VIE DE FAMILLE - J'ai écrit pas mal d'articles sur ce qu'il ne faut pas dire aux familles comme la mienne, celles dont les enfants sont de toute évidence adoptés, parce que je ne compte plus les commentaires négatifs et grossiers auxquels j'ai été confrontée.
Les gens ont rarement conscience de la grossièreté dont ils font preuve. Ils pensent que la curiosité ou leur histoire personnelle ("Le neveu de la sœur de la belle-mère de ma tante a adopté un petit Chinois!") leur donnent le droit de poser toutes sortes de questions. Mais leurs opinions nous prennent souvent de court au plus mauvais moment: quand on fait la queue au magasin, qu'on attend de se faire contrôler à l'aéroport, qu'on va au restaurant, qu'on choisit un livre à la bibliothèque ou qu'on bronze sur la plage. Visiblement, on n'est à l'abri nulle part.
J'en suis devenue de plus en plus renfermée. En public, j'évite de regarder les gens dans les yeux ou de prendre part à leurs conversations anodines, parce que je sais qu'un regard appuyé sera forcément suivi d'un: "Au fait...", prélude à une question indiscrète sur notre famille. Il y a des jours où je n'ai pas l'énergie nécessaire pour faire preuve de pédagogie.
Ce n'est pas par honte ou parce que je doute de nos choix de vie. Mais nos enfants, ces petits qui sont là, avec nous, quand on se fait aborder par n'importe qui, ne sont pas des mannequins pour une campagne sur l'adoption. Ce sont des êtres humains, avec des sentiments et des droits. Leur histoire personnelle ne vous regarde pas.
Ils comptent sur mon mari et moi pour leur montrer comment poser des limites au comportement de certains adultes, qui insistent pour toucher leurs tresses africaines, se demandent pourquoi nous n'avons pas eu d'enfants "à nous" et si nos filles sont "vraiment" sœurs, combien on a payé pour les avoir ou encore si leurs parents biologiques étaient toxicomanes.
Je n'ai généralement aucune envie de leur expliquer ce qu'implique l'adoption quand je vais acheter du papier toilette, tout en m'assurant que les petites ne se jettent pas sur les bonbons à la caisse.
Quand j'écris ce type d'articles, je lis souvent des commentaires du genre: "Faut pas le prendre mal, les gens sont simplement curieux". Je ne le prends pas mal, mais je ne supporte pas le manque de respect et de considération dont ils font preuve envers les enfants qui m'accompagnent. Ça, ça m'énerve. L'autre commentaire le plus fréquent, c'est: "Si je croise une famille adoptive, qu'est-ce que je peux leur dire?"
Le mois dernier, nous sommes allés cueillir des fraises dans une ferme du coin. Alors que nous quittions l'allée après avoir rempli deux énormes boîtes de ces délicieux fruits, nous avons croisé une femme blanche d'une soixantaine d'années, assise dans l'allée suivante. Je l'ai regardée et elle m'a souri. Je lui ai rendu son sourire, tout en suivant mon mari et nos enfants en direction du tracteur qui nous ramènerait vers la caisse. Je savais qu'elle voulait faire un commentaire sur les enfants, car elle me fixait toujours.
J'ai retenu mon souffle. Je m'attendais aux sempiternelles questions ("Ils sont tous à vous?", "Ils viennent de quel pays?", "Vous les avez adoptés?") et commentaires ("Ils sont adorables! J'adore les enfants Noirs!", "Que Dieu vous bénisse de les avoir adoptés!", "J'aurais tellement voulu adopter!") mais, à ma grande surprise, cette femme n'a rien dit de tout cela.
Elle a continué de sourire et m'a dit, le plus sincèrement du monde: "Vous faites une très belle famille".
J'en ai soupiré de soulagement. Je l'ai remerciée, les larmes aux yeux.
Ces mots si simples étaient comme un baume rafraîchissant. Pas de suppositions sur nos enfants, mes ovaires ou nos intentions. Pas de remerciements pour les avoir "sauvés" (comme si on leur avait fait la charité). Pas de tentative de toucher leurs cheveux, ou de demande d'explications. Juste ces mots, pleins de grâce et de bonté, lancés par une âme généreuse.
Elle m'a parlé du fond du cœur.
Et j'ai pu lui répondre en lui ouvrant le mien.
Ce blog, publié à l'origine sur Le Huffington Post US, a été traduit par Maëlle Gouret pour Fast for Word.
Les gens ont rarement conscience de la grossièreté dont ils font preuve. Ils pensent que la curiosité ou leur histoire personnelle ("Le neveu de la sœur de la belle-mère de ma tante a adopté un petit Chinois!") leur donnent le droit de poser toutes sortes de questions. Mais leurs opinions nous prennent souvent de court au plus mauvais moment: quand on fait la queue au magasin, qu'on attend de se faire contrôler à l'aéroport, qu'on va au restaurant, qu'on choisit un livre à la bibliothèque ou qu'on bronze sur la plage. Visiblement, on n'est à l'abri nulle part.
J'en suis devenue de plus en plus renfermée. En public, j'évite de regarder les gens dans les yeux ou de prendre part à leurs conversations anodines, parce que je sais qu'un regard appuyé sera forcément suivi d'un: "Au fait...", prélude à une question indiscrète sur notre famille. Il y a des jours où je n'ai pas l'énergie nécessaire pour faire preuve de pédagogie.
Ce n'est pas par honte ou parce que je doute de nos choix de vie. Mais nos enfants, ces petits qui sont là, avec nous, quand on se fait aborder par n'importe qui, ne sont pas des mannequins pour une campagne sur l'adoption. Ce sont des êtres humains, avec des sentiments et des droits. Leur histoire personnelle ne vous regarde pas.
Ils comptent sur mon mari et moi pour leur montrer comment poser des limites au comportement de certains adultes, qui insistent pour toucher leurs tresses africaines, se demandent pourquoi nous n'avons pas eu d'enfants "à nous" et si nos filles sont "vraiment" sœurs, combien on a payé pour les avoir ou encore si leurs parents biologiques étaient toxicomanes.
Je n'ai généralement aucune envie de leur expliquer ce qu'implique l'adoption quand je vais acheter du papier toilette, tout en m'assurant que les petites ne se jettent pas sur les bonbons à la caisse.
Quand j'écris ce type d'articles, je lis souvent des commentaires du genre: "Faut pas le prendre mal, les gens sont simplement curieux". Je ne le prends pas mal, mais je ne supporte pas le manque de respect et de considération dont ils font preuve envers les enfants qui m'accompagnent. Ça, ça m'énerve. L'autre commentaire le plus fréquent, c'est: "Si je croise une famille adoptive, qu'est-ce que je peux leur dire?"
Le mois dernier, nous sommes allés cueillir des fraises dans une ferme du coin. Alors que nous quittions l'allée après avoir rempli deux énormes boîtes de ces délicieux fruits, nous avons croisé une femme blanche d'une soixantaine d'années, assise dans l'allée suivante. Je l'ai regardée et elle m'a souri. Je lui ai rendu son sourire, tout en suivant mon mari et nos enfants en direction du tracteur qui nous ramènerait vers la caisse. Je savais qu'elle voulait faire un commentaire sur les enfants, car elle me fixait toujours.
J'ai retenu mon souffle. Je m'attendais aux sempiternelles questions ("Ils sont tous à vous?", "Ils viennent de quel pays?", "Vous les avez adoptés?") et commentaires ("Ils sont adorables! J'adore les enfants Noirs!", "Que Dieu vous bénisse de les avoir adoptés!", "J'aurais tellement voulu adopter!") mais, à ma grande surprise, cette femme n'a rien dit de tout cela.
Elle a continué de sourire et m'a dit, le plus sincèrement du monde: "Vous faites une très belle famille".
J'en ai soupiré de soulagement. Je l'ai remerciée, les larmes aux yeux.
Ces mots si simples étaient comme un baume rafraîchissant. Pas de suppositions sur nos enfants, mes ovaires ou nos intentions. Pas de remerciements pour les avoir "sauvés" (comme si on leur avait fait la charité). Pas de tentative de toucher leurs cheveux, ou de demande d'explications. Juste ces mots, pleins de grâce et de bonté, lancés par une âme généreuse.
Elle m'a parlé du fond du cœur.
Et j'ai pu lui répondre en lui ouvrant le mien.
Ce blog, publié à l'origine sur Le Huffington Post US, a été traduit par Maëlle Gouret pour Fast for Word.
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