Il y a 20 ans, 8372 bosniaques avaient été massacrés par les troupes serbes de Ratko Mladić. Cet épisode marquera profondément les consciences en devenant le plus grand massacre européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Même si les relations semblent s'améliorer entre Sarajevo et Belgrade, les tensions sont toujours sensibles avec Srebrenica. Pour les dirigeants serbes, il est inacceptable d'utiliser le terme de "génocide". Actuellement, le souvenir de Srebrenica ne permet pas d'assurer le devoir de mémoire afin d'amener à une réconciliation durable entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie. De plus, la responsabilité de la communauté internationale dans ce massacre est toujours en question.
Dans un premier temps, la fin des conflits dans l'ancien espace yougoslave avait permis l'instauration d'une juridiction internationale, le Tribunal Pénal pour l'ancienne Yougoslavie (TPIY), qui avait pour mission principale de poursuivre et juger les personnes s'étant rendues coupables de violations graves du droit international. L'ensemble des personnes recherchées par le Tribunal ont été arrêtées et de nombreux procès sont actuellement en cours, dont celui du commandant serbe qui a supervisé les massacres de Srebrenica, Ratko Mladić. Cependant, l'action du TPIY ne permet pas d'apaiser les tensions. La justice internationale est souvent liée aux aléas politiques. Ainsi, l'exemple d'Ante Gotovina laisse un goût amer à Belgrade. La remise en liberté de l'ancien général croate avait été considérée comme une récompense pour Zagreb vu ses efforts liés à l'intégration européenne de la Croatie. Le TPIY a déjà pris de nombreuses décisions qui semblent être politiques et permettent de conforter le discours de victimisation qui peut s'entendre en Serbie.
La fragile réconciliation entre Belgrade et Sarajevo
Chaque année, les commémorations ont lieu au mémorial de Potočari. Construit en 2003, il recense actuellement 8 372 victimes. Ce chiffre fait toujours débat car il est encore difficile d'élaborer le nombre exact de personnes tuées à Srebrenica. Il a fallu attendre de nombreuses années avant que la Serbie ne reconnaisse son implication. En 2010, le Parlement serbe avait condamné le massacre, mais refusé d'utiliser le terme de "génocide". La même année, Boris Tadić devenait le premier Président serbe à visiter le mémorial.
La commémoration de 2015 est marquée par de nombreux événements. Elle représente la première visite officielle du Président de la Republika Srpska (l'entité serbe de Bosnie-Herzégovine), Milorad Dodik, au mémorial. De plus, cette année, à côté des présidents croate, monténégrin et slovène, le Premier ministre serbe, Aleksandar Vučić sera présent.
Malgré les signes de rapprochement, l'événement a failli ne pas avoir lieu. La raison: un conflit opposant Belgrade et Sarajevo. En juin, la Suisse arrêtait l'ancien commandant de la défense de Srebrenica, Naser Orić. Il avait été acquitté par le TPIY mais cette décision n'avait pas plu aux autorités serbes. Désormais, elles réclament son extradition. Suite à son arrestation, la Bosnie-Herzégovine menaçait d'annuler la commémoration si Naser Orić n'était pas libéré. Sarajevo a dû revoir sa position vu les pressions internationales.
Mais c'est essentiellement le conflit avec le Président serbe, Tomislav Nikolić, qui pose problème. Ce dernier n'ira pas aux commémorations et ne souhaite nullement que le terme de "génocide" soit employé pour évoquer Srebrenica. Ce sujet dépasse les Balkans et le jeu des alliances refait surface.
La guerre des résolutions
Le Royaume-Uni a déposé en juin une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies demandant de reconnaître officiellement qu'en juillet 1995 à Srebrenica, les forces militaires serbes ont commis un génocide contre la population bosniaque. De plus, la résolution souhaitait transformer le 11 juillet comme "journée du souvenir pour les victimes du génocide à Srebrenica". Aussitôt, Belgrade a fait pression auprès des membres du Conseil de sécurité en demandant aux membres de ne pas adopter la résolution.
Par la suite, l'allié traditionnel de la Serbie, la Russie, avait annoncé une "contre résolution", évoquant "tous les crimes commis dans l'ancienne Yougoslavie" et souhaitant insister sur la souveraineté serbe afin de ne pas utiliser le terme de "génocide". La proposition russe n'ayant été retenue, Moscou déposa son veto contre la résolution britannique le 8 juin.
Ce soutien russe envers la Serbie n'est pas surprenant. Les deux pays entretiennent aujourd'hui des liens particuliers, mais profonds. Au-delà des attaches historiques, les avantages pour les entreprises russes en Serbie sont nombreux et Moscou soutient sans relâche Belgrade sur le dossier du Kosovo.
Cette guerre des résolutions n'est pas terminée. Au niveau européen, le Parlement a proposé le 9 juillet une résolution souhaitant insister sur le caractère génocidaire de Srebrenica. Adoptée à une très large majorité, Belgrade a trouvé soutien à travers les eurodéputés du Front national au Parlement européen.
Ainsi, l'eurodéputé Aymeric Chauprade avait essayé de contrer le projet de résolution en proposant un texte qui précisait qu'"aucun élément probant ne permet d'accuser la minorité serbe" sur le caractère génocidaire de Srebrenica. Une position qui n'est pas surprenante vu l'ancienne rhétorique du parti d'extrême droite français qui entretient des liens très étroits avec Vojislav Šešelj, Président du parti d'extrême droite serbe (héritier des tchetnik et défenseur de la Grande Serbie). La proposition d'Aymeric Chauprade a été rejetée par une grande majorité.
Mais l'implication de la communauté internationale sur Srebrenica ne se limite pas uniquement aux résolutions. Le souvenir du 11 juillet 1995 est toujours présent et certains États ont eu du mal à assumer leur responsabilité. Les Pays-Bas sont directement concernés par cet événement. Le régiment de casques bleus qui était chargé de défendre l'enclave était de nationalité néerlandaise.
L'acceptation de sa responsabilité a été longue pour le pays. Mais La Haye accepte désormais sa passivité lors du massacre et collabore facilement avec les familles des victimes. Avant d'arriver à cette situation, les Mères de Srebrenica, avaient emprunté plusieurs voies juridiques. En 2007, l'association porta plainte contre les Pays-Bas et l'ONU pour "échec à prévenir un génocide" et "non-déclaration de crimes de guerre". Cette plainte a été rejetée il y a quelques mois par la justice internationale. Cependant en 2014, la justice néerlandaise jugea les Pays-Bas coupables de la mort de 300 Bosniaques à Srebrenica.
Mais l'exemple des Pays-Bas est une exception. Dans les conflits balkaniques des années 1990, la communauté internationale a fermé les yeux sur de nombreuses exactions et protège aujourd'hui certains commanditaires. Avec cette démarche, il est simple de s'assurer le soutien d'un partie la classe politique et les agents économiques influents dans la région.
Même en 2015, Srebrenica raisonne dans la tête de tous les européens. 20 ans après, de nombreuses questions restent sans réponse. Une interrogation qui ne se limite pas uniquement à la Bosnie-Herzégovine, mais aussi autres conflits balkaniques. Les silences complices des belligérants et des Européens sont troublants et ne permettent pas aux victimes d'obtenir la vérité. Cette situation ne permet pas de réaliser le devoir de mémoire pour les guerres des années 90. Aujourd'hui, les manuels scolaires à Sarajevo présentent Srebrenica comme un détail. Cette démarche ne peut permettre la réconciliation et aux victimes de s'exprimer librement.
Dans un premier temps, la fin des conflits dans l'ancien espace yougoslave avait permis l'instauration d'une juridiction internationale, le Tribunal Pénal pour l'ancienne Yougoslavie (TPIY), qui avait pour mission principale de poursuivre et juger les personnes s'étant rendues coupables de violations graves du droit international. L'ensemble des personnes recherchées par le Tribunal ont été arrêtées et de nombreux procès sont actuellement en cours, dont celui du commandant serbe qui a supervisé les massacres de Srebrenica, Ratko Mladić. Cependant, l'action du TPIY ne permet pas d'apaiser les tensions. La justice internationale est souvent liée aux aléas politiques. Ainsi, l'exemple d'Ante Gotovina laisse un goût amer à Belgrade. La remise en liberté de l'ancien général croate avait été considérée comme une récompense pour Zagreb vu ses efforts liés à l'intégration européenne de la Croatie. Le TPIY a déjà pris de nombreuses décisions qui semblent être politiques et permettent de conforter le discours de victimisation qui peut s'entendre en Serbie.
La fragile réconciliation entre Belgrade et Sarajevo
Chaque année, les commémorations ont lieu au mémorial de Potočari. Construit en 2003, il recense actuellement 8 372 victimes. Ce chiffre fait toujours débat car il est encore difficile d'élaborer le nombre exact de personnes tuées à Srebrenica. Il a fallu attendre de nombreuses années avant que la Serbie ne reconnaisse son implication. En 2010, le Parlement serbe avait condamné le massacre, mais refusé d'utiliser le terme de "génocide". La même année, Boris Tadić devenait le premier Président serbe à visiter le mémorial.
La commémoration de 2015 est marquée par de nombreux événements. Elle représente la première visite officielle du Président de la Republika Srpska (l'entité serbe de Bosnie-Herzégovine), Milorad Dodik, au mémorial. De plus, cette année, à côté des présidents croate, monténégrin et slovène, le Premier ministre serbe, Aleksandar Vučić sera présent.
Malgré les signes de rapprochement, l'événement a failli ne pas avoir lieu. La raison: un conflit opposant Belgrade et Sarajevo. En juin, la Suisse arrêtait l'ancien commandant de la défense de Srebrenica, Naser Orić. Il avait été acquitté par le TPIY mais cette décision n'avait pas plu aux autorités serbes. Désormais, elles réclament son extradition. Suite à son arrestation, la Bosnie-Herzégovine menaçait d'annuler la commémoration si Naser Orić n'était pas libéré. Sarajevo a dû revoir sa position vu les pressions internationales.
Mais c'est essentiellement le conflit avec le Président serbe, Tomislav Nikolić, qui pose problème. Ce dernier n'ira pas aux commémorations et ne souhaite nullement que le terme de "génocide" soit employé pour évoquer Srebrenica. Ce sujet dépasse les Balkans et le jeu des alliances refait surface.
La guerre des résolutions
Le Royaume-Uni a déposé en juin une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies demandant de reconnaître officiellement qu'en juillet 1995 à Srebrenica, les forces militaires serbes ont commis un génocide contre la population bosniaque. De plus, la résolution souhaitait transformer le 11 juillet comme "journée du souvenir pour les victimes du génocide à Srebrenica". Aussitôt, Belgrade a fait pression auprès des membres du Conseil de sécurité en demandant aux membres de ne pas adopter la résolution.
Par la suite, l'allié traditionnel de la Serbie, la Russie, avait annoncé une "contre résolution", évoquant "tous les crimes commis dans l'ancienne Yougoslavie" et souhaitant insister sur la souveraineté serbe afin de ne pas utiliser le terme de "génocide". La proposition russe n'ayant été retenue, Moscou déposa son veto contre la résolution britannique le 8 juin.
Ce soutien russe envers la Serbie n'est pas surprenant. Les deux pays entretiennent aujourd'hui des liens particuliers, mais profonds. Au-delà des attaches historiques, les avantages pour les entreprises russes en Serbie sont nombreux et Moscou soutient sans relâche Belgrade sur le dossier du Kosovo.
Cette guerre des résolutions n'est pas terminée. Au niveau européen, le Parlement a proposé le 9 juillet une résolution souhaitant insister sur le caractère génocidaire de Srebrenica. Adoptée à une très large majorité, Belgrade a trouvé soutien à travers les eurodéputés du Front national au Parlement européen.
Ainsi, l'eurodéputé Aymeric Chauprade avait essayé de contrer le projet de résolution en proposant un texte qui précisait qu'"aucun élément probant ne permet d'accuser la minorité serbe" sur le caractère génocidaire de Srebrenica. Une position qui n'est pas surprenante vu l'ancienne rhétorique du parti d'extrême droite français qui entretient des liens très étroits avec Vojislav Šešelj, Président du parti d'extrême droite serbe (héritier des tchetnik et défenseur de la Grande Serbie). La proposition d'Aymeric Chauprade a été rejetée par une grande majorité.
Mais l'implication de la communauté internationale sur Srebrenica ne se limite pas uniquement aux résolutions. Le souvenir du 11 juillet 1995 est toujours présent et certains États ont eu du mal à assumer leur responsabilité. Les Pays-Bas sont directement concernés par cet événement. Le régiment de casques bleus qui était chargé de défendre l'enclave était de nationalité néerlandaise.
L'acceptation de sa responsabilité a été longue pour le pays. Mais La Haye accepte désormais sa passivité lors du massacre et collabore facilement avec les familles des victimes. Avant d'arriver à cette situation, les Mères de Srebrenica, avaient emprunté plusieurs voies juridiques. En 2007, l'association porta plainte contre les Pays-Bas et l'ONU pour "échec à prévenir un génocide" et "non-déclaration de crimes de guerre". Cette plainte a été rejetée il y a quelques mois par la justice internationale. Cependant en 2014, la justice néerlandaise jugea les Pays-Bas coupables de la mort de 300 Bosniaques à Srebrenica.
Mais l'exemple des Pays-Bas est une exception. Dans les conflits balkaniques des années 1990, la communauté internationale a fermé les yeux sur de nombreuses exactions et protège aujourd'hui certains commanditaires. Avec cette démarche, il est simple de s'assurer le soutien d'un partie la classe politique et les agents économiques influents dans la région.
Même en 2015, Srebrenica raisonne dans la tête de tous les européens. 20 ans après, de nombreuses questions restent sans réponse. Une interrogation qui ne se limite pas uniquement à la Bosnie-Herzégovine, mais aussi autres conflits balkaniques. Les silences complices des belligérants et des Européens sont troublants et ne permettent pas aux victimes d'obtenir la vérité. Cette situation ne permet pas de réaliser le devoir de mémoire pour les guerres des années 90. Aujourd'hui, les manuels scolaires à Sarajevo présentent Srebrenica comme un détail. Cette démarche ne peut permettre la réconciliation et aux victimes de s'exprimer librement.
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