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L'économie publique, au-delà d'une parfaite rationalité

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ÉCONOMIE - Tu sais qu'il faut épargner pour ta retraite, mais tu ne le fais que plusieurs années après ton premier job. Ton boss est surpris que sa décision d'offrir des primes aux consultants des projets pro bono du cabinet résulte dans une diminution de volontaires, et dénature la satisfaction procurée par ces projets. A l'inverse, tu entends souvent des analystes faire référence au fameux "trop d'impôt, tue l'impôt" du fait qu'un taux d'imposition trop fort renforce les motivations de fraude et rend ce canal fiscal quasiment inutile.

Pourtant, les théories économiques auraient prévu l'exact opposé de ces scénarios. Des stratégies du trading aux politiques fiscales en passant par les rémunérations au marché du travail, les règles du jeu en économie ont longtemps été conçues pour des individus rationnels, individualistes et utilitaristes, l'Homo œconomicus. Or, nos goûts, références sociales et aversion aux regrets nous positionnent souvent en dehors des confins dessinés par ces théories.

Entre autres, il se peut que l'on ancre nos décisions par rapport à celles des gens autour de nous. Il se peut également que nos goûts pour la réciprocité ou l'équité fassent que les décisions optimales pour nous ne soient pas forcément les plus rentables, et vice versa. En tous cas, nous ne prenons que rarement les décisions que les modèles de Keynes ou Solow auraient prédit.

Pis encore, cette divergence entre théorie et réalité ne concerne pas uniquement les foyers et entreprises domestiques, elle affecte les marchés nationaux et internationaux aussi. En effet, Robert Shiller, lauréat du prix Nobel d'économie en 2013, revient dans son livre L'exubérance irrationnelle sur la crise économique comme étant un exemple parfait des limites de la "théorie des marchés efficients", notamment la notion d'un marché qui s'autorégule et auquel on pourrait faire confiance.

Il argue alors que les comportements individuels et collectifs des traders (et non seulement la nature des deals) ont augmenté la volatilité des marchés et devancé l'apparition des bulles spéculatives - un scénario que les théories classiques n'ont point pris en considération. Dès lors, de plus en plus d'économistes ont recours à ce que l'on appelle "l'économie comportementale".

Ce nouveau domaine incorpore les biais cognitifs et émotionnels dans les analyses économiques afin de mieux prévoir la volatilité des systèmes financiers, offrir des portfolios robustes et éviter les chutes fatales du marché. A titre d'exemple, Futur Flexible PEA est une société de gestion de portefeuille créée avec la vision d'incorporer la finance comportementale dans son mode de gestion. Chez eux, les indices boursiers ne sont qu'une partie du tout: ils analysent aussi les sentiments des opérateurs dans le cycle et la gestion de risque chez les différentes classes d'investisseurs.

Mais si les analystes et investisseurs incorporent ces biais cognitifs et émotionnels dans leurs décisions, la question se pose alors: peut-on intégrer ces mêmes biais dans nos politiques publiques? Peut-on vraiment étudier les effets d'une hausse de la fiscalité, d'une prime à l'emploi ou d'une certaine subvention selon le pays, voire même selon la personne en question?

Ces questions sont de plus en plus cruciales, puisque les mêmes théories économiques qui n'ont pu prévoir les crises récentes, peinent aujourd'hui à suggérer un plan d'action qui pourra épurer les déficits et relancer l'activité. A l'instar des efforts d'austérité dans la zone euro, l'injection de yens japonais par la banque centrale s'est avérée inutile face à des ménages et entreprises qui n'ont plus le cœur à emprunter.

Dans le même registre, le canal traditionnels de la politique monétaire, notamment la baisse des taux pour relancer le crédit (et donc la consommation et l'investissement), a fini par être aussi bien inefficace que coûteux. Là encore, certains pensent que l'on pourrait utiliser les "ruses" de l'économie comportementale pour amener ces stratégies à être utiles en pratique.

A titre d'exemple, des plans de soutien pour l'entreprenariat, comme le support du "crowdsourcing", pourront probablement être plus bénéfiques que la baisse des taux de crédit, vu que nous sommes plutôt encouragés par le support (financier) de future-consommateurs que par des taux qui fluctuent d'une année a l'autre. De la même manière, au lieu d'un système d'épargnes opt-in, l'option par défaut pourrait plutôt être un opt-out, c'est-à-dire inscrire tout le monde au programme à moins que la personne y renonce délibérément.

En outre, afin d'encourager une réduction de consommation d'énergie, on pourrait plutôt penser à des rapports comparant les foyers du même quartier au lieu d'instaurer des rémunérations génériques. Certes, ces changements paraissent beaucoup trop simplistes, mais beaucoup y voient la manière la plus adéquate pour inciter les réactions voulues vis-à-vis des lois fiscales, changements monétaires et informations sur les marches.

Pour finir, la plus grande leçon que l'on pourrait tirer du domaine de l'économie comportementale est celle-ci: nos politiques publiques, au Maroc ou ailleurs, ne peuvent plus être décidées en silos. Marier les théories économiques aux nuances culturelles et biais cognitifs de la population est aujourd'hui une nécessité, non un luxe.

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