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Désenchantement politique (ÉDITO)

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ÉDITO - À moins de six mois des législatives, l'ambiance est à la reprise des hostilités. Les clans politiques avancent un à un leurs pions. Des alliances improbables dictées par le pragmatisme, pour ne pas dire l'opportunisme, commencent à se nouer. Et ce n'est pas par la force de leurs programmes politiques que les parti tentent de se disputer leur influence et de convaincre les électeurs, mais bien par les outrances, la vindicte, les accusations sans fondement, les suppositions farfelues et toutes ces petites phrases assassines qu'on pourrait qualifier de populistes.

Si le PJD et le PAM s'accusent mutuellement d'avoir des visées hégémoniques, l'USFP, par la voix de son tonitruant secrétaire général, préfère surfer sur la théorie du complot. Un classique. Pour Driss Lachgar donc, le Maroc est depuis 2010 la cible d'un complot fomenté par les Etats-Unis. Et les câbles de Wikileaks et des Panama Papers s'inscrivent dans le cadre d'un grand complot. Des déclarations qui ne sont pas sans rappeler celles de Hamid Chabat sur les relations entre Benkirane, le Mossad et Daech.

Il fut un temps pas si lointain où le discours politique marocain était caractérisé par la langue de bois, où chaque déclaration publique d'un Driss Jettou ou d'un Abbas El Fassi avait des airs de dépêche MAP à bâtonner. Mais les temps changent. En 2011, l'arrivée de Abdelilah Benkirane à la tête du gouvernement a permis de dépoussiérer les usages.

Ses principaux concurrents tenteront de se mettre au diapason et chercheront un Benkirane bis. Si l'Istiqlal a misé sur Hamid Chabat, le PAM a opté pour Ilyas El Omari, l'USFP pour Driss Lachgar. Des "fils du peuple", choisis pour parler le langage du peuple, et dont les profils et les parcours respectifs tranchent avec ceux des notables et des technocrates de la classe politique d'avant 2011.

Tout cela est inédit dans la vie politique marocaine. Mais la médaille a son revers, car aujourd'hui, les discours creux faits dans la langue de Sîbawayh ont laissé place au populisme et à la sophistique. Ce n'est pas forcément pire. Mais ce n'est pas mieux, au moment où l'on parle de la "construction du Maroc démocratique".

Pour paraphraser Patrick Charaudeau, fondateur du Centre d'analyse du discours de l'Université Paris XIII, "le populisme naît toujours dans une situation de crise sociale". Au Maroc, le discours populiste est né dans le contexte des printemps arabes avec en corollaire les craintes d'une contagion de la contestation.

Aussi, on observe souvent la présence d'un chef charismatique qui parle peu de programme politique, mais promet d'en finir avec la corruption et de rompre avec les pratiques du passé. C'était presque le slogan du PJD durant sa campagne de 2011.

Autre caractéristique du populisme, "la source du mal est souvent désignée de façon floue: le coupable ne doit pas être parfaitement identifié, de manière à laisser planer l'impression qu'il n'est pas visible et conduit ses affaires en sous-main, ce qui permet de suggérer l'existence de complots", relève Patrick Charaudeau. Dans le cas de Benkirane, les complots sont l'oeuvre des tamasih (crocodiles) et des afarite (djinn), Pour Lachgar, le pays de l'Oncle Sam est la source du mal, quand Hamid Chabat fait porter à Benkirane la responsabilité des inondations en république tchèque et des manifestations en Turquie parce qu'il n'a pas la baraka.

Disons-le, tout cela est folklorique, tire vers le bas la vie politique marocaine et rend impossible, pour les prochains mois, tout dialogue constructif. En usant du populisme jusqu'au grotesque, les leaders prennent le risque de susciter le désintérêt des électeurs, alors même que le taux de vote reste très faible au Maroc (47% chez les personnes inscrites aux listes électorales en 2011). Les plus stoïques rétorqueront que de toute façon, les décisions les plus stratégiques sont prises en dehors de l'exécutif.

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