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La Tunisie face à l'effraction psychique

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Le trauma fracasse c'est sa définition. Et la résilience qui permet de se remettre à vivre associe la souffrance avec le plaisir de triompher. Curieux couple ! Boris Cyrulnik


Substituer l'acte à la pensée, pervertir la religion pour agir au nom d'une divinité afin d'atteindre la satisfaction ultime à travers l'acte mortifère: Ceci est l'apanage du terrorisme.

D'actualité, la recrudescence des actes violents dans notre société exigerait de considérer le terrorisme dans sa causalité ainsi que dans ses conséquences souvent dévastatrices. Que la société soit témoin d'autant de cruauté, cela nous ramènerait à se pencher plus sérieusement sur l'impact psychologique d'un terrorisme qui se nourrit de notre terre. En effet, l'acte agressif vient faire effraction dans une société essoufflée par son parcours démocratique, et provoque des dégâts innombrables.

Il n'est pas rare que le tsunami émotionnel enclenché par un acte terroriste dépose en soi des traces d'un passage violent, inscrit des blessures dans la conscience collective et traine des résidus au niveau inconscient. Ainsi et dans sa définition propre, le terrorisme opère en intra-veineux pour rompre la ferveur patriotique, réduire à néant les structures "repères" et diffuser un climat insécure.

Le "terroriser pour mieux régner" n'a jamais été aussi sanguinaire et proclamé, et ce depuis les attentats du bardo en mars 2015 revivifiés par l'attaque de Sousse en ce vendredi noir dans toute l'histoire de la Tunisie.

Intrusif et acerbe, l'attentat terroriste de part de sa menace mais aussi en après coup de son exécution remue de fond en comble la zone de confort dans laquelle évolue le citoyen. Pouvant ainsi favoriser l'éclosion des troubles psychiques et des comportements à risque, l'acte terroriste influence à la fois la sphère personnelle et la sphère publique pour laisser libre cours à l'expression des maux de la société les plus enfouies et ce quand la prise en charge fait défaut.

Les attentats survenus à maintes reprises en Tunisie replacent les citoyens dans des perspectives macro-sociales de traitement des violences et interrogent leur relation à la notion de traumatisme. Ainsi, l'acte terroriste niant toute subjectivité frappe l'individu dans son moi personnel et dans son sentiment d'appartenance à un tissu social qui vient à être brutalement déchiré.

Du côté du commanditaire, le cheminement est tout bonnement à l'opposé. L'acte terroriste déclare la mort en soi pour revendiquer une appartenance à un groupe et faire perdurer de la sorte le dogme. Cette expression brute de la pulsion de mort nous dessine un élan destructeur qui ferait évoluer la notion de violence vers un autre stade encore plus sanguinaire jamais connu par le peuple tunisien.

Terrorisme : l'effet sournois sur la psyché

Décrit comme une effraction psychique, le traumatisme lié à un acte terroriste, absorbé par un individu "éponge" provoque une réaction naturelle de stress accru proportionnelle à une peur aussi violente que soudaine par analogie à l'acte inducteur en lui-même. Une "gestation" de survie inscrit souvent les victimes dans une dynamique d'étayage auprès de leurs proches afin de chercher refuge et réconfort. Chez les victimes témoins primaires, secondaires ou tertiaires d'un attentat terroriste, une certaine symptomatologie typique au traumatisme s'installe avec des comportements anxieux, des souvenirs intrusifs, des troubles du sommeil et des tendances dépressives. Dans son expression différée, le traumatisme peut induire chez certaines victimes l'apparition d'un symptôme comme expression corporelle quasi directe de la souffrance psychique.

Cette somatisation peut se traduire en un syndrome de répétition, une dissociation avec agitation et angoisse communément appelé syndrome de stress post traumatique (PTSD).

Les conséquences diffuses des actes terroristes atteignent non seulement des individus en tant que victimes directes, mais également la famille, les collègues, les voisins et finalement l'ensemble de la société. En effet, quand la peur s'installe au cœur d'une ville ou d'un pays attaqué, la nécrose est inévitable. Autant de comportements à risque sont alors observables comme l'augmentation de la consommation de tabac et d'alcool, l'adoption d'une attitude d'évitement et de phobie dans les cas extrêmes. Cependant, la survenue d'un trauma n'implique pas ipso facto l'installation d'un syndrome psycho-traumatique. Seul le syndrome de répétition est considéré comme pathognomonique dans l'établissement d'un diagnostic de pathologie traumatique. Lors des interventions de crise, la considération du contexte et des circonstances relève d'une priorité dans le traitement individuel des victimes car aussi imprévisible que l'acte terroriste, cette guerre psychologique est enclenchée contre toutes les structures de l'état afin d'affaiblir les masses et réduire les ressources à néant.

En situation de crise, la Tunisie patauge

Pour le cas de la Tunisie, la prise en charge des victimes dès les premières heures après la survenue de l'attentat terroriste est une priorité éthique au-delà de toute considération, mais qui demeure malheureusement tributaire. L'intervention immédiate devrait viser de prime abord à repérer l'évolution individuelle et collective des victimes afin d'adopter une conduite thérapeutique adéquate pour la restauration d'un espace psychique contenant. L'orientation des familles des blessés et victimes de l'attentat de Sousse a été une démarche primaire et nécessaire au fonctionnement des cellules médico-pychologiques de gestion des catastrophes.

En considérant le fait que la Tunisie active ses dispositifs par contrainte et non par prévention, il s'est avéré vital d'intervenir immédiatement en cas d'événements traumato-gènes et ce afin de réduire le risque de développement d'une pathologie traumatique.

Finalement et au-delà des aspects de la victimologie, "Seif Eddine Rezgui" le jeune universitaire de 23ans, passe à l'acte sur une plage à Sousse en provoquant la mort de 38 personnes. Illustré en loup solitaire, exécutant ses victimes de sang froid et manipulant son kalache comme une troisième main, le terroriste traverse la plage dans une démarche dédaignant comme pour faire passer "un message sans mot".

La portée symbolique est bien inscrite dans sa mise en scène et vient toucher viscéralement la mémoire comme un message subliminal. En prêtant allégeance à ISIS, conquérir l'au-delà en sacrifiant "les mécréants" fut une réalisation magique du désir. Son désir d'ETRE et de frapper une réalité qui est la notre comme pour prendre l'avantage et décider pour EXISTER. A le regarder de plus près, la peur a changé de camp.



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