d'introduction, insisté sur le courage de l'UGTT, de l'UTICA, de la LTDH et de l'Ordre National des Avocats à sortir la Tunisie de la crise politique entre Février et Octobre 2013.
Devant le rang d'honneur de personnalités politiques, patronales, syndicales et civiles québécoises et en présence de notre Ambassadeur au Canada, de notre Consul de Montréal et du représentant de Tunisair, partenaire de la soirée - à partir du 16 juin, deux vols hebdomadaires seront à 9 heures de retrouvailles avec nos familles-, Mme Saint-Pierre annonçait que le secrétariat général du RECEF (Réseau des Compétences Électorales Francophones), situé dans les bureaux du Directeur général des élections du Québec, avait choisi la Tunisie pour son congrès en 2016.
Impensable il y a 5 ans de cela, nous sommes crédibles concrètement de part notre démocratie.
C'est un capital politique non négligeable vis à vis de l'opinion internationale tout aussi important que le capital des investissements extérieurs. Un thème qui de ma mémoire d'étudiant, depuis au moins 20 ans, ne cesse d'être ressasser à Tunis. Les IDE ci. Les IDE ça.
BREF.
Mme Bouchamaoui entama le bal en expliquant dans un français articulé (il faut l'écrire: bon nombre de nos concitoyens politiques ou pas, ne maîtrisent ni l'écrit ni le parlé de la langue de Molière, y compris nos fameux diplômés), que bien que nous avons "établi la démocratie et la liberté d'expression, quelque chose d'extraordinaire, ce qui reste après ce processus démocratique est aujourd'hui le processus économique et nos jeunes attendent aujourd'hui que leurs efforts soient réalisés. Nous sommes tenus tous de faire le nécessaire pour que nos jeunes, qui ont pris les rues, réalisent leurs aspirations de dignité et d'emploi."
Mr Ben Moussa a évoqué le processus de transition démocratique en rappelant que "c'est un processus long, qui ne se limite pas à (l'adoption d') une Constitution et à des élections. Certes, il faut la mise en place des institutions constitutionnelles, à commencer par la Cour Constitutionnelle, car sans celle-ci on ne peut pas contrôler la constitutionnalité des lois. Nous avons aussi l'Institut Supérieur de la Magistrature qui veille (en concomitance) à l'abrogation de certaines lois liberticides. Enfin, la décentralisation actée par la Constitution est une innovation importante dans la mesure où notre démocratie part de la base, c'est à dire des régions. Les élections (municipales) de mars 2017 achèveront de mettre en place la démocratie participative. Nous avons un régime parlementaire. Il est impossible de revenir à un régime présidentiel. Nous travaillons à consacrer l'état de droit des institutions ainsi que le respect des droits de la personne."
"Permettez-moi tout d'abord de parler en langue arabe, je crois qu'il y a dans cette salle, un grand nombre de concitoyens arabes" a enchainé Mr Abassi, dans un arabe littéraire, non pompeux, sur la portée de la Révolution pour la réalisation de la justice sociale et la liberté citoyenne.
Je résume 5 minutes de monologue fluide, posé et réfléchit. Nizar, concitoyen traducteur à la bonhommie Raffarin-ienne, devint ainsi la coqueluche du public québécois pour sa capacité à traduire, en apnée, les propos fleuves de notre leader syndical. Applaudissements nourris.
Premier constat, ce sont de vrais leaders, mus par l'action, et non par le verbe.
On détecte la pâte, le métier, le vécu au delà des pirouettes politiciennes.
Deuxième constat, nous avons compris comment leur amour pour la patrie était con-cret. "Il n'y a pas d'amour. Il n'y a que des preuves d'amour" écrivait Cocteau.
Houcine Abassi l'a illustré remarquablement: "Lorsque vous entamez un dialogue, il faut réfléchir au préalable tant aux conditions du succès qu'aux conditions de l'échec. Le climat politique pendant la période précédant la présentation de la feuille de route du Quartet (17 septembre 2013) était emprunt d'animosités, de tensions et d'impasses dues aux assassinats de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi - paix à leurs âmes - Cette pression était intenable pour la Tunisie.
Nous avons décidé d'agir, en concertation avec nos partenaires. En tout et pour tout, le Dialogue National, documenté en image et en son - une manne précieuse pour les historiens si le contenu en est dévoilé - est de 178 heures, fruits de plus de 1.400 heures de frictions entre partis auxquels j'ai apporté mon arbitrage. Nous avons aussi prévu un plan A (la feuille de route) et un plan B (le bâton). Nous avons eu recours au plan B dans 5 régions. Nous avons aussi bénéficié du concours de certains journalistes. Tout cela pour amener les partis à signer sans réserve l'adhésion à la feuille de route. Une page et demi pour sortir notre pays de l'abysse. Et nous avons réussi."
Abdessatar Ben Moussa expliqua auparavant que: "Nous avons du affronter 4 difficultés (décidément ce quatre est partout!). La première fut de convaincre les institutions de l'État du bien fondé de la feuille de route, car en tant que société civile nous n'avions aucune légitimité institutionnelle. La deuxième fut de convaincre les partis politiques d'adhérer à la feuille de route et de retirer leur confiance au gouvernement (Larayedh). La troisième fut l'application de la feuille de route car jusqu'à vendredi midi le Premier ministre refusait de partir invoquant le... weekend! La quatrième fut d'obtenir un consensus sur le nom du futur Premier ministre (Mehdi Jomaa) parmi 21 partis politiques!
Nous sommes passés prés de l'échec, et n'avons pu obtenir un accord commun qu'à 3 heures du matin. La semaine du 23 octobre 2013 fut terrible avec le martyr des six agents de la garde nationale - paix à leurs âmes - tués à Sidi Ali Ben Aoun". Applaudissements nourris.
"Il fallait trouver une solution (pour faire adhérer la classe politique à la feuille de route). Les gens nous attendaient, ils étaient impatients. Ce qui nous a sauvé, c'est notre conviction de convaincre et de vaincre. C'est par le dialogue et c'est par le consensus que nous y sommes parvenus. Qui dit consensus, dit qu'il faut des concessions, qu'il faut l'acceptation des uns et des autres, qu'il faut des changements de mentalités, qu'il faut avoir de nouvelles idées. Notre message était sincère.
Enfin, la fameuse question a été posée: "qu'attendez-vous de la communauté d'affaires, la communauté internationale et la diaspora?"
C'était le moment de vendre le produit "Tunisie". Erreur. Il fallait parler de nos propres réalisations, d'étayer notre stratégie pour les 20 prochaines années, et de déployer notre compas pour nos projets futurs. Nos invités ne furent pas à leur meilleur. J'estime qu'il faut manier avec parcimonie cette attitude de la vente-vente, du moins l'infuser subtilement. Nos trois personnalités, n'ont pas su convaincre l'auditoire, se retranchant derrière les clichés "has been".
En cœur, nous avons eu droit aux "Il fait chaud. Toute l'année, on a le soleil".
"La Tunisie n'a pas les moyens de faire sa transition démocratique". Un discours défaitiste de quémandeur de capitaux que je n'accepte pas au détriment d'un discours d'offreur de compétences et d'opportunités que recèle le pays.
"On demande la solidarité internationale pour encourager les investissements". "La Tunisie est un carrefour de civilisations". "Nous avons le tourisme". "Il y a le tourisme thermal. Il y a le tourisme saharien". "Nous avons un peuple accueillant, tolérant".
Le tourisme. Le tourisme. "Aidez-nous, si vous le faites, vous aidez la stabilité de la région et sa capacité à éradiquer le terrorisme". Oui, ok. Nous sommes néanmoins capables de meilleurs arguments.
En 2012, à la cérémonie d'ouverture des JO de Londres, un seul pays a réussi avec un seul coup de diplomatie, à faire parler de lui et de son tourisme. La République Tchèque, en honorant les traditions anglaises de la pluie, s'est retrouvée à la une des journaux du monde entier. Des paires de bottes bleues, pour toute sa délégation d'athlètes femmes et hommes, ont fait beaucoup plus que notre couscoussier et drapeau géants. Innovons. Soyons confiants sans être congruents.
Il n'en demeure pas moins trois notes positives (parce qu'il faut être constructif).
Un. "Encourager la formation professionnelle, car nous avons 600.000 chômeurs dont 250.000 diplômés." Yes M. Ben Moussa! La réussite de la Suisse dans ce domaine est éloquente.
Travaillons-nous avec les suisses dans ce domaine? Je n'ai pas entendu un discours qui démontrerait par la coopération internationale ce que nous sommes en train d'accomplir, ce qui séduirait par l'affirmative les pays que nous courtisons pour investir chez nous.
![ben moussa]()
Deux. Si nos protagonistes feront, et s'ils ne l'envisagent pas, ils feraient sérieusement de considérer, une tournée mondiale de conférences pour prêcher "l'expérience Tunisienne, à 1OO% Tunisienne avec des femmes tunisiennes parce que notre démocratie est une start-up qui mérite le meilleur." Yes Mme Bouchamaoui!
Le Quartet du Dialogue National ferait bien de ne pas attendre d'être invité, afin de surfer sur l'onde de crédibilité du #PrixNobelPaix.
En outre, il serait surtout opportun de roder leurs interactions pour faire passer le maximum de messages sans perdre leurs spontanéité. De un, de recruter un metteur en scène serait plus prolifique qu'un expert en communication politique. Je propose, et je suis sérieux, Leila Toubel ou Lamine Ennahdi qui incarnent la substantifique moelle de l'abnégation créative théâtrale. Il s'agit d'émouvoir. De deux, de recruter le meilleur agent de concerts/évènements par continent serait un must pour profiter de ses réseaux de diffusion et d'optimiser l'impact médiatique tant réseaux sociaux que presse écrite. Ces agents sont passés maître dans l'art de promouvoir, profitons-en.
Depuis hier, l'impact média ici est quasi nul: un seul article avec le mot "aider" donc toujours ce côté de pays assisté, vraiment réducteur!
La presse anglophone n'a pas relayée la visite. En passant, svp n'ayons pas peur de l'anglais!
Le monde parle anglais, à nous de nous adapter. Ces conférences réaliseraient des émoluments financiers, certes symboliques, mais qui pourraient par exemple alimenter la caisse de dédommagements des victimes de la dictature et du terrorisme. J'invite aussi le Quartet à faire une tournée dans nos régions, sillonnant le pays en long et en large pour expliquer au peuple "viva voce", ce qu'ils ont accompli. C'est un bien nécessaire pour l'estime nationale. Pour l'immigré que je suis, cela a fait réfléchir. Nous avons tous besoin de réfléchir pour agir.
![bouchamaoui]()
Trois. Le Maghreb. "Nous devons repenser notre rapport à l'UE, géant économique, qui négocie avec les pays du Maghreb séparément. Ce qui nous pénalise. Alors que si nous nous fédérons, nous créerons des opportunités de marchés et d'échanges profitables à nos économies et un réel pouvoir de négociation vis à vis de notre partenaire Européen. Mea culpa, nous aurions du appuyer plus dans cette direction" Yes M. Abassi!
Venant de la part d'un syndicaliste, c'est magistral de réalisme patronal. Comme par hasard, nous avons un allié de poids, si politiquement, on se résout à jouer cette carte stratégique. Le ministre tunisien Habib Ben Yahia, Secrétaire Général de l'Union du Maghreb Arabe, qui n'attendrait qu'un rôle à la mesure de son expertise en diplomatie économique pour travailler de concert avec le Secrétaire Général de l'Union Pour la Méditerranée, l'Ambassadeur Marocain Fathallah Sijilmassi, à la réalisation de cet espace économique. M. Abassi a aussi évoqué la question palestinienne, sous les applaudissements encore nourris.
![abassi]()
Je médite. Il n' y a pas de patriotisme. Il n'y a que des preuves de patriotisme.
Tous les défis, économie, éducation, citoyenneté, qui ont été évoqués à cette soirée ne sont pratiquement pas débattus en Tunisie par la classe politique, affairée à se maquiller pour les élections de 2019. Les journalistes font ce qu'ils peuvent mais ils ne pourront jamais se substituer au moteur des politiciens.
Je réalise que si la Tunisie n'avait pas reçu le prix Nobel de la Paix, ce Quartet sombrerait dans l'indifférence générale, et certainement l'oubli.
Je réalise aussi que nous avons chez nous un modèle de gestion (de crise) politique qui n'est pas adopté dans ses valeurs, dans ses élans par les partis.
Paradoxalement, la crise actuelle de la coalition UPL-Nidaa Tounes devrait tirer les enseignements d'une méthode qui marche. Hélas, "dawhi ya mbarka".
Je réalise que nous avons en Tunisie, quatre candidats, candides et concrets, pour élever la politique au rang qui lui revient, celui du service public.
Je réalise enfin que lorsque l'apolitique se mêle de politique, il est tangible comme son discours: clair, concis, précis. Alors que lorsque le politique se mêle de politique, il ne fait que de l'apolitique.
Le premier est générativité, humanisme, magnanimité, coriacité et efficacité.
Le second est adolescent, opportuniste, vaniteux, pédant et incapable.
Des trois que j'ai entendu hier, Ouided Bouchamaoui et Houcine Abassi me semblent présidentiables pour 2019. They get the job done.
Lorsque Houcine Abassi, en entendant la salle fredonner timidement l'hymne national, s'élance spontanément vers le pupitre à l'extrême gauche de la scène pour le chanter haut et fort, micro aidant, Tunisiennes et Tunisiens, on se dresse ensemble et chantons à gorges chaudes.
Mes larmes montent. "Sans les armes, il n'y a pas de larmes" avait si bien conclu Abdessatar Ben Moussa évoquant la question du terrorisme.
J'ai envie de crier "sans ce Nobel, serions-nous moins rebelles?" Non!
Bon sang, qu'est-ce qu'il nous fait du bien. Et à nos martyrs aussi, paix à leurs âmes.
Qu'UPL et Nidaa Tounes se confondent en un comportement créateur de tels conflits ne peut qu'être "considéré comme névrotique ou même comme étant à la limite de la psychose, mais que chez un adolescent ce conflit est un état normal".
Anna Freud ne pensait pas si bien décrire notre situation politique actuelle.
La realpolitik est un diktat: les transfuges entre partis ont existé, portés par leurs calculs que par leurs idéologies.
De deux choses l'une: soit Chafik Jarraya s'avère un surdoué du machiavélisme, soit le Quartet des Démissionnaires, Noureddine Ben Achour, Youssef Jouini, Ali Belakhoua et Ridha Ghandri, s'avère fondé dans sa décision de quitter son propre parti que la manipulation politique qu'on lui prête.
Après tout, c'est une union, patriotique, libre, non? La réaction de Slim Riahi tient du "Waqf" d'utilité partisane, dans le genre "Ah non! Pas d'OPA sur mon entreprise".
Mr Riahi, en politique aussi, le Takeover et l'Anti-Takeover existent. Et si demain, 25 députés de Nidaa Touness rejoignaient l'UPL, quitterait-il, lui, la coalition gouvernementale? Il n' y a pas de place pour les atermoiements.
Que Ridha Belhaj démissionne, soit. Geste noble moralement mais irréaliste politiquement.
Pendant qu'entre son congrès d'Ennahdha (où se faire élire à sa tête est le préambule à sa candidature pour 2019, parce qu'il y ira, croyez-moi) et ses arbitrages ad hoc anti-boudages, Rached Ghannouchi, de son vrai nom Rached Kheriji, se déploie en bon "pater de familia". Comme si Sarkozy allait voir Melenchon pour le réconcilier avec Hollande. Du pur "Khottab al Bab". Et mauvais en plus.
Nous, qui avons été exposés à soixante ans de vies politiques françaises et italiennes, n'avons retenu de répliquer que leurs chamailleries byzantines pour notre démocratie. Force est de constater que cette classe politique a si peu d'estime vis à vis de ce Peuple de Tunisie. Un piètre vaudeville qui dure depuis 2011.
BREF.
Pendant ce temps, une (autre) union, patriotique, libre et qui estime les Tunisiennes et les Tunisiens, était accueillie avec moult déférence à Montréal, le 16 mai, pour une conférence de Leaders Internationaux.
Ouided Bouchamaoui, Houcine Abassi, Abdessatar Ben Moussa, et Mohamed Fadhel Mahfoudh (absent pour raisons de santé et auquel nous adressons nos vœux de prompt rétablissement) étaient les invités de la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain pour partager leur expérience du Dialogue National, en tant que récipiendaires du Prix Nobel de la Paix.
La Ministre des Relations Internationales, de la Francophonie du Québec, ex-journaliste respectée de Radio-Canada, Christine Saint-Pierre, représentant son Premier Ministre, Philippe Couillard, a dans son allocution d'introduction, insisté sur le courage de l'UGTT, de l'UTICA, de la LTDH et de l'Ordre National des Avocats à sortir la Tunisie de la crise politique entre Février et Octobre 2013.
Devant le rang d'honneur de personnalités politiques, patronales, syndicales et civiles québécoises et en présence de notre Ambassadeur au Canada, de notre Consul de Montréal et du représentant de Tunisair, partenaire de la soirée - à partir du 16 juin, deux vols hebdomadaires seront à 9 heures de retrouvailles avec nos familles-, Mme Saint-Pierre annonçait que le secrétariat général du RECEF (Réseau des Compétences Électorales Francophones), situé dans les bureaux du Directeur général des élections du Québec, avait choisi la Tunisie pour son congrès en 2016.
Impensable il y a 5 ans de cela, nous sommes crédibles concrètement de part notre démocratie.
C'est un capital politique non négligeable vis à vis de l'opinion internationale tout aussi important que le capital des investissements extérieurs. Un thème qui de ma mémoire d'étudiant, depuis au moins 20 ans, ne cesse d'être ressasser à Tunis. Les IDE ci. Les IDE ça.
BREF.
Mme Bouchamaoui entama le bal en expliquant dans un français articulé (il faut l'écrire: bon nombre de nos concitoyens politiques ou pas, ne maîtrisent ni l'écrit ni le parlé de la langue de Molière, y compris nos fameux diplômés), que bien que nous avons "établi la démocratie et la liberté d'expression, quelque chose d'extraordinaire, ce qui reste après ce processus démocratique est aujourd'hui le processus économique et nos jeunes attendent aujourd'hui que leurs efforts soient réalisés. Nous sommes tenus tous de faire le nécessaire pour que nos jeunes, qui ont pris les rues, réalisent leurs aspirations de dignité et d'emploi."
Mr Ben Moussa a évoqué le processus de transition démocratique en rappelant que "c'est un processus long, qui ne se limite pas à (l'adoption d') une Constitution et à des élections. Certes, il faut la mise en place des institutions constitutionnelles, à commencer par la Cour Constitutionnelle, car sans celle-ci on ne peut pas contrôler la constitutionnalité des lois. Nous avons aussi l'Institut Supérieur de la Magistrature qui veille (en concomitance) à l'abrogation de certaines lois liberticides. Enfin, la décentralisation actée par la Constitution est une innovation importante dans la mesure où notre démocratie part de la base, c'est à dire des régions. Les élections (municipales) de mars 2017 achèveront de mettre en place la démocratie participative. Nous avons un régime parlementaire. Il est impossible de revenir à un régime présidentiel. Nous travaillons à consacrer l'état de droit des institutions ainsi que le respect des droits de la personne."
"Permettez-moi tout d'abord de parler en langue arabe, je crois qu'il y a dans cette salle, un grand nombre de concitoyens arabes" a enchainé Mr Abassi, dans un arabe littéraire, non pompeux, sur la portée de la Révolution pour la réalisation de la justice sociale et la liberté citoyenne.
Je résume 5 minutes de monologue fluide, posé et réfléchit. Nizar, concitoyen traducteur à la bonhommie Raffarin-ienne, devint ainsi la coqueluche du public québécois pour sa capacité à traduire, en apnée, les propos fleuves de notre leader syndical. Applaudissements nourris.
Premier constat, ce sont de vrais leaders, mus par l'action, et non par le verbe.
On détecte la pâte, le métier, le vécu au delà des pirouettes politiciennes.
Deuxième constat, nous avons compris comment leur amour pour la patrie était con-cret. "Il n'y a pas d'amour. Il n'y a que des preuves d'amour" écrivait Cocteau.
Houcine Abassi l'a illustré remarquablement: "Lorsque vous entamez un dialogue, il faut réfléchir au préalable tant aux conditions du succès qu'aux conditions de l'échec. Le climat politique pendant la période précédant la présentation de la feuille de route du Quartet (17 septembre 2013) était emprunt d'animosités, de tensions et d'impasses dues aux assassinats de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi - paix à leurs âmes - Cette pression était intenable pour la Tunisie.
Nous avons décidé d'agir, en concertation avec nos partenaires. En tout et pour tout, le Dialogue National, documenté en image et en son - une manne précieuse pour les historiens si le contenu en est dévoilé - est de 178 heures, fruits de plus de 1.400 heures de frictions entre partis auxquels j'ai apporté mon arbitrage. Nous avons aussi prévu un plan A (la feuille de route) et un plan B (le bâton). Nous avons eu recours au plan B dans 5 régions. Nous avons aussi bénéficié du concours de certains journalistes. Tout cela pour amener les partis à signer sans réserve l'adhésion à la feuille de route. Une page et demi pour sortir notre pays de l'abysse. Et nous avons réussi."
Sun-Tzu et Cocteau ne pouvaient mieux faire. Applaudissements nourris. Je pense à feu Farhat Hached. Il y a toujours eu chez nos leaders syndicaux un mélange de romance et d'acuité politiques.
Abdessatar Ben Moussa expliqua auparavant que: "Nous avons du affronter 4 difficultés (décidément ce quatre est partout!). La première fut de convaincre les institutions de l'État du bien fondé de la feuille de route, car en tant que société civile nous n'avions aucune légitimité institutionnelle. La deuxième fut de convaincre les partis politiques d'adhérer à la feuille de route et de retirer leur confiance au gouvernement (Larayedh). La troisième fut l'application de la feuille de route car jusqu'à vendredi midi le Premier ministre refusait de partir invoquant le... weekend! La quatrième fut d'obtenir un consensus sur le nom du futur Premier ministre (Mehdi Jomaa) parmi 21 partis politiques!
Nous sommes passés prés de l'échec, et n'avons pu obtenir un accord commun qu'à 3 heures du matin. La semaine du 23 octobre 2013 fut terrible avec le martyr des six agents de la garde nationale - paix à leurs âmes - tués à Sidi Ali Ben Aoun". Applaudissements nourris.
"Il fallait trouver une solution (pour faire adhérer la classe politique à la feuille de route). Les gens nous attendaient, ils étaient impatients. Ce qui nous a sauvé, c'est notre conviction de convaincre et de vaincre. C'est par le dialogue et c'est par le consensus que nous y sommes parvenus. Qui dit consensus, dit qu'il faut des concessions, qu'il faut l'acceptation des uns et des autres, qu'il faut des changements de mentalités, qu'il faut avoir de nouvelles idées. Notre message était sincère.
"Nous avons travaillé sans ambitions politiques, sans être partie prenante avec aucun parti politique. Ce dévouement pour le pays a fait que les gens ont cru en nous. Nous avons réussi à convaincre les partis politiques qui ont accepté de s'asseoir autour d'une même table. Pour l'Histoire, ce qui sera retenu, c'est le consensus. Et aujourd'hui, nous sommes en train de faire des réformes économiques dans le pays, et toutes ces réformes passent aussi par le consensus. Cette recette sera un modèle pour les générations futures, pour ne pas avoir de préjugés. Je pense que c'est quelque chose d'extraordinaire que nous avons appris par ce Dialogue (National)". Applaudissements nourris.
Enfin, la fameuse question a été posée: "qu'attendez-vous de la communauté d'affaires, la communauté internationale et la diaspora?"
C'était le moment de vendre le produit "Tunisie". Erreur. Il fallait parler de nos propres réalisations, d'étayer notre stratégie pour les 20 prochaines années, et de déployer notre compas pour nos projets futurs. Nos invités ne furent pas à leur meilleur. J'estime qu'il faut manier avec parcimonie cette attitude de la vente-vente, du moins l'infuser subtilement. Nos trois personnalités, n'ont pas su convaincre l'auditoire, se retranchant derrière les clichés "has been".
En cœur, nous avons eu droit aux "Il fait chaud. Toute l'année, on a le soleil".
"La Tunisie n'a pas les moyens de faire sa transition démocratique". Un discours défaitiste de quémandeur de capitaux que je n'accepte pas au détriment d'un discours d'offreur de compétences et d'opportunités que recèle le pays.
"On demande la solidarité internationale pour encourager les investissements". "La Tunisie est un carrefour de civilisations". "Nous avons le tourisme". "Il y a le tourisme thermal. Il y a le tourisme saharien". "Nous avons un peuple accueillant, tolérant".
Le tourisme. Le tourisme. "Aidez-nous, si vous le faites, vous aidez la stabilité de la région et sa capacité à éradiquer le terrorisme". Oui, ok. Nous sommes néanmoins capables de meilleurs arguments.
En 2012, à la cérémonie d'ouverture des JO de Londres, un seul pays a réussi avec un seul coup de diplomatie, à faire parler de lui et de son tourisme. La République Tchèque, en honorant les traditions anglaises de la pluie, s'est retrouvée à la une des journaux du monde entier. Des paires de bottes bleues, pour toute sa délégation d'athlètes femmes et hommes, ont fait beaucoup plus que notre couscoussier et drapeau géants. Innovons. Soyons confiants sans être congruents.
Il n'en demeure pas moins trois notes positives (parce qu'il faut être constructif).
Un. "Encourager la formation professionnelle, car nous avons 600.000 chômeurs dont 250.000 diplômés." Yes M. Ben Moussa! La réussite de la Suisse dans ce domaine est éloquente.
Travaillons-nous avec les suisses dans ce domaine? Je n'ai pas entendu un discours qui démontrerait par la coopération internationale ce que nous sommes en train d'accomplir, ce qui séduirait par l'affirmative les pays que nous courtisons pour investir chez nous.

Deux. Si nos protagonistes feront, et s'ils ne l'envisagent pas, ils feraient sérieusement de considérer, une tournée mondiale de conférences pour prêcher "l'expérience Tunisienne, à 1OO% Tunisienne avec des femmes tunisiennes parce que notre démocratie est une start-up qui mérite le meilleur." Yes Mme Bouchamaoui!
Le Quartet du Dialogue National ferait bien de ne pas attendre d'être invité, afin de surfer sur l'onde de crédibilité du #PrixNobelPaix.
En outre, il serait surtout opportun de roder leurs interactions pour faire passer le maximum de messages sans perdre leurs spontanéité. De un, de recruter un metteur en scène serait plus prolifique qu'un expert en communication politique. Je propose, et je suis sérieux, Leila Toubel ou Lamine Ennahdi qui incarnent la substantifique moelle de l'abnégation créative théâtrale. Il s'agit d'émouvoir. De deux, de recruter le meilleur agent de concerts/évènements par continent serait un must pour profiter de ses réseaux de diffusion et d'optimiser l'impact médiatique tant réseaux sociaux que presse écrite. Ces agents sont passés maître dans l'art de promouvoir, profitons-en.
Depuis hier, l'impact média ici est quasi nul: un seul article avec le mot "aider" donc toujours ce côté de pays assisté, vraiment réducteur!
La presse anglophone n'a pas relayée la visite. En passant, svp n'ayons pas peur de l'anglais!
Le monde parle anglais, à nous de nous adapter. Ces conférences réaliseraient des émoluments financiers, certes symboliques, mais qui pourraient par exemple alimenter la caisse de dédommagements des victimes de la dictature et du terrorisme. J'invite aussi le Quartet à faire une tournée dans nos régions, sillonnant le pays en long et en large pour expliquer au peuple "viva voce", ce qu'ils ont accompli. C'est un bien nécessaire pour l'estime nationale. Pour l'immigré que je suis, cela a fait réfléchir. Nous avons tous besoin de réfléchir pour agir.

Trois. Le Maghreb. "Nous devons repenser notre rapport à l'UE, géant économique, qui négocie avec les pays du Maghreb séparément. Ce qui nous pénalise. Alors que si nous nous fédérons, nous créerons des opportunités de marchés et d'échanges profitables à nos économies et un réel pouvoir de négociation vis à vis de notre partenaire Européen. Mea culpa, nous aurions du appuyer plus dans cette direction" Yes M. Abassi!
Venant de la part d'un syndicaliste, c'est magistral de réalisme patronal. Comme par hasard, nous avons un allié de poids, si politiquement, on se résout à jouer cette carte stratégique. Le ministre tunisien Habib Ben Yahia, Secrétaire Général de l'Union du Maghreb Arabe, qui n'attendrait qu'un rôle à la mesure de son expertise en diplomatie économique pour travailler de concert avec le Secrétaire Général de l'Union Pour la Méditerranée, l'Ambassadeur Marocain Fathallah Sijilmassi, à la réalisation de cet espace économique. M. Abassi a aussi évoqué la question palestinienne, sous les applaudissements encore nourris.

Je médite. Il n' y a pas de patriotisme. Il n'y a que des preuves de patriotisme.
Tous les défis, économie, éducation, citoyenneté, qui ont été évoqués à cette soirée ne sont pratiquement pas débattus en Tunisie par la classe politique, affairée à se maquiller pour les élections de 2019. Les journalistes font ce qu'ils peuvent mais ils ne pourront jamais se substituer au moteur des politiciens.
Je réalise que si la Tunisie n'avait pas reçu le prix Nobel de la Paix, ce Quartet sombrerait dans l'indifférence générale, et certainement l'oubli.
Je réalise aussi que nous avons chez nous un modèle de gestion (de crise) politique qui n'est pas adopté dans ses valeurs, dans ses élans par les partis.
Paradoxalement, la crise actuelle de la coalition UPL-Nidaa Tounes devrait tirer les enseignements d'une méthode qui marche. Hélas, "dawhi ya mbarka".
Je réalise que nous avons en Tunisie, quatre candidats, candides et concrets, pour élever la politique au rang qui lui revient, celui du service public.
Je réalise enfin que lorsque l'apolitique se mêle de politique, il est tangible comme son discours: clair, concis, précis. Alors que lorsque le politique se mêle de politique, il ne fait que de l'apolitique.
Le premier est générativité, humanisme, magnanimité, coriacité et efficacité.
Le second est adolescent, opportuniste, vaniteux, pédant et incapable.
Des trois que j'ai entendu hier, Ouided Bouchamaoui et Houcine Abassi me semblent présidentiables pour 2019. They get the job done.
Lorsque Houcine Abassi, en entendant la salle fredonner timidement l'hymne national, s'élance spontanément vers le pupitre à l'extrême gauche de la scène pour le chanter haut et fort, micro aidant, Tunisiennes et Tunisiens, on se dresse ensemble et chantons à gorges chaudes.
Mes larmes montent. "Sans les armes, il n'y a pas de larmes" avait si bien conclu Abdessatar Ben Moussa évoquant la question du terrorisme.
J'ai envie de crier "sans ce Nobel, serions-nous moins rebelles?" Non!
Bon sang, qu'est-ce qu'il nous fait du bien. Et à nos martyrs aussi, paix à leurs âmes.
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